C'est par le motif de La mémoire tatouée, sinon dans une déchéance (hallucination, délire, voire folie), du moins dans une défaillance (oubli, amnésie, mémoire sélective), que la narration fantastique aborde le paradigme d'une littérarité appréhendée suivant une logique d'« historicité littéraire ». Cette notion, outre qu'elle « se concentre sur la crise que (...) la mémoire connaît àcause de l'Histoire et de ses violences traumatiques » 962, s'accorde avec le roman postmoderne. Pour cause, dans la mesure où, à propos de l'Histoire, s'engage une réflexion qui, de manière simultanée et dialogique, va se métamorphosant dans l'espace diégétique, en tant qu'une réflexivité relative à l'élaboration esthétique d'une fiction. Ce qui fait dire à Catherine Douzou :
‘Le roman peut imaginer, faire de la fiction pour combler les lacunes dues au temps, à l'oubli, à l'extermination, tout en restant dans un esprit de vérité, dans une fidélité aux disparus et à leur vie (...). Mais ce travail de mise en fiction pose des problèmes moraux et esthétiques qu['on] tente de résoudre en adoptant une certaine forme littéraire (...). C'est une littérature qui redéfinit le littéraire à partir d'un modèle [fantastique], donc qui gomme la distance entre le réel et la fiction, et qui refuse une littérature romanesque traditionnelle, incapable de dire cette expérience inouïe, et d'en parler vraiment avec des codes désormais dépassés. Le réalisme est impuissant à exprimer cette histoire. Reste la représentation allégorique, indirecte, fragmentaire d'une expérience vécue que le lecteur est appelé à déchiffrer dans des récits d'énigmes où tout est trace et indice d'autre chose, où tout est déplacement dans la représentation. L'Histoire n'existe plus, subsistent des traces qui l'évoquent encore.963 ’Évocation qui s'effectue notamment sous le couvert d'une narration de l'intime, par l'intermédiaire d'une figure féminine et selon une « stratégie textuelle (...) surtout motivé[e] par la fiction elle-même » 964.
Il s'agit, pour Roland Barthes, en écrivant que « la femme commence là où finit l'Histoire » 965, de stigmatiser les insuffisances, voire l'aporie d'une stratégie narrative dominée par un réalisme historique affichant une tendance misogyne. Le même constat peut être fait dans le roman africain francophone où la portion congrue dévolue à la figure féminine, dans les « instances du récit », s'entend en « phénomène de résonance » 966 avec l'exclusion dont elle fait souvent les frais dans la société. Or, la fin de La structure absente 967 signifiant un videdans le récit de sa propre histoire et le Grand Récit de l'Histoire, débute dans une suite de micros narrations intimes et dans une approche féminine et/oumaternellequien révèlent la « survivance postmoderne » 968. Quand l'énonciation et la tonalité « allégoriques » 969 en annoncent la chronique fantastique. Toutes deux semblent postuler, par ailleurs, que l'irréversibilité du rapport à l'Histoire de la figure féminine, participe d'un processus narratif incontournable. C’est qu’implicitement, la désillusion référentielle de sa condition, réactive le besoin d'une reprise en main du dire d'« un modèle « boudé » ou abandonné » 970 , donc d'une renarrativation :
‘La lèvre molle de chagrin, la chevelure noire et houleuse, elle tourbillonnait au milieu du patio et semblait grésiller de la chair, tellement elle bruissait de mille douleurs et de mille envies (...). Turbulente! le palabre incessant dont le débit lent et syncopé ne laissait pas croître, elle rameutait, (...), tous les chats et toutes les tortues qu'elle nourrissait dans son giron, de viande crue.Dans une stratégie narrative fantastique et postmoderne, l' « espace maternel » part d'un « vide [et] produit un plein »973 historique. En ce qu'il acte un dire de « soi [qui] n'est pas isolé, [mais] est pris dans une texture de relations plus complexes et plus mobiles que jamais »974. En ce qu'il dissémine, également, dans une version « rhizomatique » de l'espace romanesque, de « nombreuses saynètes »975. Ces