2.3. Cap au pire, cap à Bois et cap à Glas

2.3.1. L’obsession de la mort : un horizon funèbre

Ce je-là se pose crânement (c’est à dire shakespearienne ment) la question du sens de la vie – ce drame. Or, il semble que personne ne soit jamais allé aussi loin dans l’absence de réponse ; l’expression de ce vide a quelque chose de comique et de pascalien : nous pouvons tout à la fois être pris d’un vertige et saisi, cueilli, par un rire énorme, falsafa(f)en, rabelaisien – et même homérique en ce qu’il n’a peut-être plus rien, ce rire, de commun avec celui des simples mortels (mais il est vrai que nous nous situons dans le Monde, le Urlumonde, etc.).

A priori, pourtant, le rire ne tient pas dans Je suis pas la place qu’il tient d’habitude ; il est complètement noir, célinien, désespéré. L’obsession comique de la mort est partout ; c’est ainsi que le moindre appendice nasal devient un « cercueil au milieu de la figure » (p. 211) ; le sentiment que la mort est toujours là, dans le corps même, est ici un thème récurrent ; en somme, la mort se voit comme le nez au milieu de la figure – et c’est peut-être le sens de la métaphore du cercueil. Dans un même ordre d’idée et à la page 22 de Vous qui habitez le temps, la demande polie "S’il vous plaît, passez-moi la salière !" semble devenir « S’il vous plaît, passez-moi mon cadavre ! ».

Dans la société de consommation qui nous est, pour filer la métaphore du nez, donnée à renifler, même le supermarché (si c’en est un) sent la mort : « Occidorama » ; s’agirait-il ici de nous occire dramatiquement à l’occidentale ? C’est peut-être l’hypothèse qu’aurait émise Michel Leiris s’il avait dû décortiquer ce mot dans le cadre de son fameux Glossaire.