Conclusion générale

Ce n'est pas être atteint par un quelconque « démon de la théorie » que d'avoir engagé notre sujet de thèse sur une tentative de démonstration de la « Modernité et postmodernité francophones dans les écritures de violence : le cas de Rachid Boudjedra et de Sony Labou Tansi ». Nous partions sur des bases théoriques ainsi établies : les concepts de modernité et de postmodernité demeurent taillés, essentiellement, à la mesure du débat littéraire et culturel occidental. Cependant, et surtout, nous avions un projet : celui de confronter ces deux notions, à la faveur d'un présupposé dialogique, avec l'aptitude des littératures africaines de langue française à s'y inscrire. Dans cette optique, la théorie, l'esthétique et le sens du langage, correspondaient, à nos yeux, à une féconde perspective d'analyse. Nonobstant, nous n'évacuions pas un scepticisme possiblement suscité à propos de la pertinence d'un tel rapprochement. Vu d'une part, un débat Modernité/Postmodernité1012 en Occident, qui à défaut d'être épuisé, se mue en dilemme « œdipien » 1013. D'autre part, compte tenu de la reconnaissance toujours problématique qui caractérise un espace littéraire africain pris Pour une littérature mineure et/ou minoritaire1014. Aussi, afin de répondre à toute allégation critique assimilant le rapport à la modernité et à la postmodernité des littératures africaines de langue française en tant qu'un « lieu sémiotique vide » 1015, suggérions-nous une voie de sortie herméneutique. Celle-ci considérait la subjectivité, à partir d'une double hypothèse « syntagmatique/paradigmatique » 1016, respectivement, moderne et postmoderne, comme lieu d'énonciation privilégié des écritures de violence.

La première hypothèse était constitutive d'une conception centrée de manière stricte sur l'ajustement structurel et l'économie poétique internes du texte romanesque. Elle consistait à soutenir que la modernité littéraire des écritures de violence, dans l'espace africain francophone, reposait sur une quête absolue de littérarité fondée à la fois sur une dynamique et un dynamitage textuels. La dynamique textuelle procède d'une autonomie et d'une immanence de l'œuvre romanesque dont le système de narration fait fi de tout référent autre que celui que lui réserve sa propre capacité langagière à inventer un espace d'énonciation. Quant au dynamitage textuel, il en appréhende, de manière consubstantielle, « la relation entre la violence et le langage dans la littérature africaine d'expression française » 1017. Ce qui revient à la considérer comme « une expérience d'écriture » 1018 qui, non contente d'aborder des thèmes iconoclastes et subversifs, s'oriente vers une révolution stylistique, formelle et structurelle manifeste, notamment, dans trois registres narratologiques. Ces derniers, angles d'étude de la première partie de notre travail, à travers les développements et la conclusion des chapitres qui traitent, respectivement, d'« un statut nouveau pour le personnage », d' « un univers spatial et temporel revisité » et de « l'humour en tant que modèle d'écriture moderne de violence », actent la « rupture féconde »,sans précédent, en train de se jouer dans la création littéraire africaine et francophone. Cependant, cette « rupture féconde » est menacée d'une fin aporétiquepar sinon un cannibalisme du moins par ce que Jamel Eddine Bencheikh appelle une faim « dévorante » 1019 d'esthétisme. C'est-à-dire la recherche absolue de techniques narratives et d'expérimentations formelles. Pour cause, s'installe progressivement, suivant l'expression de Jean Paulhan, une logique de « terreur dans les lettres » que l'inclination pour le modèle du formalisme fait régner dans le texte romanesque. En ce que, notamment, l'envergure du signifiant, en termes de préséance, de mode opératoire et d'inventivité scripturaires, réduit la place du signifié dans le texte romanesque. Ce qui, par conséquent, affecte, d'un point de vue sémantique, l'œuvre littéraire, à partir de sa lisibilité. À propos de cette dernière, la critique excessive qui la considère inopportune, voire irréductible à l'œuvre littéraire, du fait que « du repérage et du classement linguistiques des écarts, on attend en effet qu'ils donnent accès à la littérarité » 1020, est modérée par Philippe Hamon et par Roland Barthes. En effet, le premier l'intègre dans une « série de critères internes » 1021, inhérents à la dimension structurale et sémiotique du texte :

‘Pas de perturbation de l'organisation logique, sémantique et linguistique en général du texte à tous les niveaux : respect des règles d'accord; des restrictions sélectives; du fonctionnement des anaphores et des substituts; tendance à la propriété (monosémie) des termes; schémas narratifs non perturbés. (…). Homogénéité et autonomie du texte. Pas de référence à une situation concrète de discours; pas d'embrayeurs; de modalisateurs, de ratures et de repentirs explicités ou d'intrusions d'auteur. (…). Stabilité et homogénéité du support écrit (typographie; lecture gauche-droite; linéarité du signifiant; orthographe.1022 ’