dernières, par pli et repli narratifs, outre qu'elles codifient un « pathos (…) secret »976 de la narration intime, en captent les signes d'urgence attestés, en amont, dans l'énonciation, par un dispositif rythmique d'éruption et d'interruption. Cependant que l'énoncé977, en aval, recueille les caractéristiques brèves et obsédantes des réminiscences et autres confidences traumatiques. C'est sans doute pourquoi, le rapport à l'Histoire que tente d'instituer la figure féminine, cherche un support discursif dans « le petit récit » [qui] reste la forme par excellence que prend l'invention imaginaire »978 fantastique et postmoderne. Support d'un discours qui, aux allégations d'exhaustivité et de vérité des méta-récits, oppose une légitimité autre. Celle qui se fonde sur « l'imprésentable »979 que charrient les figures et les espaces marginaux (la femme, son espace intime, l'espace maternel). Ou « l'impensable », voire « l'impensé » que recouvre l'imaginaire :
‘Soudain, dans le silence absolu, elle se met à claquer des bretelles. Le bruit est infernal. Un cyclone dévaste l'immense bureau. Les meubles tremblent. Le ventilateur s'emballe. Les papiers voltigent. L'encrier de style (...) se déverse en un désastre violet. Elle, augmente son vacarme et la vitesse de ses mouvements. Lui, en a le vertige. (...). Messaouda s'arrête. Brusquement. Majestueusement. Elle quitte le bureau après avoir remis son voile. Elle claque la porte. Ses bretelles sont hors d'usage. (...). Le soir même les otages furent libérés. Armés de coutelas et de vieilles fourchettes, ils se ruèrent sur ce qui restait de l'armée du général Yahoudi. (...). Les remparts comme à leur habitude renvoyèrent les projectiles à leur expéditeur. Ce fut l'hécatombe dans les rangs de l'ennemi. On fêta la victoire populaire et Messaouda sortit dans la rue avec sa famille éblouie.980 ’Cependant, dans une économie narrative fantastique et postmoderne, la mise en perspective historique de ce « petit récit » que représente la narration de l'intime, ailleurs appelée « espace maternel », s'élabore en ce que Gabriel Saad appelle « l'infrascription ». Car, poursuit-il :
‘Pour que le texte puisse se produire, (...), il faut qu'une lettre soit soumise au secret, je dis bien sous-mise, c'est-à-dire qu'une infrascription y soit établie. Ce qui est très important, car cela nous révèle l'existence de deux niveaux d'écriture. L'infra-scription va d'ailleurs régir d'une certaine façon le texte, l'écriture, et va s'y manifester un peu comme se manifeste dans la conduite des hommes le retour du refoulé [...].981 ’Toutefois, il s'agit, ici, moins d'« un retour du refoulé », lequel enfermerait le roman africain dans une univocité psychanalytique ou sociologique, que d'une esthétique assignant à résidence dans la diégèse, tous Les pouvoirs de la littérature. Ce qui « conduira pour finir à la littérarisation » 982 de l'Histoire. On ne verrait dans ce processus, davantage une tentative de « déhistoriciser » le roman africain que de « littérariser » son historicité, qu'il serait démenti par la mise en perspective positive, et surtout réflexive, de la figure féminine. En effet, le récit désormais assumé, quoique encore masqué et menacé, de son histoire, tant conteste-t-il celui « des langages dominants » 983 de l'Histoire (la colonisation, la religion, le patriarcat) que sa reconstitution, remontant la scansion d'une narration discontinue, libère une prolifération de traces et autres indices autobiographiques et/ou auto-fictifs984. Ceux-ci, en suggérant, que dans le cadre d'une fiction, l'espace intime n'est pas sans rapport avec « une inscription plurielle de l'Histoire », en légitiment, parce que « la postmodernité suscite des […] des langages pragmatiques et instables » 985, laversion qui promeut l'expérience humaine individuelle. Expérience humaine individuelle qui reste, possiblement, passionnelle et, probablement, traumatique et/ou tragique. Aussi la légèreté et la distance ironiques par lesquelles le fantastique postmoderne de Rachid Boudjedra traite de la guerre d'Algérie correspond-t-elle à une option moins soucieuse de la vérité factuelle que porteuse d'une littérarité circonscrite autour de la métaphore de « la nuit coloniale » 986. Cette dernière est appréhendée, entre autres, par l'écriture fantastique :
