5.1.3 Discussion

L’objectif de cette étude pilote était l’évaluation de la tâche de rappel et de la tâche de reconnaissance de stimuli visuospatiaux auprès des enfants pour lesquels elle a été conçue. Pour cela nous avons étudié une cohorte d’enfants scolarisés en CLIS présentant des déficits cognitifs, langagiers et/ ou psychoaffectifs (sans les différencier en fonction de leur pathologie spécifique). Nous avons choisi ce groupe car dans l’expérimentation nous étudierons également un groupe d’enfants avec retard mental léger, afin de pouvoir étudier le rôle du profil cognitif non verbal dans les capacités de mémoire visuospatiale. Nous avons également étudié un groupe d’enfants TnSL, groupe cible de cette étude. Globalement, nous avons obtenu le même pattern de résultats chez les deux populations, CLIS et TnSL, En conséquence, nous allons discuter les résultats globalement pour les deux populations, même si, l’objectif de cette expérience était simplement de voir comment les enfants, avec retard mental et avec troubles du langage, vont se comporter face à la tâche, et non pas à les comparer entre eux. Ceci sera l’objectif de l’expérimentation qui suivra (voir ci-dessous).

Les résultats obtenus dans la tâche de rappel immédiat, auprès de l’ensemble des enfants CLIS et des enfants TnSL, vont globalement dans la direction de nos hypothèses. En effet, les items qui comportent peu de jetons (ex. 2 jetons) sont plus faciles à mémoriser que les items avec plusieurs jetons et les items en dispersion concentrée génèrent plus de réponses correctes que les items en dispersion diffuse. Plus particulièrement, nous avons observé que les enfants réussissent bien lors de la présentation de 2 ou 3 jetons peu importe quelle que soit leur dispersion (concentrée ou diffuse). Dans ces conditions (2 ou 3 jetons en dispersion concentre ou diffuse) les deux groupes d’enfants obtiennent de scores très élevés voir plafonds (groupe TnSL). Lorsque on présente des items avec 4 jetons le taux des réponses correctes baisse autant pour les items en dispersion concentrée que diffuse. La présentation des items avec 4 jetons en dispersion diffuse génère une baisse encore plus importante du taux de réussite lorsque l’enfant essaye d’évoquer l’image en se rappelant des localisations. La baisse du taux des réponses correctes lors de la présentation des items avec un nombre plus important des jetons dans une dispersion diffuse pourrait s’interpréter par des limites dans le stockage des informations dans le calepin visuospatial. Cependant, l’absence de groupe contrôle ne nous permet pas de savoir si ces limites sont spécifiques aux enfants avec troubles verbaux et non verbaux. Cette question sera discutée lors de l’expérimentation qui suivra.

Pour la tâche de reconnaissance, nous avons fait l’hypothèse que les enfants auront plus de difficultés à reconnaitre une réponse identique à la cible, puisque ils doivent traiter non seulement l’emplacement des jetons mais aussi le nombre. En revanche, la reconnaissance d’une réponse erronée, notamment dans la condition différent emplacement, serait plus facile. On rappelle que dans la condition différent emplacement tous les jetons (2 ou 4) étaient mal placés, ce qui fait que l’enfant peut facilement détecter que les deux images de Mahiti ne sont pas similaires (cible et réponse Spanki). Nous avons également fait l’hypothèse que l’enfant aurait plus de difficultés à détecter une réponse erronée à cause du nombre, condition qui implique aussi un encodage verbal (différent nombre) qu’à cause de l’emplacement des jetons, condition qui implique un encodage visuospatial (différent emplacement). Dans la condition de 2 jetons (différent nombre > différent emplacement), les résultats obtenus vont dans le sens inverse par rapport à notre hypothèse. En effet, dans la condition 2 différent nombre, (l’enfant observe au départ 2 jetons et ensuite dans la réponse de Spanki seulement 1 jeton est bien placé) l’enfant a pu reconnaître facilement qu’il s’agissait d’une réponse fausse. En revanche, dans la condition 4 différent nombre (dans la cible il y a 4 jetons et dans la réponse Spanki 3 jetons correctement placés), les réponses des enfants autant du groupe CLIS que du groupe TnSL vont dans le sens de notre hypothèse (différent emplacement > différent nombre). Enfin, toujours dans le cas des items avec 4 jetons, les enfants présentent autant de difficultés à reconnaitre l’absence d’un jeton (condition différent nombre) qu’à reconnaitre une réponse correcte (condition identique). Cette dernière observation semble suggérer que la reconnaissance du nombre des jetons surtout dans les items avec plus de 3 jetons mobilise des capacités verbales en plus des capacités visuospatiales et cela influence de manière négative les performances des enfants.

La pré-expérimentation nous a permis de nous renseigner sur le niveau des performances des enfants CLIS et des enfants TnSL dans une tâche de rappel et une tâche de reconnaissance. Les résultats obtenus seront approfondis avec l’expérimentation, nous permettant de étudier l’effet des capacités verbales et non verbales dans les capacités en mémoire visuospatiale, en incluant des enfants au développement normal du langage.

Une remarque importante quant à la pré-expérimentation est que le rappel des items avec 2 ou 3 jetons étaient pour la plupart des enfants deux conditions faciles. Dans les deux phases, nous avons obtenus des scores très élevés, voire des scores plafonds pour les petites séquences. De plus, dans la tâche de rappel, ces deux conditions ne se distinguent pas entre elles. Pour ces raison, lors de l’expérimentation nous avons changé le matériel, proposant des items avec un plus grand nombre de jetons, 3, 4 et 5 jetons dans la tâche de rappel, et 3 et 5 jetons dans la tâche de reconnaissance.