Quand le second pense que force doit rester à « la loi de solidarité du lisible : tout se tient, tout doit se tenir du mieux possible »1023. De même, quand Anne Roche affirme que « l'obscurité (...) est une fonction essentielle » dans le texte littéraire, elle prévient que son usage ne doit servir que lorsqu'elle permet d'établir une langue dont l'élévation du niveau, par opposition à la langue courante, participe d'une poétique1024. De son côté, Charles Bonn interroge, dans le champ littéraire maghrébin, en particulier lorsque celui-ci représente la violence, cette tendance à l' « l'exhibition du signifiant, à travers une rupture de la lisibilité »1025. Certes, il admet que c'est sur la base d'une distance prise avec cette dernière que s'est constituée la modernité de cette écriture. Cependant, il considère que ce n'est pas tant sa mise en scène théâtrale ou sa surenchère obscure et non moins artificielle que sa faculté à délinéer une condition tragique à partir d'un positionnement, tout aussi précaire, et donc tragique, du langage, qui confère littérarité à l'écart de lisibilité.

Ainsi, de quelque approche qu'on aborde la modernité des romans de Rachid Boudjedra et de Sony Labou Tansi, elle reste indissociable d'une pratique narrative sinon systémique du moins normative. Ce qui n'est pas quantité négligeable dans le contexte du roman africain francophone. En effet, y soutenir, qui plus est par le biais des écritures de violence, que ces dernières n'entretiennent avec le réel qu'un rapport distant et, parfois, transparent, relève d'un défi1026. Celui de faire admettre l'autonomie de l'œuvre, étant entendu qu'elle constitue moins un dire conforme au réel qu'une formulation de celui-ci. Que, finalement, l'écriture de violence procède d'une création. Où d'une invention qui, en jouant de « l'effet de réel » 1027, respecte cette « loi de solidarité », à laquelle Roland Barthes appelait. Aussi mesure-t-on davantage l'ampleur du déplacement de l'horizon d'attente qu'une telle conception de la modernité littéraire instaure dans le roman africain. À la « nécessité de réalisme » 1028 imputée à ce dernier, Sony Labou Tansi substitue un droit, voire un devoir d'affabulation. Ainsi peut-on caractériser l'ensemble de son œuvre romanesque de la même façon que lui-même définit son premier roman, chef-d'œuvre :

‘Que les autres, qui ne seront jamais mes autres, me prennent pour un simple menteur (...). Et à l'intention des amateurs de couleur locale qui m'accuseraient de rajouter de l'eau au moulin (...), je tiens à préciser que La vie et demie fait de ces taches que la vie seulement fait. Ce livre se passe entièrement en moi.1029

Dans une démarche similaire, à un de ses personnages de roman, Rachid Boudjedra faisait dire que « l'écriture est un brouillage des données du réel (...). Pourquoi laisser de côté les fantasmes, les interrogations, les analyses subjectives ? L'essentiel, c'est de ne pas perdre le fil conducteur (...) »1030. Après quoi, il confiait, plus tard, dans un livre d'entretien :

‘Écrire c'est faire parler le réel à travers – paradoxalement – un gros brouillage des données du réel. Parce que la littérature est illusion, elle est poétique. Et la poétique est un brouillage de tous les instants et de toutes les données. Ce qui est passionnant dans le travail d'écriture c'est justement ce brouillage, ces techniques du brouillage que l'on s'impose, que personnellement je m'impose pour – effectivement – dénuder la réalité; aller fouiller très loin, au-delà de ce que l'on appelle le réel pour restituer non pas une réalité mais une conscience. Une conscience émue, pathétique et passionnée du monde.1031

On observe, dès lors, que cet art du mensonge, dans « ce livre [qui] se passe entièrement en [moi]» lui et cette « une conscience émue (...) du monde » émergeant d'un « brouillage (...) du réel » que défendent, respectivement, Sony Labou Tansi et Rachid Boudjedra, entrent en résonance parfaite avec la notion de subjectivité littéraire. Laquelle est ainsi définie :

‘Mais que faut-il entendre par subjectivité littéraire ? Non pas, bien évidemment, l'effusion spontanée ou l'expression véritable dans un texte de la personnalité, des opinions ou des sentiments de son auteur. Mais ce qui marque le texte comme le point de vue d'une conscience. En ce sens, la subjectivité littéraire définit la littérature. Celle-ci n'existe vraiment qu'à partir du moment où le texte ne se donne ni pour une information sur le monde prétendant à une vérité générale et objective, ni l'expression d'une vérité métaphysique ou sacrée, mais quand il se désigne comme le produit d'une conscience particulière, partagé entre l'arbitraire de la subjectivité individuelle et la nécessité contraignante des formes du langage.1032

