1.8.1 L’hypothèse d’un déficit dans le traitement temporel

Selon cette hypothèse, élaborée initialement par Paula Tallal et son équipe, l’enfant TSL présente une difficulté dans la discrimination fine des séquences auditives Tallal & Piercy, 1973 ; 1975). Cette difficulté l’empêcherait de construire des représentations phonologiques complètes et précises, générant par la suite des difficultés de compréhension et/ou de production au niveau lexical et syntaxique. Par définition, l’enfant TSL présente une audiométrie normale. Toutefois, un déficit perceptif auditif peut survenir. Depuis les premiers travaux de Tallal et Piercy, un nombre important de travaux ont aussi démontré que les enfants TSL ont des difficultés à restituer l’ordre des paires de sons de haute ou basse fréquence notamment quand la présentation des sons était brève et rapide (déficit dans le traitement temporel de l’information auditive). En revanche, quand la présentation des stimuli est moins rapide ou allongée aucune difficulté n’été observée. Le déficit dans le traitement temporel de l’information auditive que ces auteurs défendent est supposée empêcher les enfants TSL de percevoir les formes grammaticales, comme par exemple en anglais le verbe -is (être) et l’article –the, qui sont en général des formes brèves et non accentuées (Benasich & Tallal, 2002). La théorie de Tallal a donné lieu à la mise au point d’une méthode thérapeutique commercialisée sous le nom “Fast ForWord”. Cette méthode repose sur le principe d’entraînement de certaines capacités linguistiques de l’enfant en modifiant la composante temporelle de la parole, et notamment par un ralentissement suivi par une accélération progressive (Segers & Verhoeven, 2005 ; Temple et al. 2003).

Au sujet du traitement auditif, Ziegler et al. (2005) ont étudié les capacités d’identification de consonnes dans des conditions écologiques valides de bruit masqué variant ou stationnaire. Leurs résultats montrent que les enfants TSL sont moins aptes à discriminer les consonnes, surtout dans des conditions de voisement (ex. discriminer les sons comme /b/ et /p/ qui ne diffèrent que par un trait de voisement) par rapport aux enfants de même âge chronologique ou les enfants plus jeunes mais de même âge lexical. Cependant, les performances des enfants TSL sont meilleures dans les conditions de bruit variant que dans les conditions de bruit stationnaire, ce qui confirme la critique sur la théorie de Tallal. En effet, ces résultats montrent que le déficit se trouve à un niveau central de l’extraction des propriétés des sons plutôt que dans un niveau bas du traitement temporel de la parole. Ziegler et al. concluent que les enfants TSL présentent un développement déviant de leurs capacités langagières à cause de leur déficit à extraire dans le bruit certaines caractéristiques linguistiques comme le voisement.

Aujourd’hui, la théorie de Tallal est critiquée. Cet auteur a suggéré que le déficit temporel ne se limite pas aux informations auditives mais concerne un déficit général de la vitesse de traitement des informations (voir ci-dessous). De plus, il a été démontré qu’un certain nombre d’enfants TSL ne présentent pas ces difficultés (Bailey & Snowling, 2002). Enfin, le déficit dans le traitement temporel des informations auditives ne suffit pas pour expliquer la variance observée dans la population d’enfants TSL (Rosen, 2003).