1.8.3 L’hypothèse du déficit dans la mémoire phonologique

Parmi les hypothèses explicatives se trouve également celle d’un déficit de la mémoire de travail phonologique (MdT phonologique). Depuis les premiers travaux de Gathercole et Baddeley (1990) il a été montré que les enfants TSL ont des difficultés dans la MdT phonologique, notamment dans la répétition de pseudomots longs. Ces auteurs ont montré que les enfants TSL ont plus de difficultés dans la répétition de mots et de pseudomots que les enfants DNL appariés en âge chronologique et en âge lexique. Cependant, le pattern des réponses était similaire pour les trois groupes : plus d’erreurs quant à la répétition des listes de mots phonologiquement proches. Ce constat a conduit ces chercheurs à défendre l’hypothèse que les enfants TSL présentent un déficit dans le stockage des informations phonologiques dans la boucle phonologique. Ainsi, ils ont proposé trois explications possibles concernant ce déficit. Selon la première, la segmentation initiale effectuée par les enfants TSL est imprécise ; il en résulte des représentations phonologiques peu discriminables les unes des autres et des difficultés ultérieures lors de leur récupération. La deuxième explication est que la trace phonologique stockée dans la MdT phonologique s’efface plus rapidement chez les enfants TSL. Enfin, la troisième explication concerne les capacités de stockage des enfants TSL, éventuellement plus limitées que celles des enfants DNL. Dans des travaux plus récents, il est évoqué que les déficits dans la mémoire phonologique affectent également la compréhension grammaticale ainsi que l’apprentissage du vocabulaire (Gathercole & Baddeley, 1993; Montogomery, 2003).

Cependant, pour certains auteurs, la tâche de répétition de pseudomots est une tâche multi déterminante dans le sens où elle mesure non seulement les capacités de la MdT mais aussi d’autres processus comme les capacités de segmentation phonologique et les capacités d’accès aux connaissances phonologiques infra-lexicales permettant un décodage et un encodage correct de la séquence phonologique non familière. Par conséquent, pour certains auteurs les déficits dans la répétition de pseudomots que les enfants TSL généralement éprouvent peuvent aussi refléter des représentations phonologiques déficitaires. En d’autres termes, il se peut que ce déficit soit déterminé par le système langagier plutôt que d’être celui qui détermine l’acquisition du langage (Chiat, 2001). Par ailleurs, malgré les nombreuses études à ce sujet, l’existence d’un lien de causalité entre les faibles capacités en MdT phonologique et les TSL reste à démontrer (Montgomery, 2003).

Les déficits dans la MdT phonologique peuvent coexister avec d’autres déficits. Il existe à ce jour un débat continu concernant les capacités des enfants dans la mémoire visuospatiale (Archibald & Gathercole, 2006b ; Bavin et al. 2005 ; Hick et al. 2005 ; Parisse & Mollier, 2008). Par ailleurs, l’utilisation seule et dans sa forme actuelle de la tâche de répétition de pseudomots ne permet pas de distinguer précisément les enfants TSL des enfants TnSL. De futurs travaux sont nécessaires pour éclairer ces points. En résumé, il est évident que les capacités en MdT phonologique jouent un rôle important dans l’étiologie des TSL, et nous allons revenir sur ce rôle dans la discussion de l’hypothèse des capacités limitées de traitement et de l’hypothèse phonologique que nous présenterons ci-dessous.