Bien qu'elle y soit actée, la subjectivité littéraire, telle qu'elle est élaborée par Michel Zink, se meut et s'affine davantage dans les romans étudiés. En l'occurrence, du fait qu'elle trouve, dans la structure formelle, un lieu majeur d'inscription, elle procède de l'énonciation même des œuvres. C'est une lecture que propose Catherine Kerbrat-Orecchioni1033. Ainsi, il ne suffit plus, pour rendre modernes les écritures de violence, d'élaborer un formalisme qui les totalise en « monde parallèle au monde réel ». Tout se passe comme si l'obsession chez Rachid Boudjedra, qui est excès chez Sony Labou Tansi, d'une expressivité de la violence articulée essentiellement autour du signifiant, concentraient, sur la forme, tous les pouvoirs du langage, ceux de la subjectivité en particulier. De sorte qu'à l'endroit de ses deux œuvres littéraires et, partant, de la littérature africaine, on relève une « ressemblance déplacée » 1034 avec une subjectivité romanesque. Celle qui « cherche à transcrire (...), son ambition de relever par l'invention formelle le défi de sa responsabilité à l'égard du monde auquel elle se rattache » 1035. Ce qui, d'après Tiphaine Samoyault, lui confère « l'intérêt de proposer un sens à la fois historique, ontologique et esthétique. La forme est irréductible à l'œuvre mais elle profère en même temps un sens du monde et du temps dans lequel elle apparaît » 1036. La critique littéraire et universitaire poursuit en citant Jean Rousset :

‘(...), il faut reconnaître à la forme une vertu inventive et heuristique (...). La forme n'est pas un squelette ou un schéma, elle n'est pas plus une armure qu'un contenant; elle est chez l'artiste à la fois son expérience la plus intime et son seul instrument de connaissance et d'action.1037

Définitivement, c'est la structuration textuelle, dont la violence réfère moins à un contexte africain tragique qu'à une stratégie de subversion esthétique, qui ouvre aux possibilités du langage et, par-delà, du sens. Ce faisant, la subjectivité, énonciative et littéraire, opère à partir de son adaptation dans la mise en forme du texte. Ainsi fondions-nous la modernité littéraire des écritures violence dans les romans de Rachid Boudjedra et de Sony Labou Tansi.

Tout autre était l'appréhension de la seconde hypothèse postulant la postmodernité des écritures de violence dans le champ littéraire africain et francophone. Au sein de celui-ci, nous ne reliions pas simplement l'émergence d'une écriture postmoderne à ce que, ailleurs, d'aucuns ont appelé un « malaise dans l'esthétique » 1038. Pas davantage, nous ne mesurions cette éclosion scripturaire postmoderne exclusivement à l'aune du concept de « littérature d'urgence », sorte de témoignage brut et immédiat du quotidien tragique de l'Afrique où la médiation littéraire et esthétique reste fréquemment sommaire. En revanche, nous tentions de dépasser la thèse d'une réflexivité entre crise de la représentation et représentation de la crise. Pour cela, nous soutenions, surtout, que la « mise en crise » 1039 initiée dans l’espace littéraire africain et francophone ouvrait les potentialités créatrices d'un art poétique postmoderne. Lequel remédiait à une situation où « la littérature poursuivie par la politique » 1040 excessive du signifiant risquait de s’épuiser dans un usage, fétichiste et paroxystique, de la forme. Aussi les chapitres relatifs à la « crise du style, crise du sujet », à la « crise du corps, crise de l'être » et à la « crise d'un genre, crise d'une époque » correspondaient-ils à des paradigmes narratifs. Pour non exhaustifs que soient ces trois paradigmes, ils ne présentaient pas moins l'intérêt d'incarner un lieu « propice à un redéploiement des données [de cette idée] de crise salutaire » 1041, à savoir sa mise en littérarité. Certes, cette orientation postmoderne, par une revalorisation massive des thèmes, des chroniques et autres histoires, décentre son enjeu esthétique vers un travail de reconstruction de récits. Cependant, réfutant dans son espace narratif, tout accaparement de la forme, des techniques et de la structure, elle les modère par diverses stratégies. Parmi lesquelles, la convocation de pratiques narratives qui ont trait à la réécriture, à la fragmentation, à la discontinuité, à la dissémination, à l'hybridation et à l'hétérogénéité du texte romanesque postmoderne. Parce que, finalement, « l'histoire de toute littérature est l'histoire de la reprise de formes » 1042. L'indocilité, le harcèlement et la démesure1043 avec lesquels ces procédés exhibent leur propre mise en forme, sont ce par quoi l'esthétique postmoderne, dans une énonciation « énorme », c'est-à-dire « qui sort de la règle » 1044, informe de l'énormité de la violence. Quand son absurdité tragique est saisie à travers des pratiques de banalisation, de distanciation et de transfiguration générées par les « jeux de langage », dont un ton ludique, un accent ironique et un effet d'irréel. C'est que, s'agissant de ce dernier, le retour au référent, élan postmoderne, n'obéit pas obligatoirement à une réelle localisation des « origines du roman » 1045. Assurément, tous ces éléments, constitutifs d'une poétique postmoderne, postulent un réajustement de la forme. Ce qui, dès lors, prête le flanc à une critique déplorant son instabilité et craignant sa disparition probable. Mais, l'écriture postmoderne, dans l'espace littéraire africain et francophone, récuse moins la portée esthétique de la forme que sa réification. Celle qui ramène toute représentation, dont celle de la violence, à un système d'agencement et de modélisation, certes rationnel mais trop replié sur lui-même. À cette option, la narration postmoderne de la violence, parce que la complexité et l'absurdité de cette dernière ruinent jusqu'à son saisissement par le rapport signifiant/signifié, ajoute une prise en charge de l'informe, du difforme, voire du vide de la forme1046. Lesquels servent de réceptacle aux contenus qui, dans l'économie du texte de violence, relèvent de l'indicible, de l'impensé et l'imprésentable. Par conséquent, les formes, sinon déstructurées du moins indéfinissables, de l'écriture tragique postmoderne, fonctionnent en tant simulacres et analogies de l'état de déliquescence du monde africain. Du reste, Charles Bonn ne s'y trompe pas, lorsqu'il écrit :

