3.2.2. Un secteur industriel en déclin.

Si l’on caractérise la crise par le ralentissement général de l’accumulation, repérable par le ralentissement de la croissance du produit industriel, on doit alors observer que cette crise perdure depuis au moins deux décennies.

Dans le secteur public industriel, le marasme est manifeste. En termes réels, celui-ci s’exprime par une baisse continue et ininterrompue de la production industrielle, comme le montrent les données du tableau ci-dessous.

Tableau n° 3.20 : Evolution de la production industrielle (1990-2008) (Indice 100 en 1989).
  1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998
Industrie hors hydrocarbures
101.2

96.9

92.0

91.2

84.4

82.9

73.6

68.9

75.6
Industries manufacturières
100.9

95.7

89.7

88.2

80.3

78.9

68.3

63.1

69.0

(Suite tableau n° 3.20)

1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

75.1

74.7

74.8

74.8

73.8

74.4

74.6

74.4

72.0

76.3

67.7

66.7

66.2

65.2

62.9

62.0

60.0

58.7

54.7

52.8

Source : ONS et Banque d’Algérie.

Ainsi, en 2007, la production des industries manufacturières ne représente plus qu’un peu plus de la moitié de celle de 1989. Selon A. Benachenhou (2009), durant l’année 2006, l’industrie hors hydrocarbures a produit, en termes constants, pratiquement la même valeur que celle produite en 1983.

Par branche industrielle, l’évolution de la production a été comme suit :

Tableau n° 3.21: Evolution de la production industrielle par branche (Indice 100 en 1989).
  1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2007
ISMME 99.6 85.5 68.2 58.4 53.1 56.7 67.0 74.7 71.5 66.9
Mat const. 98.6 102.8 86.2 93.8 93.4 96.6 104.7 106.7 108.5 109.3
Chimie caoutch 97.2 77.3 94.3 75.0 93.2 96.6 88.8 77.7 79.7 63.8
Agroalimentaire 101.5 95.1 96.4 85.0 95.4 85.5 60.6 40.5 32.0 30.1
Textiles 105.1 102.4 82.5 53.3 48.1 33.5 29.6 24.7 21.2 17.3
Cuirs et chauss. 107.1 61.8 53.5 29.3 22.4 16.0 13.0 13.9 9.2 7.7

Source : ONS.

A l’exception des industries sidérurgiques, métalliques, électriques (ISMME) et des matériaux de construction, toutes les autres branches industrielles ont connu des baisses continues de production.

Si l’on prend le critère du taux d’utilisation des capacités de production installées, les données statistiques par branche d’activité font ressortir, sur une période assez longue (1989-2004), une nette tendance à la baisse et une sous utilisation structurelle des capacités. Seules la branche « Hydrocarbures » et, à un degré moindre, la branche « Matériaux de construction », font exception.

Tableau n° 3.22 : Evolution du taux d’utilisation des capacités de production par branche d’activité (1989- 2004).
  1989 1990 1991 1992 1993 1994
Hydrocarbures 71.9 71.9 77.6 78.5 79.2 73.4
Mines et carrières 69.5 69.5 64.4 67.6 53.6 53.9
ISMME 54.3 54.3 51.0 46.6 39.9 36.0
Mat. Construction 64.1 64.1 68.4 71.6 62.4 58.5
Chimie 49.2 49.2 41.8 34.1 35.0 42.8
Agro-alimentaire 77.5 77.5 75.5 70.2 73.1 68.9
Textiles 52.0 52.0 49.7 59.6 59.6 53.8
Cuirs, chauss. 59.0 59.0 47.7 35.7 29.8 45.6
Bois, liège 41.4 41.4 33.2 29.5 36.5 31.7

(Suite tableau n° 3.22)

1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004
74.1 77.5 89.8 90.2 96.8 98.4 99.8 100 100 93.2
54.7 52.7 48.3 47.8 46.1 47.3 51.6 55.3 56.2 55.5
37.6 34.0 27.4 30.1 31.4 32.1 35.5 43.3 49.3 50.1
56.9 59.7 58.8 61.3 57.8 61.9 64.2 69.0 64.5 70.1
45.1 39.0 39.4 44.2 49.1 52.2 54.4 46.4 38.1 38.5
65.2 64.3 70.1 73.6 78.9 64.8 54.0 55.3 44.2 39.3
45.3 33.2 34.0 36.3 29.9 26.4 28.6 34.5 34.3 29.7
33.9 24.0 23.9 30.4 16.2 15.6 14.7 12.1 10.7 12.9
27.5 21.5 21.4 37.5 36.1 33.3 25.4 19.2 18.7 20.7

Source : ONS.

En partant des comptes de production et d’exploitation par secteur d’activité fournis par l’ONS (Office National des Statistiques), A. Amarouche (2006) a calculé, sur la période 1989 - 2003, les surplus domestiques par branche d’activité et par secteur juridique, surplus qui, note l’auteur, fournissent une indication sur l’évolution des capacités d’accumulation dans le pays*.

Accès à la note* :

Des données obtenues, regroupées dans un tableau162, l’auteur tire quelques résultats forts significatifs.

