3.3. Pantinitude de l’acteur

Devant eux, les acteurs, nous sommes, ne l’oublions pas, comme devant des martyrs empalés ; cela, qui n’est pas pure rhétorique, force le respect : c’est qu’il faut accepter la marionnettisation et même, dans le cas des artistes comiques, une sorte de mariolisation qui implique une abnégation remarquable, une kénôse d’un certain type – et que le Schpountz de Pagnol justifiera en d’autres termes, en évoquant l’utilité cathartique du rire et l’importance sociale du clown.

Cela dit, ce qui peut aider à la pantinité, c’est que le texte s’y prête : très concrètement, pragmatiquement, il faut que l’acteur ait envie, car cela ne va pas sans souffrance, de se laisser traverser par lui ; Louis de Funès constituant sans doute une sorte de cas à part, on pourrait presque concevoir que d’excellents acteurs tels que Roland Bertin, Darry Cowl ou Michel Galabru se laissent parfois aller à un cabotinage tout relatif et à certaines facilités (voire à d’éventuelles petites ficelles du métier) lorsque le rôle n’est pas vraiment à la hauteur de leur talent et de leur potentiel de pantinité – c’est (du moins on peut le supposer) que le sujet n’a pas eu l’heur d’exciter le pantin en eux…

Pour finir, le concept de « pantinité » renvoie à une certaine solitude – qui concerne aussi le personnage de Casanova tel que filmé par Fellini (qui l’assimilait à un pantin tragique). Cette solitude, sans doute lié au vide (celui de l’existence humaine ?), explique peut-être pourquoi Novarina utilise aussi le mot « pantinitude », qui se présente comme un mot-valise formé à partir de "solitude" et de "pantin" : en cela, sans doute, consiste le sacrifice comique de l’acteur novarinien…