‘(...) les discours [identitaires] consacrés, et leurs scénographies binaires, sont en crise, ne fonctionnent plus.
Se développe alors, aussi, l'évidence du non-explicable, et de son tragique. (...). C'est peut-être une des manières dont on peut lire la violence aveugle qui sévit en Algérie depuis plus dix ans : toutes les explications (...) s'épuisent à tenter d'en rendre compte, car elle est l'inexplicable absolu (...). Ainsi ce réel violent et inexplicable, qui capture le regard plutôt que l'entendement, devient une nouvelle scène, sur laquelle sont exhibées et meurent sous nos yeux les systèmes d'explication des décennies précédentes.1047

Mais cette « nouvelle scène » qu'évoque l'universitaire lyonnais, ne se contente pas uniquement de trahir un horizon d'attente. Elle est traversée par un « état d'esprit scindé qui nous détache de nos représentations » 1048 jusque-là installées dans un cadre binaire, de discours et d'énonciations littéraires, canonisant le rapport indéfectible entre le fond et la forme. Non indifférent à l'émergence, inhérente à la postmodernité, d' « un individu autonome, solitaire et désarmé » 1049, le roman africain inaugure un dire de même ordre. Autrement dit, il s'ouvre à une expression libre, « dégagée » et auto-centrée sur un parcours individuel.Or, ces caractéristiques sont celles-là même qui justifient la conception d'une subjectivité postmoderne1050. Aussi peut-on considérer que le roman africain postmoderne et francophone libère une représentation subjective longtemps reléguée au second rôle, du fait d'une conception communautaire et utilitariste de la littérature.

Ainsi, les éléments textuels de l'écriture de violence mettaient en relation postmodernité et subjectivité littéraires. Nous n'aurions pas établi ce rapport que l'analyse de la seconde, par Hugo Friedrich, nous aurait renvoyé aux caractéristiques de la première. En effet, il écrit :

‘L'abandon à l'illimité, le renoncement à l'engagement, à l'ordre et à l'unité, sont moins faciles qu'on ne pourrait croire. Il y a aussi un courage et une rigueur de la subjectivité, surtout à ces moments de l'histoire où une tradition figée dans son formalisme empêche la subjectivité de respirer et interdit l'accès à la connaissance de l'humanité concrète.1051

Cette esthétique littéraire, hétérogène et non normative, ici approuvée par le critique allemand, est celle que nous qualifiions de postmoderne. En plus d'avoir tenté de montrer en quoi elle fondait sa poétique, nous souscrivions à sa possibilité de recouvrer, chez Rachid Boudjedra comme chez Sony Labou Tansi, une subjectivité littéraire autre que celle nous reliions à la dimension moderne de leurs romans respectifs. Ce faisant, en postulant une approche subjective, corrélative d'une écriture postmoderne, nous estimions que la première occupait une position de structure profonde, essentielle, dans l'appréhension de la seconde. La représentation littéraire du mûrier, à laquelle se livre Rachid Boudjedra, édifie particulièrement sur cette subjectivité postmoderne. En effet, au-delà du rapport intertextuel avec Histoire 1052 de Claude Simon, l'intratextualité que le romancier algérien a filée tout le long de son œuvre romanesque intégrale s'apparente à des pratiques esthétiques postmodernes telles que la fragmentation et/ou la dissémination. Quand son inscription dans La prise de Gibraltar, tout en mélangeant des aspects textuels de types ludique, ornemental, baroque et fantastique, propose une lecture de l'Histoire, de la guerre d'Algérie précisément, à la partir de la guerre des sexes, dans la cellule familiale1053. Or, voilà ce que confiait Rachid Boudjedra à propos de cet arbre :

‘Au départ, [le mûrier] c'est une imagerie personnelle, c'est mon enfance (...). Dans cette grande maison que je décris toujours, il y avait beaucoup de mûriers, il y en a particulièrement un qui était très grand.1054

De la même manière, dans l'espace littéraire négro-africain francophone, l'œuvre romanesque de Sony Labou Tansi s'ouvrait à cette dynamique subjective postmoderne. Idée à laquelle n'est pas opposée Xavier Garnier, si l'on en juge par sa formule « raconter pour exister comme sujet ». D'autant qu'il estime que « par delà la logique des multiplicités, par delà l'écriture polyphonique, les romanciers des années 90 cherchent à renouer avec une nouvelle subjectivité » 1055. Or, en plus de donner des exemples d'auteurs dont la filiation avec l'auteur de Les Sept Solitudes de Lorsa Lopez est avérée (Henri Lopez par exemple), les pratiques esthétiques par lesquelles Xavier Garnier relie cette « nouvelle subjectivité » sont celles même que convoque Sony Labou Tansi dans sa représentation postmoderne de la violence. Nous n'en relèverons qu'une, qui du reste, est revenue comme un leitmotiv dans l'analyse de l'universitaire parisien. Il s'agit de la recherche et de la fusion d'une voix/voie (figure et stratégie narratives) qui, conforme à la l'individualité et/ou à la marginalité sur lesquelles se focalise la postmodernité littéraire, livre une version, esthétique et axiologique, inédite de l'écriture de la violence. Cette voix n'est autre que celle qui, dans une logique de personnage non identifié quoique très souvent féminin, traverse, à la fois par le rire et par le cri, les romans de l'auteur congolais. Ne s'en justifie-t-il pas d'ailleurs dans l'avertissement qui inaugure L'état honteux :

