1.4.4 Les limites des critères diagnostiques par exclusion

La population d’enfants TSL est très hétérogène. Force est de constater que le même terme est utilisé pour caractériser des populations très différentes. Ainsi, le terme TSL est souvent utilisé (surtout dans la littérature anglo-saxonne) pour les très jeunes enfants (3 ans) qui n’acquièrent pas le langage de manière spontanée (Fey & Loeb, 2002), pour les adolescents (15-16 ans) qui présentent toujours des difficultés après des années de rééducation, pour les enfants qui présentent des troubles mineurs du langage oral (-1 DS dans un test de langage; voir par exemple Ellis-Weismer, Evans & Hesketh, 1999), et pour les enfants qui présentent un trouble plus important (-1.5 DS dans un test de langage; voir van der Lely & Ullman, 2001), ou encore pour les enfants qui présentent un syndrome mixte avec des difficultés tant en réception qu’en production de la parole. L’hétérogénéité de la population des enfants TSL que nous allons discuter à plusieurs reprises dans ce document se retrouve dans la difficulté à identifier la sémiologie précise de chaque population TSL. Les critères diagnostiques sur lesquels nous nous basons aujourd’hui, relativement simples et insuffisants, ne permettent pas la différenciation des enfants TSL selon la spécificité de leur profil langagier, ni selon le degré de sévérité de leurs symptômes.

Sur ce sujet, certains chercheurs proposent l’utilisation des marqueurs cliniques, mesurés à travers des tests langagiers spécifiques ou des tests d’intelligence non verbale, comme indices différenciant les enfants TSL en fonction de leur profil langagier et cognitif spécifique (Bortolini et al. 2006 ; Bortolini, Caselli, Deevy & Leonard, 2002). Les candidats les plus intéressants semblent être des tests qui impliquent la répétition de pseudomots (Bishop, North & Donlan, 1996) ou encore la production de la morphologie verbale dans des contextes imposés (Rice & Wexler, 1995). L’utilisation de la tâche de répétition de pseudomots a l’avantage d’exiger une réponse sans interférence avec des représentations sémantiques, syntaxiques et phonologiques déjà stockées. La tâche est aussi largement indépendante du QI du sujet (Bishop et al. 1996), des facteurs sociaux et ethniques (Campbell, Dollaghan, Needleman & Janosky, 1997) et enfin, est un bon marqueur d’un phénotype héritable (voir aussi 1.7) des TSL (Barry, Yasin & Bishop, 2007). Même si l’utilisation de marqueurs cliniques dans le diagnostic des enfants TSL peut sembler très intéressante, les données actuelles ne permettent pas encore leur utilisation sans une certaine précaution. La critique la plus importante est leur manque de spécificité. En effet, se baser exclusivement sur ces mesures ne permet pas de faire un diagnostic différentiel entre les TSL et une autre pathologie qui est accompagnée de déficits langagiers. Par exemple, les enfants présentant une Trisomie 21 ont des difficultés importantes quant à la répétition de pseudomots (Jarrold, Baddeley & Hewes, 2000) ou encore les enfants bilingues échouent massivement dans des tests de morphologie verbale (Paradis & Cargo, 2000).