1.3.2. Le Blues d’Icare

Dans un même ordre d’idée, la chanson de Jean-en-Doubles pourrait être considérée comme celle d’un homme fou, et rendu tel à cause de la perte (deuil, disgrâce, abandon) d’un être cher qui faisait siamoisement partie de lui-même (qui était soi):

‘J’ai deux oreilles au voisinage / Qui entendent partout ce qui se passe nulle part / J’entends des voix dans la machine / Loin du cerveau qui perche là haut. / Qui vole en haut il tombe de bas : / Tout en pensée, rien qu’en fumée / Tout en pensée, rien qu’en fumée / Sans toi je vais pas bien : / J’erre de travers soir et matin. ’

Le proverbe « Qui vole en haut, il tombe de bas » correspond peut-être au terrible constat d’une cruelle désillusion, d’une « Chute d’Icare » : l’on croyait voler, et puis l’on tombe à l’eau – idem, en plus trivial, dans « Ma dentition que je croyais si vive / Vient de tomber sur un os de malheur » (in C.H. repris dans Le Repas, p. 27). Couple, rapport fraternel, sororal et/ou binôme Icare/Dédale : aucune reformation à l’horizon et quant au vers repris deux fois, « Tout en pensée, rien qu’en fumée », on peut le voir comme renvoyant au vide laissé par l’absent.