‘Le roman est paraît-il une œuvre d'imagination. Il faut pourtant que cette imagination trouve sa place quelque part dans quelque réalité. J'écris, ou je cris, un peu pour forcer le monde à venir au monde.1056

En somme, la notion de subjectivité littéraire rend compte de l'évolution de la représentation de la violence dans la littérature africaine francophone. Mieux, elle permet d'en démontrer la modernité et la postmodernité littéraires. Surtout, au-delà de l'inscription de ces dernières dans une complémentarité1057, elle en éprouve « l'expérience des limites » dont chacune des deux est un creuset. Expérience des limites, d'une part, de la modernité littéraire, lorsque par l’ordre, l’unité, la contrainte et la réflexivité de son système binaire signifiant/signifié, elle circonscrit la totalité du monde dans une mise en forme totalisante. Expérience des limites, d’autre part, de la postmodernité littéraire, quand par le désordre organisé, l’hétérogénéité, la légèreté et l’extensibilité, jusqu’à la perte, de la forme et du sens, elle ajoute à la totalisation, la multiplicité, la complexité et, peut-être, l’absurdité du monde. De cette double expérience des limites, nous tirons deux conclusions. La première soutient qu’établir un bilan de la modernité et de la postmodernité des écritures de violence dans les œuvres respectives de Rachid Boudjedra et de Sony Labou Tansi et, au-delà, dans les littératures africaines d’expression française, ne signifie pas choisir l’une au détriment de l’autre1058. Parce que pour l'une, comme pour l'autre, « la littérature est à reféconder à ses sources : l'Histoire, le poétique, le sexuel, le divin et le sacré, le métaphysique (…). Elle est une différence, un écart, un excès, une étrangeté, par rapport à ce qui s'est écrit, et qui continue de s'écrire de semblable » 1059 . Parce que l’esthétique de la modernité du texte africain francophone ne se réduit pas à une question de formalisation, froide et désincarnée, où la condition humaine serait absente du fait de « la négation hystérique de la référence et de la réalité » 1060. Pas plus que sa dynamique postmoderne, n’œuvre en faveur d’un retour à la narration, au récit et aux thèmes, au point de disqualifier les stratégies formelles. Suite logique de la première, la seconde conclusion considère la modernité et la postmodernité des littératures africaines francophones comme ce par quoi la littérarisation de la violence excède son lieu. Cette dernière n’est pas qu’une représentation réaliste et explicite du tragique africain. Elle exprime, implicitement, une préoccupation devant Le monde qui s’effondre. C'est le fondement du rapport à ce dernier :

‘L'œuvre littéraire (…) [se] conçoit comme une possibilité de vie, une manière comme une autre de vivre et de penser; elle porte en elle, comme la vie, l'inquiétude du vide mais aussi l'allégresse de la découverte. Il s'agit d'écrire l'œuvre entre le désir de poésie et le désir de savoir.1061

De sorte que la littérature africaine d’expression française n’est pas forcément destinée à un public africain qui aurait, soit disant, les références culturels pour la décoder. Elle n’est pas, non plus, la chasse gardée d’un public non africain, composé d’initiés et de savants ou de profanes recherchant un exotisme. Elle s’adresse à un « lecteur universel » 1062« inouïversel » 1063. Deux caractérisations qui, nous semble-il, fondent le désir, de la littérature africaine francophone, d'accéder à un rang de littérature mondiale, en cultivant une utopie, mais aussi, en proposant son vécu, ses opinions et son imaginaire au monde. Or, ne retrouve-t-on pas là la conception de la littérature que propose Italo Calvino :

‘La littérature ne peut vivre que si on lui assigne des objectifs démesurés, voire impossibles à atteindre. Il faut que les poètes et les écrivains se lancent dans des entreprises que nul ne saurait imaginer, si l'on veut que la littérature continue de remplir une fonction. (...) la littérature doit relever un grand défi et apprendre à nouer ensemble les divers savoirs, les divers codes, pour élaborer une vision du monde plurielle et complexe.1064

L’intégration, définitive et sans paternalisme, dans la littérature mondiale marquerait, sans doute, l’aboutissement d’une expérience et d’un processus, synonymes, selon Charles Bonn, de « déplacements » 1065 ayant attesté des capacités de mutation, de créativité et de vitalité de la littérature africaine d’expression française. Pour elle, dès lors, ce qui se jouerait autour d’ « affinités électives » avec des littératures majeures, enfin devenues ses pairs, serait moins la prise en compte de son altérité1066 ou de son corpus1067 trop ignoré, qu’un rehaussement du niveau d’exigence de l’exercice de la littérature.

