6.3.4 Conclusion

Cette troisième étude avait comme objectif d’étudier les facteurs qui peuvent différencier les enfants TSL quant à l’apprentissage ultérieur de la langue écrite. Dans cette perspective, nous nous sommes posés trois questions : 1/ est-ce que les enfants TSL indépendamment de leur niveau en langage oral présentent des déficits en lecture et en orthographe ?, 2/ est-ce que la sévérité des troubles en langage oral se reflète dans le niveau des performances en langage écrit (lecture et orthographe) et 3/ est-ce que les performances en MdT phonologique se reflètent dans le niveau des performances en langage oral et en langage écrit. Pour étudier ces questions, nous avons comparé des enfants TSL à des enfants TnSL ainsi qu’à des enfants ayant un historique des troubles du langage (TSL-r).

Pour la première question, les résultats obtenus ont réussi à montrer que les trois groupes présentent des faibles performances en orthographe indépendamment de leur niveau de langage oral. En revanche, en lecture les résultats ont montré que les enfants du groupe TSL-r présentent des scores normaux pour leur âge chronologique à l’opposé des enfants TSL et des enfants TnSL qui eux présentent en lecture de mots en contexte des déficits importants. Par rapport à la deuxième question, les analyses ont mis en évidence des différences entre les trois groupes. Plus particulièrement, en orthographe les enfants des groupes TSL-r et TSL ne se distinguent pas, mais tous les deux obtiennent des scores significativement supérieurs aux scores des enfants TnSL. En revanche, en lecture, les enfants TSL-r ont obtenu des scores significativement supérieurs aux enfants TSL, tandis que les groupes TSL et TnSL ne se distinguent pas entre eux. Toutefois, il s’avère important de rappeler ici que les enfants TnSL sont de 2 ans plus âgés que les enfants TSL et les enfants TSL-r.

Enfin, concernant la troisième question l’évaluation des performances des trois groupes en langage oral a révélé que les enfants TSL-r ne présentent aucune difficulté en métaphonologie (suppression et fusion de phonèmes) et en expression morphosyntaxique et aussi que leurs performances sur ces deux aspects se distinguent significativement de celles des deux autres groupes. A l’opposée des enfants TSL-r, les enfants TSL et TnSL présentent des scores significativement inferieurs à la norme sur trois épreuves de langage oral (suppression de phonèmes, fusion de phonèmes et expression morphosyntaxique). Cependant, les deux groupes d’enfants TSL et TnSL ne se distinguent pas de manière significative entre eux sur les épreuves de langage oral. Ces résultats suggèrent que la persistance des troubles langagiers constitue un facteur prédictif important des compétences ultérieures en langage écrit, corroborant les données de la littérature anglo-saxonne (voir Bishop & Adams, 1990 ; Stothard et al. 1998 ; Scarborough & Dodrich, 1990). Les enfants du groupe TSL-r présentent de bonnes performances en lecture et des performances supérieures aux deux autres groupes en orthographe. Bien que la ‘résolution’ des troubles langagiers soit un facteur prédictif, il n’est pas suffisant pour mesurer la variabilité des performances ultérieures en lecture et en orthographe chez les enfants dont les troubles du langage persistent. L’étude des performances en MdT phonologique chez les enfants TSL et TnSL a révélé une différence significative entre eux lors d’une tâche de répétition de pseudomots. Les enfants TSL ont présenté des performances significativement supérieures aux enfants TnSL dans cette tâche. En revanche, les deux groupes ne se distinguent pas en répétition de chiffres à l’endroit, qui mesure les capacités de stockage dans la mémoire à court terme. Finalement, l’utilisation de cette tâche n’a pas été très informative dans aucune des trois études effectuées. Au contraire, la tâche de répétition de pseudomots a réussi à mettre en évidence deux profils d’apprentis lecteurs différents pour les enfants TSL et TnSL. Les enfants qui présentent les performances les plus faibles en lecture et en orthographe présentent les performances les plus faibles en MdT phonologique également. Ce résultat est en accord avec les résultats d’études effectuées auprès d’enfants TSL anglo-saxons qui montrent que les enfants avec de meilleures performances en répétition de pseudomots, présentent aussi de meilleurs scores en langage oral et écrit (voir Conti-Ramsden & Durkin, 2007).

A la lumière de ces résultats, nous concluons que la persistance des troubles langagiers constitue un premier facteur dans la différenciation des enfants avec troubles du langage quant à l’apprentissage de la langue écrite. Pour les enfants présentant des difficultés en langage oral qui persistent au cours des premières années de scolarisation, les capacités en MdT phonologique semblent pouvoir expliquer les différences observées dans le niveau des compétences en lecture en et écriture. Les enfants qui présentent des déficits majeurs en répétition de pseudomots sont en risque plus élevé de difficultés en langue écrite que les enfants qui présentent un retard en répétition de pseudomots. Toutefois, ces deux groupes même s’ils se distinguent de manière significative dans leurs performances en langage écrit, lecture et orthographe, présentent des déficits en lecture et en orthographe, d’où la nécessité d’une évaluation précoce de leurs capacités en MdT phonologique en plus de l’évaluation de leurs compétences en langage oral et en conscience phonologique.