Habiletés morphosyntaxiques

Les difficultés langagières des enfants TSL concernent également le traitement morphologique et syntaxique, comme par exemple l’ordre des mots, le temps, les marques de l’accord et l’usage des mots fonctionnels (Plaza, 2004). Globalement, les productions des enfants TSL sont plus simplifiées que celles des enfants DNL (van der Lely et al. 2004). De plus, les enfants TSL se caractérisent par l’absence des ‘petits mots’ (articles, pronoms etc.) et des marqueurs morphosyntaxiques, ainsi que par le non-respect de l’ordre des mots. Selon Leonard (2000) les difficultés dans la maitrise morphosyntaxique sont apparentes chez les enfants TSL quelle que soit leur langue maternelle. Ce qui diffère, c’est la façon dont ces difficultés s’expriment d’une langue à l’autre ce qui dépend des caractéristiques phonologiques et morphosyntaxiques de chaque langue. Pour les morphèmes grammaticaux, par exemple, Bortolini et Leonard (2000) ont montré que les enfants TSL anglo-saxons présentent plus de difficultés dans les flexions verbales tandis que les enfants TSL italiens présentent plus de difficultés sur les pronoms clitiques. Chillier et al. (2002) ont trouvé cette même difficulté dans les clitiques objets chez les enfants francophones. Toutefois certaines caractéristiques sont universelles, comme par exemple les difficultés particulières pour la morphologie verbale et les systèmes des pronoms clitiques (nominatifs : je, tu, il ; accusatifs : le/la). Il a été plusieurs fois montré, que les enfants anglo-saxons rencontrent souvent des difficultés à apprendre et à utiliser les morphèmes fonctionnels (ex. -the, -a, -is) et grammaticaux (ex. pour le pluriel –s, pour le passé -ed) (Bishop, 1997 ; Leonard, 2000). Cette difficulté dans l’utilisation des mots fonctionnels est aussi trouvée chez les enfants francophones, notamment avec l’usage du mot ‘il’ (Comblain, 2004 ; Parisse & Maillart, 2004).

Dans une étude récente, Sanchez, Ecalle et Magnan (2009) ont étudié les habiletés en morphologie dérivationnelle auprès de 16 enfants TSL francophones scolarisés en CP et en CE1 (âge moyenne 7 ;8) appariés en âge lexical à des enfants DNL. Ils ont proposé diverses tâches évaluant les compétences morphologiques des enfants, tâche de plausibilité lexicale, de jugement de relation morphologique, de catégorisation morphémique, d’extraction de base et de construction de mots dérivés. Leurs résultats mettent en évidence les déficits morphologiques des enfants TSL, et plus particulièrement une fragilité spécifique des enfants TSL lors de tâches comme la construction de mots dérivés (ex. découper et –age, ca donne quel mot de la même famille que découper ?), la catégorisation morphémique (choisir le mot dérivé de colle parmi les mots collage, colonne et scotch) et la plausibilité lexicale (choisir quel pseudomot de chaque paire ressemble plus à un vrai mot, repouvoir/mapouvoir). Ces résultats conduisent ces auteurs à plaider en faveur d’une difficulté spécifique aux enfants TSL à considérer simultanément des niveaux de traitement, phonologique et sémantique (lorsque l’enfant devait effectuer simplement un traitement sémantique, ex. tâche de jugement de relation morphologique, ou phonologique, ex. tâche d’extraction de base, les enfants TSL n’ont pas montré de difficulté) qui se traduit par de difficultés considérables dans l’acquisition de la morphologie (voir aussi hypothèses explicatives ci-dessus). Enfin, les enfants TSL se sont révélés plus sensibles que les enfants DNL lorsque on augmente la longueur et/ou la complexité de l’item à restituer (contraintes liées à la tâche) et lorsque la tâche demande une production orale.

Pour ce dernier aspect, Roulet (2007) a étudié la production et la perception des morphèmes grammaticaux français auprès de 18 enfants TSL et 18 enfants contrôles dans une tâche d’accord de genre entre le déterminant et le nom. Les résultats ont mis en évidence les difficultés des enfants TSL seulement en production et pas en perception des morphèmes grammaticaux. En effet, les enfants TSL ont produit des erreurs de genre ou des omissions de déterminant sans pour autant se distinguer des enfants DNL lors de la perception des violations d’accord. Enfin, sur le plan développemental, les premières différences quantitatives des enfants TSL commencent à être apparentes dès l’âge de 3 ans, c’est-à-dire à partir du moment où l’enfant produit des énoncés contenant des combinaisons des formes lexicales. Globalement, la chronologie linguistique est respectée chez les enfants TSL, néanmoins elle semble décalée dans le temps. Ainsi quelle que soit leur langue maternelle, les enfants TSL produisent des omissions et des substitutions. Leurs phrases sont plus courtes, le nombre des relations exprimées par un enfant TSL dans un seul énoncé est plus limité et parfois même l’ordre des mots est perturbé.