Objectifs et hypothèse générale

A notre connaissance, la question de l’apprentissage implicite n’a pas, jusqu’à présent, été explorée chez les enfants TnSL (voir chapitre 1). Inspirés de ce contexte théorique (apprentissage implicite) et méthodologique (évaluation dynamique), l’étude que nous avons élaborée vise à étudier les capacités à apprendre et à bénéficier d’un feedback correctif dans une tâche implicite auprès d’enfants porteurs des troubles du langage scolarisés en Classe d’Intégration Scolaire (CLIS 1 spécifiques pour les enfants TSL). Pour cela nous avons utilisé une tâche de détection d’intrus mise au point par Jean Ecalle. Notre objectif est d’étudier chez l’enfant TnSL 1/ l’effet d’un feedback correcteur (Lété, 1996) et 2/ le maintien de l’apprentissage acquis en absence de feedback correcteur et lors de la présentation d’une nouvelle série de stimuli. Cette expérience s’intègre à une recherche plus large, intitulée « Diagnostic Différentiel Dynamique des apprentissages scolaires de l’élève handicapé » (3D-app) financée par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et a été menée en collaboration avec Bernard Lété9. Dans le cadre de cette recherche une batterie informatisée d’évaluation a été construite10. Celle-ci (Image 5) comporte quatre tâches pilotées par ordinateur testant plusieurs fonctions cognitives essentielles aux apprentis lecteurs (Lété et al. 2007-2011).

Image 5: Le logiciel 3D-app (Lété et al. 2007-2011).
Image 5: Le logiciel 3D-app (Lété et al. 2007-2011).

Lors de cette expérience nous avons utilisé un dispositif expérimental différent des dispositifs classiques utilisées pour étudier l’AI (voir chapitre 1). La tâche de détection d’intrus se base elle aussi sur le principe de la présentation successive des séries de stimuli et l’extraction des régularités qui permettront à l’enfant de détecter l’intrus. Les capacités cognitives évaluées avec cette tâche sont : 1/ l'intelligence non verbale (figures géométriques), 2/ un aspect de la capacité visuo-orthographique via les régularités graphotactiques (séquences des lettres formant des non-mots ou des pseudomots), 3/ la discrimination sonore (séquences des notes de musique) et 4/ la discrimination phonologique (syllabes). La tâche, inspirée du paradigme de TAR exposé ci-dessus, se déroule en trois phases : la phase 1 (ci-après ‘Démonstration’) est une exposition des sujets à la tâche avec la présentation de quelques essais suivis de la réponse correcte ; la phase 2 (ci-après ‘Apprentissage’) est la phase d'apprentissage, après la réponse de l’enfant un feedback correcteur est fourni ; la phase 3 (ci-après ‘Transfert’) concerne la capacité de maintien de l'apprentissage acquis sur la phase précédente sur une série constituée de nouveaux essais en absence de feedback correcteur.

Notre hypothèse générale est la suivante : Les capacités à apprendre que nous définissons ici comme la capacité à bénéficier d’un feedback correcteur et à maintenir l’apprentissage en absence de feedback, seront associées au statut langagier et cognitif des enfants (Tomblin & Zhang, 2004). Plus précisément, nous faisons l’hypothèse que les enfants TnSL qui présentent des troubles langagiers accompagnés d’un niveau d’intelligence non verbale faible présenteront de difficultés en AI. Pour étudier le rôle de l’intelligence non verbale et du statut langagier nous allons comparer des enfants TnSL à des enfants avec retard mental léger (RM) ainsi qu’à des enfants contrôles au développement normal du langage (DNL) appariés en âge lexique aux deux autres groupes. Nous avons effectué une première expérience pilote (pré expérimentation) dont l’objectif principal était de tester le logiciel et la tâche auprès des enfants scolarisés en CLIS et des enfants TnSL ; nous n’avons pas utilisé de groupe contrôle. Un an plus tard, après avoir effectué des améliorations sur le logiciel, nous avons effectué l’expérience principale en comparant un groupe d’enfants scolarisés en CLIS (groupe CLIS) à des enfants contrôles (groupe DNL) appariés en âge lexique. Lors de l’expérimentation nous avons effectué la comparaison inter-groupes TnSL vs RM vs DNL afin de tester notre hypothèse générale.

Notes
9.

http://recherche.univ-lyon2.fr/emc/146-ANR-Handicap-3D-app.html pour une présentation du projet. Nous remercions Bernard Lété qui nous a permis d’intégrer ce projet de recherche et de bénéficier de la logistique mise en place.

10.

Les tâches informatisées ont été réalisées par Laurent Bergerot et Stéphane Argon (LEAD, Université de Bourgogne).