Introduction générale

Les Troubles Spécifiques du Langage (TSL) sont une pathologie développementale qui ne s’explique pas par des facteurs sensoriels ou environnementaux et qui n’a pas une base neurologique ou physiologique clairement spécifiée (Bishop, 1997 ; 2006 ; Conti-Ramsden, 2009 ; Leonard, 2009). La pathologie est normalement identifiée au cours de l’âge préscolaire, à cause d’un retard important du développement du langage oral. Théoriquement, un enfant porteur des TSL présente un décalage développemental de 2-3 ans en langage oral comparé aux enfants de même âge chronologique. Son langage oral se caractérise par des déficits touchant la globalité des aspects langagiers (phonologie, morphologie, lexique, grammaire etc.) ou seulement certains d’entres eux, en production et/ou en réception de la parole. La population d’enfants porteurs des TSL se caractérise ainsi par une grande hétérogénéité principalement établie à travers la diversité des profils langagiers observés (Botting & Conti-Ramsden, 2004). Cette hétérogénéité nécessite la recherche de classifications et de typologies des enfants porteurs des TSL afin de mieux déterminer leurs caractéristiques dans le but d’une meilleure appréhension de la nature du trouble et d’une meilleure interprétation des liens causaux. A ce jour, les classifications existantes apparaissent à nos yeux peu profitables, dans le sens où elles ne donnent pas d’indices concernant le pronostic, une meilleure prise en charge des enfants ou une différenciation à propos des risques de troubles ultérieurs en langue écrite. Malgré les progrès déjà effectués dans la compréhension de la pathologie, sa nature, ses causes et ses séquelles, à ce jour, un nombre important de questions reste à étudier. Notre thèse s’articule autour de la caractérisation du profil langagier et cognitif des enfants TSL francophones et l’étude des effets bidirectionnels entre l’apprentissage de la langue écrite et les déficits précoce en langage oral. Notre travail se divise en deux grandes parties, une partie théorique (chapitres 1 et 2) et une partie expérimentale (chapitres 3, 4, 5 et 6).

Dans le chapitre 1, après un bref exposé des concepts de base de la pathologie (terminologie, prévalence, définition), nous présentons les critères diagnostiques, les différentes classifications et leurs limites dans la réalité clinique, les caractéristiques langagières et non verbales observées chez les enfants TSL, les bases génétiques et neurobiologiques de la pathologie et nous terminerons avec un exposé des principales hypothèses explicatives. Le chapitre 2 offre une revue de la question des difficultés ultérieures des enfants TSL lors de l’apprentissage de la langue écrite. Après une synthèse des modèles actuels d’apprentissage de la lecture, nous exposons le rôle du déficit en conscience phonologique en tant que cause principale des déficits en lecture-écriture des enfants TSL en se basant sur une approche psycholinguistique (Stackhouse & Wells, 1997).

Dans le chapitre 3, nous cherchons à établir le profil des enfants TSL dans leur complexité linguistique et cognitive en examinant un ensemble d’enfants diagnostiqués en Centre de Référence. Nous faisons, ainsi, une première tentative d’une typologie ‘écologique’ qui prendra en compte non seulement le profil langagier mais aussi la sévérité des troubles langagiers et le profil cognitif des enfants TSL (compréhension verbale, raisonnement perceptif, mémoire de travail et vitesse de traitement). Dans les deux chapitres suivants, chapitres 4 et 5, nous étudions l’apprentissage implicite et la mémoire de travail visuospatiale auprès des enfants avec Troubles non Spécifiques du Langage, deux capacités toujours peu explorées auprès de cette population, mais dont le rôle dans l’acquisition du langage oral et écrit est déjà établi. Enfin, dans le chapitre 6, nous définissons des profils d’enfants TSL apprentis lecteurs à travers leurs performances en lecture et en orthographe et nous intéressons au rôle de facteurs comme les capacités métaphonologiques, lexicales et morphosyntaxiques, la mémoire phonologique de travail, et les capacités non verbales dans l’apprentissage de la lecture-écriture.

Enfin, la présente thèse s’achève sur une discussion générale de l’ensemble des résultats issus de nos travaux et une ouverture sur des nouvelles perspectives de recherche autour des TSL.

‘To know that we know what we know, and to know that we do not know what we do not know,
that is true knowledge.
COPERNICUS’