2.2.2 La causalité réciproque

Les résultats d’un grand nombre d’études confirment l’hypothèse d’une relation de causalité réciproque entre la conscience phonologique et l’apprentissage de la langue écrite (Alegria & Morais, 1989; Alloway et al. 2005 ; Castle & Coltheart, 2004 ; Claessen, Heath, Fletcher, Hogben & Leitao, 2009 ; Fraser & Conti-Ramsden, 2008 ; Gombert, 2003 ; Hogan, Catts & Little, 2005 ; Stanovich, 1988). Selon cette hypothèse, la conscience phonologique est un facteur prédictif des capacités de lecture et écriture et l’apprentissage de la lecture contribue à une meilleure prise de conscience des phonèmes (Image 2).

Image 2 : La relation de causalité réciproque entre la conscience phonologique et l’apprentissage de la lecture.
Image 2 : La relation de causalité réciproque entre la conscience phonologique et l’apprentissage de la lecture.

Lors de l’acquisition du langage oral, l’enfant construit progressivement les aspects sémantiques (le mot ou la phrase renvoie à une signification) sans prendre conscience que le langage est un code arbitraire, composé des sons qu’on combine pour former les mots et des mots qu’on combine pour former des phrases. Au cours de cette période qui précède l’apprentissage formel du langage écrit, l’enfant construit également de manière inconsciente un répertoire de connaissances sur les unités phonologiques du langage oral (syllabes, unités infra-syllabiques, phonèmes) développant des habiletés épiphonologiques. Cette sensibilité phonologique précoce joue un rôle important dans l’acquisition des connaissances méta-phonologiques (Ecalle & Magnan, 2002a ; Ecalle, Magnan & Bouchafa, 2002). Les représentations phonologiques développées avant l’apprentissage formel de la langue écrite vont être utilisées de manière explicite au cours des premières mises en correspondance avec les unités du langage écrit, les graphèmes (lettres ou groupes de lettres) lors de l’apprentissage de la lecture. En d’autres termes, les capacités épiphonologiques précoces sont essentielles pour l’apprentissage de la langue écrite. Or, c’est la prise de conscience explicite des phonèmes (habiletés méta-phonologiques), qui permettra à l’enfant de manipuler les CGP et d’opérer des analyses phonologiques fines pour lire et pour écrire des nouveaux mots et passer de l’état de l’apprenti-lecteur à celui du lecteur expert. Cette prise de conscience renvoie au concept général de la conscience phonologique (Sprenger-Charolles & Colé, 2006).

Le dernier chapitre expérimental de cette thèse (chapitre 6), étudie les effets bidirectionnels entre la conscience phonologique et l’apprentissage de la langue écrite chez des enfants apprentis lecteurs francophones présentant des TSL. Plus particulièrement, nous avons utilisé une tâche de suppression du phonème initial et une tâche de fusion de phonèmes, nous permettant d’étudier dans une étude longitudinale à court terme l’évolution des compétences métaphonologiques des enfants TSL et des enfants TnSL apprentis lecteurs sous l’effet de l’enseignement formel de la langue écrite. Nous avons également utilisé des tâches pour étudier les compétences des enfants en langue écrite, notamment en lecture (mots isolés et texte) et en orthographe (mots réguliers, irréguliers et pseudomots). Le cadre théorique pour cette étude est défini par l’approche psycholinguistique de Stackhouse et Wells (1997) qui explique en quoi ‘le déficit dans le traitement perceptif (des enfants TSL) affecte à la fois la production de la parole et le développement du langage écrit’.