6.4 Conclusion de l’étude 4 

Dans le cadre de ce chapitre, nous avons étudié 1/ l’effet de l’apprentissage de la langue écrite sur les troubles précoces en langage oral et 2/ l’effet des troubles précoces en langage oral dans la sévérité des difficultés en langage écrit. Globalement, les deux premières études ont montré que les enfants porteurs du diagnostic des TSL améliorent certains aspects du langage oral (au cours d’une année scolaire). Ces aspects varient pour chaque enfant, mais globalement les enfants TSL semblent améliorer leurs compétences métaphonologiques et lexicales tandis que les enfants TnSL, continuent à présenter des retards sur ces aspects et des déficits importants sur leurs compétences morphosyntaxiques. Les études réalisées confirment également que les enfants TSL sont en risque important de présenter des déficits lors de l’apprentissage de la langue écrite, et particulièrement en orthographe même s’ils présentent des compétences dans la norme dans des épreuves métaphonologiques (groupe TSL). Ces résultats sont compatibles avec des résultats déjà anciens obtenus par Billard, Loisel, Gillet et Ballanger (1989) qui ont examiné 24 dysphasiques de plus de 9 ans. Ces auteurs ont montré que seulement 4 enfants étaient bons lecteurs (mais avec retard), 10 avaient un niveau de lecture équivalent à un enfant de 7 ans et 10 étaient non-lecteurs. Les difficultés observées concernent essentiellement l’utilisation des règles de correspondances graphème-phonèmes. Les auteurs signalent toutefois le rôle important de l’environnement pédagogique et de la prise en charge thérapeutique dans l’amélioration des performances en lecture. L’étude de De Becque, Blot, Durand et al. (1990) met en évidence une amélioration du pronostic en langage oral et en langage écrit avec une prise en charge pédagogique spécifique et intensive. Ce constat a conduit très tôt à la mise en place en France de situation d’aide spécifique par certaines structures comme en témoignent les travaux déjà anciens de Billard, Loisel, Gillet et Boineau (1991).

Nos études ont également mis en évidence que les enfants TSL diffèrent dans le profil et dans la sévérité des troubles en langage oral, dans la persistance de leurs troubles langagiers ainsi que dans la sévérité des troubles en langage écrit. Ces résultats s’inscrivent dans un vaste ensemble d’observations faisant état de l’hétérogénéité qui caractérise cette population. Billard et al. (1996) parlent des dysphasies de développement remarquant que si certains symptômes sont constants (atteinte de la phonologie et de la syntaxe en expression et les troubles auditivo-perceptifs en réception) d’autres symptômes sont propres à chaque enfant.

Les résultats expérimentaux de la troisième étude montrent une autre forme de variabilité qui affecte la population d’enfants TSL liée à la persistance des troubles en langage oral et la sévérité des difficultés en MdT phonologique durant les premières années de scolarisation de l’enfant. L’évolution du langage oral est variable et les effets de l’apprentissage de la lecture sur cette évolution sont également variables. La réussite des enfants dans l’apprentissage de la langue écrite, et notamment dans la lecture et dans l’orthographe de mots isolés est également variable. Enfin, nous avons confirmé que les compétences non verbales et les compétences en MdT phonologique des enfants porteurs du diagnostic des TSL jouent un rôle dans leurs compétences en lecture et en écriture. Depuis une vingtaine d’années, un trouble de la mémoire phonologique a souvent été évoqué chez les enfants SLI. En France, Gillet, Vigreux, de Becque et Billard (1995) se sont intéressés à l’évaluation de la mémoire phonologique qui joue un rôle important dans l’apprentissage du langage écrit.

En résumé, les trois études que nous avons réalisées ont permis de mettre en évidence trois résultats. Le premier est que peu importe le profil et de la sévérité des troubles en langage oral ou leur niveau de compétences non verbales, les enfants TSL francophones présentent un risque très important de déficits ultérieurs en orthographe. Le décalage entre les deux compétences, orthographe et lecture de mots isolés, est à la fois dû à la complexité de la tâche d’orthographe et à l’opacité de la langue française en écriture (Seymour et al. 2003). Deuxièmement, nous avons réussi à mettre en évidence que certains enfants TSL récupèrent progressivement et présentent un bon niveau en langage oral sans difficultés particulières et similaire à celui des enfants au développement normal du langage. Même s’il s’agit d’une récupération ‘illusoire’ comme certains auteurs le soutiennent, néanmoins ces enfants semblent avoir un meilleur pronostic relatif au développement des compétences en langage écrit (voir Scarborough & Dodrich, 1990). Une troisième constatation est que les enfants TSL présentent de déficits importants en MdT phonologique lors d’une tâche de répétition de pseudomots. Ainsi, nos études confirment auprès d’enfants francophones les résultats d’un grand nombre d’études déjà réalisées par de nombreuses équipes ainsi que les travaux existants sur ce thème en français (voir Parisse & Mollier, 2008).

La grande faiblesse de ces trois études est assurément le nombre limité des participants (de 11 à 30 enfants). Ceci nous a limité dans notre tentative de catégorisation en clusters des enfants, analyse qui nous permettrait éventuellement de répondre plus catégoriquement à la question actuelle de la recherche des facteurs qui différencient les enfants TSL avec des bonnes performances en lecture et en orthographe des enfants présentant des déficits. Incontestablement, les liens entre les troubles du langage oral, les déficits en mémoire phonologique de travail et les difficultés ultérieures en langage écrit sont des liens complexes et réciproques qui méritent d’être étudiés de manière approfondie par des études supplémentaires incluant un plus grand nombre d’enfants TSL.