‘Sa mère lui racontant cette manifestation des femmes qui bombardaient la soldatesque avec des légumes pourris et des animaux en décomposition dont une vieille tortue presque centenaire (...) Les femmes avaient l'avantage de la topographie scabreuse de la ville Lançant leurs projectiles nauséabonds dans les rangs des militaires écrabouillés sous la pourriture pestilentielle alors que le marchand de beignets tunisien se lamentait sur l'huile dont les manifestantes s'étaient emparées pour la déverser sur les têtes des soldats Dépassés Vaincus Écrasés Atterrés par tant de fureur et tant de courage987 ’Par conséquent, dans La prise de Gibraltar, le rapport entre espace maternel, lieu d'énonciation de la figure féminine, et Histoire, s'organise autour du principe de réalité qui réactualise l'événement historique988. Non sans s'appuyer sur l'individuation de la narration, en ce qu'elle est contenue dans une ambiguïté où répondent l'intime au public, la subjectivité à l'objectivité, la dérision et l'autodérision au sérieux, le dérisoire à l'héroïque, l'ordinaire à l'extraordinaire et l'imaginaire fantastique au récit « craintivement cramponné à la réalité ». Narration « hyper »personnaliséequi travestit le caractère souvent invariable d'un horizon d'attente désormais mouvant. Ce dernier sans gommer le devoir de mémoire et de vérité que propose l'Histoire, postule qu'il est possible de la fonder, sans la perdre, dans une inflexion littérarisante. La figure féminine, en décentrant la narration sur elle-même, ne renonce pas à la subjectivité. Mais, elle ne continue pas moins à faire œuvre d'introspection. C'est ainsi que Rachid Boudjedra écrit :
‘Mon roman se base essentiellement sur ce fantastique, ce baroque non pas du point de vue du faux-fuyant et de l'invraisemblable, mais du point de vue de la réalité concrète. (…). Le fabuleux, (…), le merveilleux fantastique et j'ajouterai le baroque, sont des données de notre vie quotidienne, des données de nos racines arabes, et moi, qui pars des Mille et une Nuits, je suis obligé d'y venir, à travers 1001 journées d'une famille arabe, africaine, qui vit quelque part dans le village de Manama. Cette famille vit le baroque de tous les jours et nous ne cessons d'en parler dans les cafés que nous grossissons d'ailleurs parce que nous aimons cela.989 ’Or, de ce qu'elle appelle une « figuration indirecte d'une période historique (...) filtrée par la conscience subjective », Catherine Douzoux observe ceci :
‘(...) ce mode de représentation est sous-tendue parfois par une réflexion sur les traces et la persistance de l'Histoire dans le présent. Surtout [si] l'interrogation sur l'Histoire en tant que telle porte ici sur la dimension humaine du vécu (...).990 ’Comment ne pas voir, dès lors, dans Les 1001 années de la nostalgie qui prétend relater « 1001 journées d'une famille arabe », un surgissement, masqué par l'écriture fantastique, de la question palestinienne ? L'intérêt de celle-ci demeure vif aussi bien chez Rachid Boudjedra991 que chez bien des auteurs maghrébins992. Si bien qu'on peut parler, en détournant le concept de Henry Rousso993, de « syndrome Intifada ». Celui-ci demeure, dans Les 1001 années de la nostalgie, substantivé, au sens propre par « général Yahoudi » (en arabe « yahoudi » signifie « juif », singulier de « yahoud » qui désigne « les juifs » ), au sens commun par « otages », « ennemi », « armée », « projectiles » et/ou « hécatombe », adjectivé par « populaire », « armés » et/ou « libérés » et rendu, adverbialement, par « soudain », « brusquement » et/ou « majestueusement ». Pour ce dernier, la position en phrase adverbiale à un seul mot confère, dans Les 1001 années de la nostalgie,une ascendance textuelle. Ce qui, selon Lila Ibrahim-Ouali, fonde « sa richesse sémantique » :
