2.3.5. « Danser c’est ça qu’est chouette »

« Jesuis », c’est l’avoir écrit, avoir su l’écrire. Cela passait par l’écriture – d’une pièce comme Je suis : certes ; mais aussi de toutes les autres. En extrapolant encore un peu ("au point où nous en sommes" diront les grincheux), nous pourrions donc estimer que, pour Novarina, « Je suis », c’est écrire, danser, jouer la comédie, faire des « actions comiques » comme Jeannot ou marquer des buts lorsqu’on s’appelle Maradona. Quant au jeu de mots (permis par le procédé dit de la suppression-adjonction utilisé novariniennement) contenu dans le titre que nous avons choisi pour la sixième partie de notre troisième grande partie, il renvoie bien sûr à l’avis connu de Nietzsche qui se disait incapable de croire en un dieu qui ne danserait pas mais aussi à une phrase de Je suis où le cogito se retrouvait déjà parodié, retravaillé : en effet, tel Thoreau, Whitman, Kerouac, Cingria, Pey ou Bouvier, Novarina aura ce mot : « Je marche donc Je suis » (p. 22) ; gageons que pour l’auteur, « Je marche » équivaut à "J’avance" et que cela a peut-être à voir avec le « grand texte unique » s’écrivant sous nos yeux (pour reprendre à notre compte l’expression de Jean-Pierre Sarrazac déjà évoquée dans notre introduction).

De notre côté, si nous avons préféré  "Je dense"  à "Je danse", c’est bien sûr pour faire allusion (cf. deuxième grande partie) à la notion allemande de Dichtung qui séduit l’auteur et n’a, de fait, pas d’équivalent en français. Bref, en signalant au lecteur que nous lui avons généreusement épargné le supplice rhétorique d’une anaphore parfaitement dégoulinante d’un pathos insupportable avec des « Je suis » sur trois pages, ajoutons que l’affirmation du « Je suis » nous semble également pouvoir passer (serait-ce une erreur de le croire ?) par la rédaction d’un travail universitaire.