2.1.2 Les modèles connexionnistes

Avant de passer à la description des modèles interactifs nous allons présenter un bref exposé des modèles connexionnistes, notamment du modèle de la « double voie en cascade» (Dual Route Cascade, DRC) de Coltheart, Rastle, Perry, Langdon et Ziegler (2001) qui proposent une implémentation sur ordinateur du modèle à deux voies de Coltheart (1978). Les modèles à deux voies ne rentrent pas vraiment dans le cadre des modèles d’apprentissage de la lecture. Leur présentation est toutefois importante puisque ils offrent un cadre explicatif des mécanismes mis en place chez le lecteur expert. Le stade orthographique du modèle développemental de Frith (1985) correspond au lecteur expert tel qu’il a été décrit dans le modèle à deux voies (voie directe). Selon le modèle à deux voies, le lecteur expert a deux possibilités pour accéder à la représentation sémantique lors de la lecture d’un mot ; directement en traitant simplement la forme orthographique du mot quant il s’agit des mots réguliers ou fréquents (procédure d’adressage ou voie directe) ou indirectement en se basant sur les CGP quand il s’agit des mots nouveaux (procédure d’assemblage ou voie indirecte). A l’opposé du modèle de Frith où il existe la notion de passage d’un stade (alphabétique) à l’autre (orthographique), ici les deux procédures sont indépendantes et peuvent être activées en parallèle chez le lecteur expert.

Le modèle DRC permet de simuler la lecture (à voix haute ou silencieuse) de mots monosyllabiques dans les langues alphabétiques (99.99% d’exactitude pour les mots et seulement 1.07% d’erreurs sur les pseudomots). Outre en anglais, le modèle a également été implémenté en langue allemande (Ziegler, Perry & Coltheart, 2000). Comme les modèles à deux voies, le modèle DRC comporte deux voies, la voie lexicale et la voie phonologique ou prélexicale, toutes les deux permettant la conversion des formes orthographiques en formes phonologiques. La voie lexicale permet la lecture d’un mot à travers une activation interactive et bidirectionnelle entre les représentations (orthographique, sémantique et phonologique) stockées dans le lexique. Le modèle suppose également que les unités compatibles s’activent mutuellement, tandis que les unités incompatibles s’inhibent mutuellement. La voie prélexicale est un mécanisme unidirectionnel et sériel qui permet la conversion des lettres ou groupes de lettres individuellement à des phonèmes en appliquant les CGP. Le DRC simule également les effets traditionnels de fréquence, de longueur du mot, du nombre de voisins orthographiques etc. A l’opposé de la voie lexicale où toutes les lettres sont traitées en parallèle et de manière globale, dans la voie prélexicale les lettres sont traitées de manière séquentielle de gauche à droite. Par conséquent, la voie lexicale est plus rapide que la voie prélexicale, mais la dernière permet la prononciation correcte de mots réguliers et irréguliers. De plus, dans la voie prélexicale on trouve aussi des effets de longueur de mot. La critique majeure du modèle DRC porte sur le fait que les mécanismes impliqués dans la lecture silencieuse se distinguent des mécanismes impliqués dans la lecture à voix haute. A ce propos, Frost (1998) suggère que la lecture silencieuse passe toujours par une médiation phonologique. Enfin, le modèle DRC considère seulement la lecture de mots et pseudomots monosyllabiques, négligeant la lecture des mots plurisyllabiques. La conception des modèles d’apprentissage de la lecture par la suite (i.e. les modèles interactifs) a été fortement influencée par les modèles connexionnistes et l’idée d’activation simultanée des connaissances liées à un mot.