‘Le substantif [l'adverbe] paraît isolé, privé de l'encadrement du déterminant, de l'adjectif qualificatif ou de tout autre groupe grammatical de détermination. Enserré entre les signes de la ponctuation, il est en fait serti et brille de toutes ses connotations. La cassure syntaxique et l'isolement le mettent en valeur, lui attribuent une qualité autonome. Le lecteur doit l'accepter dans toute sa fulgurance avant de le relier au contexte et avant de lui accorder une signifiance déterminée par les autres termes isolés de la même page. Chaque substantif [adverbe] possède ainsi une valeur paradigmatique (il est virtualité de sens) et, dans un second temps, une valeur syntagmatique, comme l'élément d'une chaîne qui lui donnerait un sens dans la dépendance des autres éléments de la chaîne. Le lien logique disparaît au profit de la richesse sémantique. La lecture n'est plus syntagmatique maisparadigmatique, elle cherche et crée ainsi des réseaux de sens verticaux qui renvoient constamment à une réalité équivoque. De ce fait, la lecture privilégie la connotation des mots, leur variation et leur impact sur la subjectivité du destinataire »994 ’Se confirme, en conséquence,définitivement, l'hypothèse sinon d'un parti pris du moins d'une « indignation des Pharisiens » 995. Dans cette perspective, l'intratextualité incarne un lieu esthétique où le fantastique, en bon cheval de Troie, masque les traits de l'Histoire. Aussi la geste, dans La prise de Gibraltar, du conquérant Tariq ibn Ziad, prolonge-t-elle, dans Les 1001 années de la nostalgie, le geste du romancier en faveur du peuple palestinien. Mais, une telle approche fantastique, d'une question aussi réelle et contemporaine, déplace son centre de gravité moins dans la dénonciation d'une injustice déterminée que dans la délocalisation de l'absurdité de tout conflit. C'est que La terre et le sang, à la fois, origines du mythe et mythes à l'origine du différend, disperse le sens du retour à La Terre promise dans une multiplicité sémantique qui fragmente l'épithète, notamment et entre autres, dans ses acceptions hypothétique, voire affabulatrice. Tant, au-delà de la violence, l'incertitude, l'ambiguïté et la complexité du conflit rendent compte d'une impasse tragique. Guy Scarpetta semble en convenir, cependant que Rachid Boudjedra tente d'en donner une illustration :
‘Le mot d'ordre moderniste était le refus de l'illusion. Le postmoderne est une revendication des procédés de l'illusion, non pour produire un leurre, mais pour faire triompher les simulacres. Pousser l'illusion à son paroxysme, jusqu'au point où c'est la réalité même qui apparaît comme une illusion.996Par ailleurs, au-delà des motivations axiologiques, ce n'est pas sans raison esthétique si l'écriture fantastique, par le biais d'une narration intime, « se saisit d'une Histoire [ou plus exactement, de temps forts et de moments historiques] pour la fonder grâce à une violence génératrice de tout le texte » 998. C'est qu'à La violence du verbe,caractérisée, entre autres, par une thématique subversive et une guérilla linguistique, précède et succède, dans la mesure où « le texte peut signifier par sa logique interne, hors de toute intention de signification explicite » 999, une violence de la structure et une violence faite à la structure. Or, ces deux dernières, tout aussi fécondes, sont celles-là même qui se retournent contre la violence de la marginalité et de l'enfermement de la figure et de la condition féminines. Cette narration fantastique a partie liée avec l'esthétique postmoderne dès lors que sa formalisation pousse à l'excès ses propres éléments internes parmi lesquels, une prolifération du lieu et de L'ordre du discours, une dilatation vertigineuse du récit en « récits-tiroirs, [des] embryons de récits et digressions sans fin » 1000, une inflation du langage avec différents niveaux de langue sans lien avec les statuts des multiples personnages et/ou une juxtaposition confuse, sans motivation et sans indication, des espaces d'énonciations