1.4.2 L’intelligence non verbale

Un des critères les plus fondamentaux dans le diagnostic des TSL est l’obtention de scores normaux dans des tâches qui mesurent les capacités non verbales. Habituellement, les capacités non verbales sont évaluées à travers une batterie d’évaluation globale de l’intelligence, le plus souvent en France une batterie des échelles de Wechsler (WPPSI ou WISC selon l’âge de l’enfant). Selon ce critère, l’enfant doit obtenir un score non verbal (supérieur à 85 (SS) ou supérieur à 1 DS au dessous de la moyenne. Ainsi, on constate souvent que les enfants inclus dans les études de TSL, présentent un score non verbal (ex. QIP) supérieur à 85 et un score verbal (ex. QIV) autour 80. Pour certains cliniciens et chercheurs une telle dissociation n’est pas suffisante. Ainsi, ils exigent en plus de ce critère (QIP supérieur à 85), une dissociation nette et supérieure à 15 points entre les capacités verbales (QIV) et les capacités non verbales (QIP) pour inclure un enfant dans une étude ou pour poser un diagnostic. Cependant, cette dernière exigence fait l’objet de critique puisque nous ne disposons pas de données empiriques démontrant qu’un enfant présentant cette dissociation et un enfant ne la présentant pas, diffèrent dans leurs capacités d’apprentissage lors d’un entrainement, par exemple (Fey, Long & Cleave, 1994). De plus, dans un certain nombre de tâches cognitives non verbales (ex. raisonnement analogique, imagerie visuelle, apprentissage implicite) les performances des enfants TSL sont inférieures à celles des enfants de même âge chronologique (Leonard, 2000). Il faut également être prudent quant à la définition des capacités non verbales de l’enfant TSL.

Par ailleurs, les enfants TSL présentent souvent des troubles cognitifs associés (ex. dyspraxie). Il est tout à fait possible que les difficultés en motricité fine (dyspraxie gestuelle), par exemple, souvent rencontrées chez les enfants TSL, puissent affecter les performances au niveau graphique et diminuer les performances non verbales lors d’une évaluation psychométrique. Un autre problème concerne le développement des capacités verbales et non verbales avec l’âge : quand le déficit langagier persiste, il semble assez difficile que l’enfant puisse obtenir des scores non verbaux proches de la moyenne. Dans ce cas, il est assez fréquent d’observer une détérioration des scores sur les tests non verbaux, à tel point que si seulement la dernière évaluation du QI est prise en compte ces enfants seront exclus des études portant sur les enfants TSL (Bishop, Bright, James, Bishop & van der Lely, 2000).

Dans ce contexte, un certain nombre d’études incluent des enfants qui présentent des capacités verbales et non verbales inférieures à 85 SS, c’est à dire inférieures à 1DS en dessous de la moyenne (Bishop, Adams & Rosen, 2006 ; Catts et al. 2002 ; Ellis-Weismer et al. 2000 ; Gérard, 2006 ; Miller, Kail, Leonard & Tomblin, 2001 ; Miller, Leonard & Finneran, 2008 ; Tomblin & Zhang, 1999 ; Wetherell, Botting, Conti-Ramsden, 2007). Bien que ces enfants, se caractérisant par des ‘Troubles non Spécifiques du Langage’ (TnSL ou non-specific language impairment) car présentant en général un niveau langagier et des capacités de traitement de l’information plus faibles que les enfants typiques TSL, ils présentent le même profil langagier tant en production qu’en compréhension que les enfants TSL. Ainsi, l’application du critère des capacités non verbales supérieures à 85 SS semble assez exigeante et pas tout à fait justifiée. En effet, certaines études constatent que ni les caractéristiques langagières (Tomblin & Zhang, 1999) ni l’efficacité de la rééducation des aptitudes linguistiques (Fey, Long & Cleave, 1994) peuvent distinguer les enfants TSL dont le QI est entre 70 et 85 (ci-après TnSL) des enfants TSL dont le QI est supérieur à 85. Le même ‘pattern’ de déficits langagiers est observé chez les enfants TSL et chez les enfants dits TnSL. Le profil des enfants TnSL se distingue cependant du profil des enfants avec retard mental, les enfants TnSL ne présentant pas les déficits comportementaux et adaptatifs généralement associés au retard mental (Gérard, 2006). Ce constat conduit à une question : les enfants TnSL doivent-ils être considérés comme présentant une pathologie autre et distincte des enfants TSL ou comme présentant la même pathologie mais avec un autre degré de sévérité? (Chapitre 6).