2.3.5. Fatalité de l’entropie

Dans L’Origine rouge, il y a toute une rhétorique de l’ingestion/digestion/excrétion qui contribue à renforcer cette impression obsédante de mort : « Enterrons ces victuailles dedans les tombes de mes estomacs », « Au meilleur aliment du monde, je donne sépulture dans mon estomac » (p. 28). Le processus, alchimique mais à rebours, de la digestion implique de fait une forme de mort qui s’opère en soi et qu’il s’agit d’expulser pour ne pas mourir ; cela peut déboucher sur des phrases assez cocasses que Queneau eût appréciées : « J’ai porté à ce chien tout l’amour dont j’étais capable et j’en ai été récompensé au merduple » (O.R., p. 30). Même « l’ordure du passé que nous laissons ombrée derrière nous » semble nous renseigner sur notre avenir. Idem pour les « entrailles ou c’que tout est fini » (O.I., p. 25) : nous sommes bel et bien des « cavèdres » (cadavres ?), des « cada » en puissance...

Le biblique « mort ou est ta victoire ?» (O.R., p. 182) est bien lancé, mais dans le vide. L’ennui, c’est qu’il n’y a pas d’échappatoire : « Puis-je ici m’échapper de ma matière humaine ? » (J.S., p. 49). La réponse semble être négative. En somme, le je novarinien déclare (contre Aragon) que le vers est l’avenir de l’homme. « Notre corps qui êtes en mort » est ici prière de mise (O.R., p. 121). Aller ici ou là (ou même là-bas) n’importe plus guère : « J’irais ou ma chanson amère voudra pousser » (O.R., p. 84) ; la phrase reste malgré tout (« chanson », « pousser ») relativement positive : une graine pourrait éclore et tout pourrait alors repartir sur de nouvelles bases, dans un sens plus positif, celui de la violovie, de la volonté de vie.