entremêlés. Ladite formalisation postmoderne ruine, dans Le désordre des choses, une structuration du fantastique. Le syllogisme de ce dernier, avec la représentation de la figure féminine, consiste à produire une réflexivité des zones d'ombre, de paradoxes et d'exclusion, similaires à la place non enviable de la femme dans l'historiographie africaine. Pierre Enckell écrit que l'auteur de Les 1001 années de la nostalgie « écrit n'importe quoi, et n'importe comment » 1001. En d'autres termes, il n'adhère pas au détournement de la raison pure que le fantastique « boudjedrien » tente d'imposer à l'Histoire, afin d'en révéler les impasses. C'est que ce critique ne saisit pas, sans doute, qu'il s'agit là d'un simulacre où le rapport de charme que le premier tente d'exercer sur la seconde le conduit à s'acharner contre toute logique cartésienne. Aussi ne renonce-t-il pas (le fantastique « boudjedrien ») « à l'exploitation maximale de l'aire transitionnelle dans les limites de laquelle » 1002 s'opère cette joute qui porte sur la formalisation romanesque. Car, « le jeu est une activité absorbante, incertaine, défensive et constructive à la fois, prise dans une double relation avec le réel et le fantasme et vécue donc comme fictive, symbolique (...). » 1003
En fin de compte,la phrase introductive de Roland Bartheslaisse suggérer que le dialogisme, entre fiction fantastique et Histoire,augure d'une « coopération littéraire » féconde. L'économie de cette articulation ne peut se faire sans une révolutionlangagière. Elleconsiste à assumer une narration d'ordre intime qui donne droit de cité à une figure féminine subalterne. Elle est partagée, de manière ambiguë, selon ce que Gérard Genette appelle « une systématisation de la notion traditionnelle d'enchâssement » 1004, entre le connu que demeure le référent historique et l' « inconnu » 1005 désigné par l'espace diégétique. Qu'à cela ne tienne, l'effet synecdoque (c'est-à-dire qui confond histoire et Histoire) de l'assertion de Roland Barthes, quand il écrit que «toute (…) histoire repose, en dernière instance, sur le corps humain » 1006, en élargit les perspectives polysémiques.
Ainsi, le dispositif narratif du fantastique postmoderne francophone s'inspire, en ce qui concerne les romans respectifs de Rachid Boudjedra et de Sony Labou Tansi, du modèle de l' « architexture » romanesque. Ce dernier, en ce qu'il agrège, dans son espace diégétique, des sources et des influences hétérogènes, cristallise, par conséquent une tension littéraire. Ce qui justifie le recours à la technique littéraire de la mise en abîme qui, par réflexion et réflexivité, permet de dépasser la crise et d'interroger la littérature fantastique, notamment son articulationpostmoderne. De la même manière, la problématique identitaire est appréhendée à partir d'une stratégie narrative fantastique et postmoderne. Celle-ci, de deux façons, excède les lois de la description et de la mise en scène romanesques. D'une part, elle présente les figures narratives à travers les motifs de défiguration et d'hybridation. D’autre part, par le biais d'un espace-temps in fabula qui, cumulativement, renvoie à l’allégorie, au simulacre et au dépassement d'un quotidien tragique. C’est dans cette stratégie énonciative que les romans respectifs de Rachid Boudjedra et de Sony Labou Tansi déclinent une « identité narrative ». Celle-ci se reconnaît exclusivement dans la diégèse. S'inscrit dans la même démarche fantastique et postmoderne, la question épineuse de la représentation de l'Histoire. Celle-ci est traitée à partir d'un renoncement au modèle du roman historique et décline un aspect du « roman familial » par le biais de « l'espace maternel ». Aussila figure féminine est-elle propulsée en avant, dans une stratégie narrative qui privilégie une énonciation de l'intime, disséminée sous forme de micros récits. La reconstitution de la propre et non moins douloureuse histoire de la figure féminine, en révèle un lien manifeste avec l'Histoire. Ce procédé relève du concept d'« historicité littéraire ».
