1.1.1. « Au commencement était la plainte »

"Au commencement était la plainte" : ainsi pourrait-on, bibliquement, dire ce qui a présidé à la naissance du blues – si nous parlons ici de blues plutôt que de plainte, c’est à cause de la modernité, de l’intensité dramatique et de la musicalité très forte dans laquelle la plainte novarinienne s’exprime en règle générale.

Cela dit, il semble que la musique de Novarina aille, la plupart du temps, beaucoup plus vite que le blues classique, parfois lancinant. Il faudrait donc plutôt la rapprocher de l’avatar plus rapide dit blues-rock ou d’un certain type de fugue mélangeant jazz et musique tzigane (on songe au travail d’un Grappelli et de Django Reinhart) et de musiques de danses très vives telles que le rigodon cher à Céline, voire certains quadrilles endiablés et autres square-dance ou passacailles. Les plus modernes (et il faut l’être absolument, ainsi que le préconisait Rimbaud) trouveront le moyen de comparer cette langue au funk, au rap et de prétendre que Novarina est en fait le premier écrivain techno (pour le recours à la répétition et le caractère hypnotique de sa parole) ; d’autres (nous en sommes) établiront des correspondances avec Jimi Hendrix pour le côté surprenant, ultra-rapide et faussement destroy de la prose en fait musicale (voire très mélodieuse) en question ; d’aucuns, enfin, évoquerons le reggae pour la critique de Babylone (voire de "Boucobylone"), toujours plus ou moins présente chez Novarina, mais surtout dans L’Opérette imaginaire, L’Origine rouge ou L’Atelier volant.

Enfin, si le rythme n’est donc pas tout à fait celui du blues, l’esprit est là. Et, comme dans cette musique pleine de violence mais aussi de noblesse et de dignité, le rythme semble avoir pour fonction d’interpeller autrui : nous sommes comme sommés de nous identifier (de compatir ?) à la souffrance qui est exprimée. La chose est facile et vient naturellement car la souffrance en question est inhérente au fait même d’être, au drame d’exister.