Il faut défendre l'idée d'une littérature africaine d'expression française, non pas mondialisée, mais mondiale.

Notes
1012.

Galays François, « Modernité/Postmodernité : Problème taxinomique ? Combat de légitimité ? Crise de culture ? », in Voix et Images, vol. 14, n° 3, (42) 1989, pp. 504-507.

1013.

Badir Sémir, « Histoire littéraire et postmodernité », in Écritures contemporaines, n° 2, Paris-Caen, Minard, 1999, p. 247.

1014.

Lyotard Jean-François et Thébaud Jean-Loup, Au juste, Paris, Christian Bourgeois, 1979, p. 181 : « (…) la question qui nous est posée maintenant, c'est bien celle d'une pluralité, l'idée d'une justice qui serait en même temps celle d'une pluralité, et celle-ci serait une pluralité des jeux du langage (…). Au fond, les minorités ne sont pas des ensembles sociaux, les minorités sont des territoires de langage. »

1015.

Hidetaka Ishida, « Comment penser ensemble la modernité aujourd'hui ? De la désorientation moderne », La modernité après le post-moderne, op. cit., p. 158.

1016.

Gilli Yves, « Sur le concept de « compétence de communication », in Alhinc Jean (sous la direction de), Recherches en linguistique étrangère, vol. 10, Annales Littéraires de l'Université de Besançon, Paris, Éditions Les Belles Lettres, 1985, p. 21 : « l'axe syntagmatique est celui de la combinaison des unités constitutives d'un texte » et « l'axe paradigmatique est le lieu de rencontre avec le monde et l'histoire ».

1017.

Ngalasso Mwatha Musanji, « Langage et violence dans la littérature africaine écrite en français », in Notre Librairie, revue des littératures du sud, n° 148, Penser la violence, op. cit., p. 20.

1018.

Biasi Pierre-Marc de, La génétique des textes, Paris, Nathan Université, coll. « 128 », 2000, p. 77.

1019.

À propos de l'esthétisme, Jamel-Eddine Bencheikh écrit qu'il « se détourne très vite de toute (autre) perspective pour se donner en spectacle, devenu le discours d'un soi-objet, réifié, sans plus de conscience que le seul exercice d'une écriture qui dévore celui-là même qui écrit ». Cité par Déjeux Jean, Maghreb. Littératures de langue française, Paris, Éditions Arcantère, 1993, p. 293.

1020.

Gueunier Nicole, « La pertinence de la notion d'écart en stylistique », in Langue française, vol. 3, n° 3, 1969, p. 34.

1021.

Sorin Noëlle, « De la lisibilité linguistique à une lisibilité sémiotique », in Revue québécoise de linguistique, vol. 25, n° 1, 1996, p. 73. Version numérique de l'article : http://id.erudit.org/iderudit/603127ar

1022.

Hamon Philippe, « Note sur la notion de norme et de lisibilité en stylistique », in Littérature, n° 14, p. 121.

1023.

Barthes Roland, S/Z, Paris, Le seuil, 1970, p. 187.

1024.

Roche Anne « Les années trente. Le formalisme », in Delfau Gérard et Roche Anne, Histoire, Littérature. Histoire et interprétation du fait littéraire, Paris, Le Seuil, 1977, pp. 230-231.

1025.

Bonn Charles, « Pour une contestation de la scénographie binaire de la théorie postcoloniale par une prise en compte de l'ambigüité tragique pour l'approche des littératures francophones du Maghreb », in Colloque Pour une histoire critique et citoyenne. Le cas de l'histoire franco-algérienne, 20-22 juin 2006, Lyon, ENS LSH, 2007, http://www.ens-lsh.fr/colloques/france-algerie/communication.php3?id_article=214

1026.

Kane Momar Désiré, « Dialectique de la modernité et de l'archaïsme », in Marginalité et errance dans dans la littérature et le cinéma africains francophones, Paris, L'Harmattan, 2004, p. 266 : « De fait, la modernité des artistes africains (...), consiste, pour une large part, à un retour aux sources païennes et polymorphistes de la créativité traditionnelle. Ce retour s'effectue sans intégrer l'illusion existentielle (...). »

1027.

Koné Amadou, « L'effet de réel dans les romans de Kourouma », in Études françaises, Volume 31, n° 1, 1995, pp. 13-22. Le critique ivoirien situe cet « effet de réel » notamment autour de ce qu'il appelle « l'ambigüité linguistique », p. 20. Version numérique de l'article : http://id.erudit.org/iderudit/035962ar . Il emprunte, bien évidemment, le concept à Barthes Roland, « L'effet de réel », in Communications, Volume 11, Recherches Sémiologiques : le vraisemblable, 1968, pp. 84-89.

1028.

Dehon Claire, Le réalisme africain. Le roman francophone en Afrique subsaharienne, Paris, L'Harmattan, « Critique littéraire », 2002, p. 58.

1029.

La vie et demie, op. cit., pp. 9-10.

1030.

