Chapitre I : Rente externe et accumulation du capital : éléments du débat.

Introduction

Lorsque l’on évoque la situation économique qui prévaut dans les pays exportateurs de pétrole, le constat est presque partout le même : en dépit des énormes capacités d’importer dont ils disposent, on note une régression absolue de l’activité dans le secteur non pétrolier de l’économie, notamment dans l’agriculture, une faible productivité de la production industrielle, une polarisation croissante des ventes à l’extérieur sur le pétrole, une tendance à la « pétrolarisation » du budget de l’Etat, … bref, on assiste, dans ces pays, à une véritable intoxication pétrolière 15 , source d’innombrables effets pervers sur la dynamique interne des processus d’accumulation. Pourquoi les pays pétroliers s’appauvrissent-ils donc à la source même de leur richesse ? L’interprétation dominante du phénomène se ramène, pour l’essentiel, au modèle du Dutch Disease16 (section 1). La théorie de la régulation, en insistant sur le rôle des agencements institutionnels dans l’évolution des structures productives, apporte un éclairage différent à la question (section 2). Enfin, tout en restant dans le cadre méthodologique de la théorie de la régulation, les caractéristiques spécifiques du régime rentier d’accumulation, à l’œuvre notamment dans les pays exportateurs de pétrole, justifient un examen particulier (section 3), étayé par certains faits observés (section 4).

Notes
15.

L’expression est de C. Ominami (1986). Le terme de « pétrolarisation » (ou « pétrolisation ») peut être considéré comme équivalent à celui de Dutch Disease, ce dernier ayant cependant une portée beaucoup plus large puisqu’il fait référence aux situations qui découlent de l’exportation d’autres produits de base.

16.

Cette théorie sert présentement de grille de lecture à de nombreux économistes, ainsi qu’à la Banque Mondiale et au FMI pour expliquer la « désindustrialisation » des pays développés ou en développement, ayant connu des chocs externes positifs.