2.3.3. L’homme blêmit

Si l’onomastique et la toponymie sont concernées, le corps l’est aussi. C’est même dans le corps qu’a lieu la prise de conscience : ce qu’on répète « par tous les trous possibles », c’est la mort (S., p. 32 et p. 41).

Ce corps dont on constate les « mille nuisances », il nous renseigne sur notre avenir ; c’est même la seule et unique réponse qu’il fait à nos questions. Adam le sait, qui en blêmit dans Le Jardin de reconnaissance, cependant que les étourneaux, qui sont autant d’étourdis à tête de linotte (mais ces volatiles sont enviables : ils ne savent pas qu’ils vont mourir), semblent le narguer en continuant de chanter, sans doute  pour lui « miner » encore plus « les moraux » : « Le locassier puterle ; la coquelionne dandrule ; la bruse bibrionne », etc.

Parfois, on souhaiterait quitter l’habitat en question (« le papier peint m’sort par les yeux » chanterait Jonasz) : « Encore habiter pour toujours dans quelqu’un est une vie lancinante » (J.R., p. 59). De plus, cette idée de monotonie concerne aussi ce qu’on voit, l’extérieur :

‘« bœufs paissant toujours dans le même sens, trains passant pareils en flèche de même […] : tout est vain, parce que toujours tout va dans le même sens que le temps dans l’espace comme une tristesse attendue » (S., p. 66). ’

Le corps est aussi un passage obligé, une impasse, un « trou de sac ». Dans la « boite en os » (O.R., p. 64) qu’est le crâne, on « [voit] tout en noir d’une façon absolument obscure » (O.I., p. 64). Quant au blanc, c’est peut-être celui des cheveux, des dents et du squelette : l’homme blêmit ? C’est son crâne qui perce.

La naissance était donc comme une fausse joie, une mauvaise farce ; Adam, de plus, n’a pas su accueillir le don en question : « de ce qui était cadeau de vie », l’homme (« avec sa complice la femme ») « a fait le corps du mort qu’il jette à la poubelle. Il a jeté l’excrément total de sa vie ». Trop négatif, il gâche tout.