Le démantèlement, op. cit., p. 148. Venner Yann, « L'Histoire dans les histoires. Une lecture de Rachid Boudjedra », in http://www.revues-plurielles.org/_uploads/pdf/4_31_17.pdf , ne dit pas autre chose quand, analysant le même roman, il spécifie ainsi sa modernité : « Si d'une part Le démantèlement met en place un personnage, écrivain dont le projet d'écriture sous-tend la diégèse, d'autre part le roman met en évidence l'aspect formel de l'œuvre et le processus de l'écriture par le biais d'un vaste système d'auto-représentation. » Consulté le 10 juin 2010.

1031.

Boudjedra ou la passion de la modernité, op. cit., pp. 46-47.

1032.

Zink Michel, La subjectivité littéraire, Paris, Presses Universitaires de France, 1985, p. 8.

1033.

Kerbrat-Orecchioni Catherine, L'énonciation. De la subjectivité dans le langage, Paris, Armand Colin, [1980] 1999.

1034.

Didi-Huberman Georges, Devant le temps, histoire de l'art et anachronisme des images, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Critique », 2000, p. 20.

1035.

Bouju Emmanuel, La transcription de l'histoire. Essai sur le roman européen de la fin du 20éme siècle, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2006, p. 11.

1036.

Samoyault Tiphaine, Excès du roman, Paris, Maurice Nadeau, 1999, p. 11.

1037.

Rousset Jean, « Les réalités formelles de l'œuvre », Poulet Georges (sous la direction de), Chemins actuels de la critique, Paris, Union générale d'éditions (« 10/18 »), 1968, p. 69.

1038.

Rancière Jacques, Malaise dans l'esthétique, Paris, Éditions Galillée, 2004.

1039.

Guignery Vanessa, Postmodernisme et effets de brouillage dans la fiction de Julian Barnes, Villeneuve d'Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2001, p. 397.

1040.

Robbe-Grillet Alain, « La littérature poursuivie par la politique », in L'Express, 19 septembre 1963, p. 33.

1041.

Nadeau Alain, « Roman français contemporain : une crise exemplaire », in coll. Roman français contemporain, Ministère des Affaires étrangères, 1997, p. 75.

1042.

Hutcheon Linda, « Qu'est-ce que le postmodernisme ? », in Entretien avec Anne-Claire Le Reste, http://www.lycee-chateaubriand.fr/cru-atala/publications/hutcheon.htm

1043.

Mattéi Jean-François, Le sens de la démesure : Hubris et Diké, Paris, Éditions Sulliver, 2009, Quatrième de couverture : « Nietzsche avait clairement établi le diagnostic : « La mesure nous est étrangère, reconnaissons-le; notre démangeaison, c'est justement la démangeaison de l'infini, de l'immense. » (...) aussi n'est-il pas étonnant que, déjà chez les Grecs, dans le mythe, la tragédie (...), il se situe au cœur de la réflexion. Au travers de la tentation (...) d'abolir toute limite, de remettre en cause la finitude humaine, la démesure témoigne du tragique de notre condition. »

1044.

Rey Alain (sous la direction de), Dictionnaire culturel en langue française, Tome II, D- L, Paris, Dictionnaires Le Robert, 2005, p. 515-516.

1045.

Roman des origines et origines du roman, op. cit., pp. 142-143. L'idée que développe Marthe Robert, selon laquelle « le roman [ne] sort de la rêverie individuelle » en s'affranchissant de ce qu'elle appelle les « insurmontables interdits » de sa «  classe sociale », s'apparente à l'individualisme galopant associé au courant postmoderne.

1046.

Latour Bruno, Nous n'avons jamais été modernes, Essai d'anthropologie symétrique, Paris, La Découverte, 1991, p. 90 : « Dès que nous suivons la trace de quelque quasi objet [de violence], il nous apparaît tantôt chose, tantôt récit, tantôt lien social, sans se réduire jamais à un simple étant. »

1047.

« Pour une contestation de la scénographie binaire de la théorie postcoloniale par une prise en compte de l'ambigüité tragique pour l'approche des littératures francophones du Maghreb », op. cit.

1048.

Schaeffer Jean-Marie, Pourquoi la fiction ?, Paris, Le Seuil, 1999, p. 325, cité par Viart Dominique, « Écrire avec le soupçon. Enjeux du roman contemporain », in Braudeau Michel, Proguidis Lakis, Salgas Jean-Pierre et Viart Dominique (sous la direction de), Le roman français contemporain, Paris, Ministère des Affaires étrangères - adpf, 2002, p. 162.

1049.

Hussein Mahmoud (pseudonyme commun d'Elnadi Bahgat et Rifaat Adel), Versant sud de la liberté. Essai sur l'émergence de l'individu dans le tiers monde, Paris, La Découverte, 1989, p. 126.

1050.

Martuccelli Danilo, « Une cartographie de la postmodernité », in Controverses, n° 3, Octobre 2006, L'identité nationale face au postmodernisme, Paris, Éditions Éclat, p. 155 : « (...) les postmodernes déploient une conception d'un moi éclaté, fragmenté, en rupture radicale avec toute idée de totalité. »

1051.

