1.1.1. Un docteur de vacuité

Au même titre que le corpus biblique et shakespearien (dont l’importance dans ce théâtre là est presque aussi grande que dans les romans de Faulkner), le vide s’apparente moins à une simple thématique qu’à une sorte de support rhétorique tout à fait essentiel. Paradoxalement, le vide est ici un élément constitutif, une fondation plus qu’utile, une scène véritable voire une piste de cirque.

Non sans pertinence, le designer Philippe Starck constate que le vide est à la base d’une chaise au même titre que ses barreaux ; c’est d’ailleurs même ce qui peut faire dire qu’on est surtout assis sur du vide. On peut aussi comme le font certains artistes, jouer plus ou moins avec le vide et le mettre en valeur, le magnifier, faire rire avec, intriguer, troubler : telles sont en tout cas, nous semble-t-il, les caractéristiques (cf. drôlerie, étrangeté, etc.) de cette rhétorique à part entière, certes difficile à étudier (il y faut un recul et des connaissances que nous n’avons pas) mais qu’il convient d’évoquer malgré tout.

En somme, si l’homme est une coquille vide que Dieu remplit de vent et Dieu, « le non-être qui a le mieux réussi à faire parler de lui »399, le vide existe et le rien n’est pas rien ; il permet même beaucoup de choses. Cela, certains philosophes, appelés parfois vacuistes, l’ont bien compris. On pourrait presque parler ici d’un « vide opératoire » et plein de surprises dont l’évocation peut parfois faire rire.

Notes
399.

Cet aphorisme que l’on doit à Raymond Queneau, nous paraît avoir été omis par Novarina – de même que « Par modestie, Dieu n’existe pas » – dans la "théo-liste" de La Chair de l’homme : ils figurent dans la troisième partie (cf. « Sally plus intime ») des Œuvres complètes de Sally Mara, L’imaginaire-Gallimard, 1995.