Les socialistes

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, le socialisme commençait à revendiquer la mémoire de Jeanne ; non seulement elle appartenait au peuple, Jeanne est aussi sensible aux malheurs qui s'abattent sur lui, elle a pris part à sa souffrance et a lutté pour mettre fin à sa misère. Lucien Herr, bibliothécaire de l'École normale supérieure, a écrit en 1890, sous le pseudonyme de Pierre Breton, un article intitulé « Notre Jeanne d'Arc »‘ , ’ dans lequel il a démontré qu'au moment où tous l'ont abandonnée, seul le peuple lui est resté fidèle34. D'ailleurs, en insistant sur la révolte contre le Mal comme origine de la mission de Jeanne, Charles Péguy, dans ses premières années de militant socialiste, a composé en 1897 sa première ‘ Jeanne d'Arc ’, dédiée « à toutes celles et à tous ceux qui seront morts de leur mort humaine pour l'établissement de la République socialiste universelle ». Contrairement à cette première œuvre qui n'a pas rencontré beaucoup de succès, le ‘ Mystère de la charité de Jeanne d'Arc ’, composé en 1910, nourri de méditations, de prières, et surtout des réponses chrétiennes au problème du Mal marquant ainsi le retour de l'auteur à la foi, a bénéficié d'une attention particulière dans les milieux catholiques traditionnalistes puisqu'ils y voyaient une contre-attaque au livre d'Anatole France, La Vie de Jeanne d'Arc ’, paru en 1908, qui limitait l'acte de Jeanne à la mesure humaine en y diminuant la part du surnaturel et en mettant l'accent sur le rôle psychologique que Jeanne a joué dans le rassemblement du courage et des forces des troupes. Quant à la question des voix, elle est expliquée chez France par une conséquence d'hallucinations mystiques.

Ainsi, tout au long de l'histoire, le culte de Jeanne a varié entre catholiques Royalistes et Républicains ; il a servi d'argument pour soutenir la thèse d'un camp et attaquer les prétentions du camp adverse.

Notes
34.

Ibid ’., p. 706.