Friedrich Hugo, Montaigne, trad. de l'allemand par Robert Rovini, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1968 [1949], p. 31.

1052.

Simon Claude, Histoire, Paris, Éditions de Minuit, 1967.

1053.

Toro Alfonso de, « Le Maghreb writes back II : Rachid Boudjedra ou la déconstruction de l'histoire comme corps, désir et textualité », in Toro Alfonso de et Bonn Charles (sous la direction de), Le Maghreb writes back. Figures de l'hybridité dans la culture et la littérature maghrébines, Hildesheim, Georg Olms Verlag, 2009, p. 235. Le titre de l'ouvrage fait référence à : Aschcroft Bill, Griffiths Gareth and Tiffin Helen, The Empire Writes Back : Theory and Practise in Post-Colonial Literatures, London and New York, Routleledge, 1989, à l'origine du développement des études post-coloniales.

1054.

Crouzières-Ingenthron Armelle, Le double pluriel dans les romans de Rachid Boudjedra, Paris, L'Harmattan, coll. « Critiques Littéraires, Linguistique », 2001. Cité par Zorgati Ragnhild Johnsrud, «  Rachid Boudjedra : La prise de Gibraltar : kaléidoscope et métissage », in Romansk Forum, Numéro 20, 2005/1. Version numérique : http://www.duo.uio.no/roman/Art/Rf20/13Zorgati.pdf

1055.

Garnier Xavier, « Afrique Noire », in Bonn Charles, Garnier Xavier et Lecarme Jacques (sous la direction de), Littérature francophone. 1. Le roman, Paris, Hatier-AUPELF-UREF, 1997, p. 283.

1056.

L'état honteux, op. cit., p. 5.

1057.

Lyotard Jean-François, « Réécrire la modernité », in Les cahiers de philosophie, n° 5, 1988, p. 64. Il y soutient que la postmodernité n'est pas une sédition, mais « un autre rapport avec la modernité ».

1058.

Garnier Xavier, « Conditions d'une « critique mondiale » », in Pradeau Christophe et Samoyault Tiphaine (sous la direction de), Où est la littérature mondiale ?, Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, coll. « Essais et Savoirs », 2005, p. 103 : « Rien n'est plus étranger à l'activité critique que le jugement. Le travail critique est un engagement auprès de l'œuvre, d'une certaine façon, il soude son destin à celui de l'œuvre. »

1059.

Redonnet Marie, « Pour une relance de la question de la modernité », in Les Lettres Françaises, n° 5, janv. 1991, p. 4 : «  La littérature est à reféconder à ses sources : l'Histoire, le poétique, le sexuel, le divin et le sacré, le métaphysique (…). La modernité, c'est toujours le retour du refoulé d'une société (…). Elle est une différence, un écart, un excès, une étrangeté, par rapport à ce qui s'est écrit, et qui continue de s'écrire de semblable. À chaque fois différemment, elle est le retour de « la part maudite » d'une société ».

1060.

Merquior José Guilherme, From Prague to Paris. A Critique of Structuralist and Post-structuralist thought, London-New York, Verso, 1986. Cité par Martin Jean-Pierre, « La littérature nous dirait-elle quelque chose plutôt que rien ? », op. cit., p. 56.

1061.

Chikhi Beïda, « Les textes maghrébins et « Le gai savoir », in Bonn Charles et Rothe Arnold (sous la direction de), Littérature maghrébine et littérature mondiale, Würzburg, Königshausen & Neumann, 1995, p. 144.

1062.

Qu'est-ce que la littérature ?, op. cit., p. 75 : « (…) on écrit pour le lecteur universel; et nous avons vu, en effet, que l'exigence de l'écrivain s'adresse en principe à tous les hommes. »

1063.

« L'inouïversel,Jean-Pierre Verheggen », op. cit., pp. 175-176 et p. 181, où Lise Gauvin fait dire au poète belge : « (…) il y a une façon d'inciter le lecteur à venir nous rejoindre ou bien à se distancier par rapport à ce que l'on dit. (...). Il faut faire entendre l'INOUÏVERSEL. »

1064.

Calvino Italo, Leçons américaines, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1992 [1989], p. 179.

1065.

Bonn Charles, « Introduction : Paroles déplacées », in Bonn Charles (sous la direction de), Migrations des identités et des textes, entre l'Algérie et la France, dans les littératures des deux rives, Tome 1, p. 7 : « La modernité se caractérise par les déplacements, les ruptures, les reformulations, les réagencements. Déplacements (...), certes, mais déplacement aussi, (…) des expressions culturelles et plus particulièrement littéraires. » Et Échanges et mutations des modèles littéraires entre Europe et Algérie, Tome 2, Actes du colloque « Paroles déplacées » tenu à l'École Normale Supérieure Lettres et Sciences humaines de Lyon, du 10 au 13 mars 2003, Paris, L'Harmattan, 2004.

1066.

Boubia Fawzi, « Littérature universelle et altérité », in Diogène, Numéro 141, janvier-mars 1988, pp. 80-104.

1067.

Étiemble René, « Faut-il revisiter la notion de Weltliteratur ? », in Essais de littérature (vraiment) générale, Paris, Gallimard, 1975, pp. 15-36.