Par ces trois intrigues qui, respectivement, réaménagent la représentation de l’espace, de l’identité et de l’histoire, le fantastique postmoderne du roman africain francophone incarne une « parfaite machine à raconter et à produire des effets esthétiques » 1007 . En cela, il lie son expression romanesque à celle de la subjectivité littéraire.
Douzou Catherine, « Enquête d'Histoire (s), en quête de soi : Modiano, Del Castillo et Daeninckx », in Vers une cartographie du roman français contemporain, in Cahier du CERACC, n° 1, mai 2002, pp. 45-55. Version numérique : http://www.ecritures.modernite.cnrs.fr/roman_cahiers1.html#.douzou
Ibid.
Tenaguillo y Cortàzar Amancio, « Dispositifs de réflexions postmodernes : l'écriture et le visible dans Lac de Jean Echenoz », in http://www.marincazaou.fr/cont/echenoz/echenoz.html (mise à jour du 19 mai 2009).
Barthes Roland, Michelet par lui-même, Paris, Le Seuil, 1954, p. 132.
« Histoire et production mythique dans Nedjma », op. cit.
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Gaillard Chérif Sarra, Le retour du récit dans les années 1980. Oralité, jeu hypertextuel et expression de l'identité chez T. Ben Jelloun, R. Mimouni, F. Mellah, V. Khoury-Ghata et A. Cossery, Thèse de doctorat, sous la direction de Bonn Charles, Université Paris-Nord Villetaneuse, Centre d'Études Littéraires Francophones et Comparées, octobre 1993, p. 192.
L'insolation, op. cit., pp. 212-213.
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« Histoire et production mythique dans Nedjma », op. cit.
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« Dispositifs de réflexions postmodernes : l'écriture et le visible dans Lac de Jean Echenoz », op. cit.
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« Enquête d'Histoire (s), en quête de soi : Modiano, Del Castillo et Daeninckx », op. cit., pp. 45-55. Version numérique : http://www.ecritures.modernite.cnrs.fr/roman_cahiers1.html#.douzou
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Delsol Chantal, « L'indignation des Pharisiens », in Le Nouvel Observateur, n° hors-série, « Indignations », octobre 2001, pp. 18-19. Elle écrit précisément : « Pourquoi l'indignation, en tant que refus moral, revêt-elle aujourd'hui tant d'importance ? La [post]modernité démantèle les critères universels du jugement moral ou, si l'on préfère, met un terme à l'idée de bien. [...] Parce que ce bien n'est plus reconnu ni défini, ce n'est pas de lui que l'on tire une raison de récuser les crimes. Seule l'indignation s'exhume, puissante, irraisonnée. Elle apparaît aujourd'hui comme l'affect qui révèle le mal dans une société qui le perçoit, mais ne sait pas d'où il procède ni en vertu de quoi il existe. Le mal est redécouvert comme référent universel, un de ces référents qui structuraient le monde chrétien d'avant la modernité. »
L'impureté, op. cit., p. 63.
La prise de Gibraltar, op. cit., pp. 310-311.
« Histoire et production mythique dans Nedjma », op. cit.
Ibid., p. 5.
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Ibid., pp. 294-295.
Genette Gérard, Nouveaux discours du récit, Paris, Le Seuil, 1983, p. 55 : « (…) la théorie des niveaux narratifs n'est qu'une systématisation de la notion traditionnelle d' « enchâssement », dont le principal inconvénient était de marquer insuffisamment le seuil que représente, d'une diégèse à une autre, le fait que la seconde est prise en charge par un récit fait dans la première. »
Riffaterre Michael, « L'intertexte inconnu », in Littérature, Intertextualités médiévales, n° 41, fév. 1981, pp. 5-12.
Michelet par lui-même, op. cit.,p. 80.
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