2.2.3 L’approche psycholinguistique

Le modèle psycholinguistique de Stackhouse et Wells (1997) envisage les difficultés des enfants TSL comme le résultat d’un déficit dans une ou plusieurs composantes s’impliquant dans la parole, l’entrée (ou input), les connaissances linguistiques stockées ou la sortie (ou output). Le modèle se base sur le postulat selon lequel les enfants avant l’apprentissage du langage écrit et par le simple traitement du langage oral élaborent un système de traitement de la parole (Pring & Snowling, 1986). Selon, Stackhouse et Wells, le système de traitement de la parole (STP) se divise en trois parties (Image 3): l’entrée (ou input), les représentations lexicales (ou lexique), et la sortie (ou output). 

Image 3 : La structure de base du Système de Traitement de la Parole de Stackhouse et Wells (1997).
Image 3 : La structure de base du Système de Traitement de la Parole de Stackhouse et Wells (1997).

L’idée de base du modèle est celle-ci : « l’enfant reçoit de l’information (auditive ou même visuelle lors de la lecture labiale) relative aux expressions produites par un interlocuteur, la mémorise et la stocke dans une variété de représentations lexicales (un moyen de conserver l’information à propos des mots) dans le lexique interne (sorte de dictionnaire mental), et ensuite sélectionne et produit des mots parlés » (Stackhouse & Wells, ib., p. 8).

Selon le modèle psycholinguistique de Stackhouse et Wells, chacune des trois parties qui constituent le STP peut être une source possible de difficultés chez les enfants TSL. Les enfants TSL présentent des difficultés à traiter les sons de la parole en dépit d’une audition normale (Image 4). Cette difficulté peut recouvrir des difficultés à discriminer les mots proches sur le plan phonologique (input) ainsi que des difficultés dans la mémoire à court terme. Toute difficulté dans l’input affectera non seulement la façon dont le mot est perçu mais aussi la façon dont il sera stocké dans les représentations lexicales (lexique). Cependant, pour produire un mot, les enfants utilisent les représentations stockées dans le lexique (phonologiques et sémantiques) ainsi que le programme moteur approprié. Des représentations sous-spécifiées et imprécises, comme celles des enfants TSL, se reflèteront ainsi dans la production orale (output) même en absence de déficience dans les programmes moteurs (ensemble d’instructions pour la prononciation de chaque mot).

Image 4 : Adaptation du modèle psycholinguistique de traitement de la parole de Stackhouse et Wells (1997) en français.
Image 4 : Adaptation du modèle psycholinguistique de traitement de la parole de Stackhouse et Wells (1997) en français.

Ces auteurs ont soutenu l’hypothèse que le trouble perceptif des enfants TSL entraverait l’accès à certaines caractéristiques phonologiques, gênant le développement lexical et syntaxique et affectant l’apprentissage ultérieur du langage écrit. Comme nous l’avons déjà évoqué, le passage du langage oral au langage écrit se caractérise par l’enrichissement des représentations (phonologiques et sémantiques) stockées dans le lexique mental, le développement des habiletés métaphonologiques, l’apprentissage des correspondances grapho-phonémiques et la construction des connaissances orthographiques (représentations orthographiques) sous l’effet de l’expertise à l’écrit. L’enfant au tout début se base sur les représentations développées lors du traitement du langage oral (habiletés épiphonologiques) pour apprendre à lire et à écrire. Par conséquent, tout défaut ou toute imperfection dans ce système de traitement se reflétera sur l’apprentissage du langage écrit.