3. Structure et contenu de l'étude.

Comme la théorie de la régulation est une analyse de la dynamique des institutions, notre recherche se déroulera, du point de vue thématique, en suivant des étapes incontournables.

Il s’agit, pour commencer, de « périodiser » les formes institutionnelles, en les repérant à travers une analyse historique de leur apparition. Le choix des périodes de l’analyse est toujours un point délicat11. Bien que discontinuités politiques et économiques ne coïncident pas nécessairement, il semble qu’il faille, dans le cas particulier de l’Algérie, privilégier les premières sur les secondes lorsqu’on se propose d’opérer une périodisation du régime de croissance12. Il s’ensuit que la périodisation que nous proposons se présente comme une succession de deux stades (ou phases) durant lesquels la structure fondamentale du système, fondée sur la rente, est conservée. Cette périodisation fixe les bornes entre lesquelles le régime d’accumulation rentier a pu modifier sa physionomie (sa morphologie) sans altérer ses structures13. De ce qui précède, il est aisé de déduire les deux périodes essentielles auxquelles nous faisons référence : celle qui va du début des années 70 jusqu’à la fin des années 80 et qui correspond à la phase « volontariste-étatiste » de la trajectoire économique nationale, et celle qui commence à partir de la décennie 90 et qui annonce un changement de cap dans cette même trajectoire.

Une fois la question de la périodisation réglée, il faudra veiller à expliciter la logique de fonctionnement de chacune des composantes de l’ensemble institutionnel puisque, pour la théorie de la régulation, chaque forme institutionnelle porte en elle une certaine logique et façonne, en conséquence, le comportement des acteurs.

Après une vérification des caractéristiques des régulations partielles (formation des salaires, des prix, des taux d’intérêt, du taux de change, …), il faudra examiner la cohérence de la dynamique d’ensemble qu’impulsent ces institutions. Pour la TR, chaque régime d’accumulation et mode de régulation finissent par buter sur une crise structurelle. Ici, la tâche consiste à cerner à la fois les facteurs de déstabilisation en faisant la part des facteurs réputés exogènes à ce stade de l’analyse et les évolutions des paramètres du mode de régulation qui s’inscrivent dans la continuité.

Dans une ultime étape, l’analyse portera sur les stratégies et les conceptions contradictoires de sortie de crise. Très souvent, ces stratégies ne trouvent leur aboutissement qu’à travers l’intervention du politique et la codification juridique des nouvelles formes institutionnelles. Cet aspect, qui relève davantage de la pratique courante que de l’interprétation scientifique, est essentiel pour la compréhension des blocages auxquels est généralement confronté tout processus de sortie de crise.

Des étapes thématiques décrites précédemment nous déduisons la structure qui suit.

L’étude sera scindée en deux parties. La première partie, qui sera intitulée « Rente et développement économique  le débat et l’héritage », comportera deux chapitres tandis que la seconde partie, intitulée « Le régime d’accumulation rentier à l’épreuve du marché », en comportera trois.

L’étude sera donc articulée autour de cinq chapitres au total.

Le premier, dont l’intitulé est « Rente externe et accumulation du capital : éléments du débat », sera consacré à un bref rappel des termes du débat autour de la problématique de l’accumulation du capital à partir d’une rente externe. Nous y évoquerons la théorie dominante dite du « Dutch Disease » ou « syndrome  hollandais », montrerons l’apport de la théorie de la régulation à l’analyse des régimes d’accumulation à l’œuvre dans les PVD, et consacrerons enfin un examen particulier au cas du régime rentier.

Dans le deuxième chapitre, intitulé  « Le projet étatiste de développement ou l’héritage volontariste », il sera question d’examiner les effets pervers de l’usage politique de la rente externe sur la dynamique d’accumulation du capital en Algérie. Il s’agira, plus précisément, de tirer des enseignements de l’expérience volontariste vécue en Algérie jusqu’au début des années 90. Nous y traiterons du statut « officiel » de la rente pétrolière dans le modèle de développement, mettrons en évidence les blocages auxquels a été confrontée la reproduction interne, et décrirons les mécanismes économiques ayant conduit à la perversion du modèle d’accumulation. Ce retour sur l’héritage volontariste a pour but de revenir sur la question de l’assujettissement de la sphère économique à la sphère politique, au travers la caractérisation des configurations concrètes des formes institutionnelles générées par la pratique volontariste.

Le troisième chapitre est intitulé « De nouveaux arrangements institutionnels, mais des performances économiques mitigées ». Il aura pour objet une description préalable des changements institutionnels qui se sont produits dans le sillage de la libéralisation entamée au lendemain de la crise de 1986. Cette description sera suivie de l’étude de l’impact des mesures de réformes structurelles sur les performances économiques globales du pays.

Le quatrième chapitre a pour titre « Le régime d’accumulation à l’épreuve du marché ». Il y sera question d’examiner l’impact des nouvelles configurations institutionnelles, instituant en fait un nouveau mode de régulation, sur le régime rentier d’accumulation. Les questionnements y porteront particulièrement sur la compatibilité des régulations partielles ainsi que sur l’aptitude du mode de régulation à générer et piloter une nouvelle dynamique d’accumulation fondée davantage sur les activités productives.

Le cinquième et dernier chapitre, qui s’intitule « Problématique du changement institutionnel en Algérie », sera consacré à un essai de formulation d’une problématique de changement institutionnel, compte tenu des spécificités du régime d’accumulation à l’œuvre dans le pays. Bien que délicat, un tel exercice s’avère nécessaire, notamment au regard du caractère pour le moins chaotique de la trajectoire suivie par le pays en matière de politique économique durant ces deux dernières décennies.

Notes
11.

Ainsi, dire par exemple qu’en Algérie, la décennie 70 est marquée par l’émergence d’un régime d’accumulation rentier, c’est oublier que la période précédente était caractérisée par un autre régime rentier, bien que de nature différente puisqu’il s’agit du type agricole.

12.

Ce qui revient, évidemment, à adopter implicitement l’hypothèse du primat du politique sur l’économique.

13.

Il convient par ailleurs de remarquer que la périodisation ici proposée peut laisser supposer que la régulation fonctionne comme un simple dispositif permettant l’adaptation du régime aux nouvelles conditions. Nous reviendrons plus amplement sur cet aspect ultérieurement.