2.3.3. Un ready-made auquel l’auteur n’a pas songé

Lorsque Valère Novarina parle de Louis de Funès, il le fait dans le cadre de textes (Demeure fragile notamment) qui ont des allures de textes sacrés et la présence d’un tel nom à l’intérieur de ce type d’écrits peut éventuellement nous faire songer à certaines initiatives, en partie humoristiques, de Marcel Duchamp. Nonobstant, dans le cas présent, l’on ne saurait parler de ready-made proprement dit, l’auteur évoquant certes avec humour mais sans aucune ironie l’impression d’énergie qui se dégageait du jeu d’un acteur qu’il vit sur scène, d’une expérience pour lui décisive, quasi-claudélienne, et de ce quelque chose enfin que Louis de Funès savait kénotiquement accueillir pour mettre en branle la « Toupie humaine » et se livrer devant nous à sa propre « folie circulaire ».

De même, Michel Hidalgo, en prenant dans ses mains la tête de Michel Platini, eut un soir, novariniennement, conscience de voir Dieu – et nous de voir Véronique essuyant le visage du Christ. On va trouver absurde et universitairement suicidaire de nous inspirer (mais il s’agit aussi de montrer en passant leur caractère opératoire pour tout un chacun) des ready-made humains de l’auteur (cf. Louis de Funès mais aussi André Marcon, Alexis Gruss, Fregoli, Diogène, Pascal, etc.) et de la veine sportive d’un Antoine Blondin en évoquant cet autre souvenir télévisuel mais il nous revient également en mémoire qu’après un but psychologiquement libérateur pour lui, son équipe et son pays, un footballeur dont le nom (coïncidence curieuse) ressemble un peu à "Novarina" et qu’on disait fini (« cuit », « bon pour la casse », etc.) eut l’initiative suivante : courant à vive allure, semblant hurler à pleine voix, il s’est précipité vers une caméra dans laquelle il a farouchement plongé son regard – et c’est ainsi qu’un martyr nous a tous regardé en face pour nous dire « Je suis » (soit, dans ce cas de figure : "je suis toujours  là", ou, plus novariniennement : "Contrairement / A ce que tu crois / Il faut encore / Compter avec moi").