c) Inefficiences en matière de répartition du revenu national.

Le mécanisme de formation des prix décrit précédemment est à l’origine d’un processus de concentration des revenus dans le secteur privé. Explicitons brièvement le déroulement de ce processus.

Dans le secteur d’Etat, il y a un décalage entre les revenus distribués et la productivité. Ce décalage a pour effet un déséquilibre entre la production et la demande. Dans les faits, ce déséquilibre se résorbe ex-post de plusieurs manières, dont :

Schématiquement, on se retrouve donc dans une situation où le secteur d’Etat distribue des revenus de manière disproportionnée à sa productivité. Le déséquilibre entre la production et la demande fait que ces revenus, loin de soutenir le pouvoir d’achat des salariés, sont « pompés » par le secteur privé à travers des augmentations de prix ou le marché noir et ce, d’autant plus que le secteur privé est essentiellement présent dans des activités directement liées à la consommation finale70.

La présence du secteur privé dans ce type d’activité obéit à une logique marchande. En effet, une telle présence lui permet de tirer profit pour ses inputs des rigidités du système de prix à la production du secteur d’Etat ainsi que du taux de change. Elle lui permet également de tirer profit du prix de l’output en suivant les tendances du marché parallèle (Ighilahriz, 1991).

Outre qu’il permet au secteur privé –industriel et commercial –de réaliser des marges importantes, le déséquilibre sur le marché des biens et services est, comme nous l’avons vu, à l’origine d’un secteur informel. Ce dernier génère, à l’instar du secteur privé « légal », d’importants revenus.

Entretenue par une émission monétaire en disproportion avec la PIB, cette situation provoque une concentration des revenus de plus en plus forte. Face au resserrement de l’offre de biens d’équipement et de la consommation finale, cette épargne fait souvent l’objet de divers placements : immobilier, équipements durables, placements à l’étranger…etc.

Les données du tableau ci-dessous illustrent la prédominance de plus en plus accrue des revenus parallèles et des transferts à l’étranger.

Tableau n° 2.1 : Evolution des principaux revenus (En milliards de DA).
  Salaires
Profits
Revenus parallèles
Epargne transférée en cumul
1974
1979
1983
16.7
46.0
88.6
9.0
20.0
32.4
5.0
34.6
49.6
3.15
24.50
51.15
1984
1986
1988
    49.2
85.0
116.6
58.0
72.0
87.0
Evolution
1983-1974

x 5

x 3.5

x 10

x 17

Source : A. Henni (1991), cité par S. Gouméziane (1994).

Les données du tableau font ressortir des évolutions très significatives. Ainsi, en moins de dix ans, les salaires ont été multipliés par 5 et les profits par 3.5, alors que, pendant la même période, les revenus parallèles et les transferts invisibles vers l’extérieur l’ont été respectivement par 10 et par 17.

Notes
70.

Quand les revenus distribués ne trouvent pas, ce qui est souvent le cas, à s’utiliser dans la période, ils sont épargnés (épargne forcée) ; ce qui ne les empêche pas de se retrouver dans le même circuit dans les périodes ultérieures.