1.3. Rire et plainte : la « douleurje »

1.3.1. « J’ai l’dégoût » : l’air de Jean Douleur

Enfin , il est des blues comiques (ce qui est certes oxymorique) où l’on a n’a plus goût à rien comme à la page 75 de Vous qui habitez le temps où « Autrui » refuse (par angoisse métaphysique ? désespoir ?) de s’alimenter :

‘Dedans mon assiette creuse / Y a une chanson affreuse, / Et si épouvantable / Que je la cache sous la table / - Ni les p’tits pois non plus ! - / Les yaourts me dégouttent / De même la bett’rave rouge / J’déteste les haricots / J’aime pas le ragoût de veau / -Ni les p’tits pois non plus.’

Le deuil se chante aussi comme à la page 136 de L’Origine rouge : « Elle l’appelait mon p’tit samovar / Tant y sentait bon l’ chou au lard / Square Bolivar… ». Comme toujours chez Novarina, il y a de l’incongruité : le surnom affectueux de « p’tit samovar » est donnée au futur écrasé parce qu’il sent bon « l’chou au lard » ; c’est drôle mais imaginons que la « personne chantante » n’ait pas toute sa tête : cela devient aussi poignant et pathétique que « La p’tit’ Guigui » de Michel Jonasz (qu’on peut, comme Souchon, assimiler à un bluesman de variété) : « Je sais plus qui tu étais : ma sœur ? / Ma mère ? Ma petite fille ? / Une fiancée qu’on déshabille ? / Je sais seulement qu’on s’aimait […] / Sauf qu’à cause que tu me manques, / Des neutrons… / Ou des neurones / – Je sais plus – / Me jouent des tours / Ou tu t’embrouilles ». L’idée de folie est carrément évoquée à la page 156 de L’Origine rouge :

‘Tout au bord d’la rivière Fulgence / Il est un coin d’ciel parigot / C’est là que, fuyant ma démence / J’ai trouvé asile à l’hosto. / Je prie l’espace qu’il me supporte / Et toutes les portes de s’ouvrir grand / Afin qu’je ne fasse, en quelque sorte / Plus qu’un avec les éléments’