2.6. Evitons la vie

C’est qu’il vaut peut-être mieux se laisser aller, accepter le cours des choses. Tzara le disait déjà : « A l’échelle Eternité, toute action est vaine ». Et Rimbaud avant lui : « L’action est un énervement. ». Queneau, de son côté, estimait qu’on n’avait pas été assez loin dans « l’auto-critique des mouvements ». Novarina s’inscrit dans cette lignée et tient à peu près le même langage, ceci sous la forme de slogans soixante-huitards d’inspiration « situ » mais encore plus profonds et radicaux : « La vie est mal organisée » (A.V., p. 142), « l’action est maudite » (J.S., p. 175), « Evitons la vie » (J.S., p. 98).

Un personnage est décrit comme « [n’ayant] pas son pareil pour faire pas grand-chose » (J.S., p. 208) – Oblomov et le Gaston de Franquin partagent, comme on sait, le même type de non-activité. Pourtant, ce refus philosophique du travail, relevant d’une sorte d’anarchie, n’est pas à mettre en relation avec une forme de paresse assumée : c’est une critique radicale du fait d’être au monde ou pour mieux dire un scepticisme fondamental devant la réalité de la vie, qui va parfois très loin… Bref, si Woody Allen (autre grand artiste comique) a pu affirmer « Je hais le monde réel mais j’adore les steaks », il nous sera précisé dans Je suis (p. 178) : « Ceci pour vous dire, ma chère Lucienne, que tout en ayant énormément de respect pour le réel, j’y ai jamais cru ».