Ainsi, outre le fait que certaines branches d’activités industrielles enregistrent un surplus négatif sur une plus ou moins longue période (ISMME de 1996 à 2001, Textile et confection de 1993 à 2003) et que le surplus des autres branches est insignifiant comparé à leurs poids respectifs dans la matrice des activités productives et eu égard au nombre de salariés qu’elles emploient, la structure du surplus industriel indique que le poids du surplus hors hydrocarbures n’a jamais dépassé les 35 % du surplus industriel total (voir tableau n° 3.23 ).

Tableau n° 3.23 : Structure du surplus industriel (1989-2003).
  1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996
Surplus industriel total (milliards de DA, prix courants)
dont :

101

166

301

356

327

436

658

926
- Secteur public 77 130 245 288 249 371 509 727
- Secteur privé 24 36 56 68 78 65 149 199
Part (en %) du surplus indust. hors hydrocarb.
dont :

35

32

26

33

34

33

30

26
- Secteur public 11 11 07 14 11 10 11 07
- Secteur privé 24 21 19 19 23 23 19 19

(Suite tableau n° 3.23)

  1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
Surplus industriel total
dont :
1076 901 1142 1946 1826 1914 2346
- Secteur public 840 625 829 1547 1373 1369 1722
- Secteur privé 236 276 313 399 453 545 624
Part (en %) du surplus industriel hors hydrocarbure, dont 17 36 32 22 27 30 27
- Secteur public 05 08 07 05 06 06 06
- Secteur privé 12 28 25 17 22 23 21

Source : Amarouche (2006).

Par ailleurs, et concernant le secteur public industriel, la baisse de la part de ce dernier dans le surplus total (de 11 à 06 % entre 1989 et 2003) illustre la profonde crise dans laquelle se débat ce secteur.

Le déclin du secteur public s’exprime aussi au travers de la baisse de sa contribution en termes d’emplois. En 2007, les entreprises publiques industrielles et commerciales ne représentent que 03 % de l’emploi total.

Sur le plan financier, et en dépit des multiples restructurations et mesures d’assainissement dont il a fait l’objet durant la période 1990-2001163, le secteur public industriel a continué d’accumuler les découverts bancaires. Ces derniers passent, pour l’ensemble du secteur industriel, d’un peu plus de 90 milliards de DA en 1995 à 47 milliards de DA en septembre 2001, après avoir atteint un record en 1996, de 109 milliards de DA (Adli, 2002).

Tableau n° 3.24 : Découvert bancaire des entreprises publiques (1992-2001) (En Mds de DA).
  1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001
Découvert bancaire +8 -10 -92 -109 -28.4 -18 -23 -34 -47
Base 100=1994 - 100 920 1090 284 180 230 340 470

Source : Notes de conjoncture du Ministère de l’Industrie et de la Restructuration ( http://www.mir-algeria.org ).

La désindustrialisation à laquelle nous assistons dans le secteur public n’a pas été contrebalancée par le secteur privé, en dépit du dynamisme qu’on lui prête et du potentiel qu’on lui attribue habituellement. Essentiellement présent dans les activités naturellement peu ouvertes à la concurrence étrangère (c’est-à-dire, pour reprendre la terminologie de la théorie du dutch disease, le secteur des biens non échangeables) et où les délais de récupération sont très courts, le secteur privé est peu présent dans l’industrie manufacturière, où seulement un tiers (1/3) des entreprises opèrent164. Les chiffres ci-dessous donnent une indication sur la configuration sectorielle de la présence du secteur privé dans l’économie nationale165.

Tableau n° 3.25 : Part du secteur privé dans la valeur ajoutée des différents secteurs (en %).
  1989 1994 2001 2004
Agriculture 99.8 99.1 99.6 99.6
Hydrocarbures 0.0 0.4 4.3 0.8
Indust hors hydroc 25.9 26.5 41.8 39
BTP 35.9 60.7 69.1 73.5
Transport- communic 44 54 76 77
Commerces 77 84.2 93.9 93.6
Services 77.9 85.3 89.9 87.5

Source : ONS.

Ainsi, on observe que la place du secteur dans l’industrie est de plus en plus importante puisque, entre 1989 et 2004, celle-ci passe de 25 % de la valeur ajoutée industrielle à plus de 39 %. Cependant, il semble que cette évolution connaît, ces dernières années, une sorte d’essoufflement166.

Notes
162.

Pour des raisons d’espace, nous n’avons pas jugé utile de le reproduire ici.

163.

De 1990 à 2000, le secteur public a fait l’objet de deux « restructurations », menées respectivement sous l’égide des fonds de participation (1990-1994) et du Conseil national des participations de l’Etat « CNPE » (1995-2000).

164.

Il convient également de remarquer que la présence du secteur privé dans l’industrie manufacturière est essentiellement concentrée dans l’agroalimentaire, les textiles et cuirs.

165.

Il y a lieu de noter que la contribution du secteur privé dans l’économie nationale n’est pas sans lien avec ses caractéristiques en termes de taille et de statut juridique. En effet, le secteur est constitué, pour environ 90 %, de micro-entreprises, et dans la majorité des cas, il s’agit d’entreprises à caractère familial. Ce dernier aspect est important dans la mesure où, très souvent, il permet aux entreprises de bénéficier de conditions pour opérer dans le secteur informel.

166.

Selon des données du Plan, citées par A. Bouzidi dans un article paru dans le quotidien « Le Soir d’Algérie », édition du 30/01/2008, la croissance réalisée par l’industrie privée a été en moyenne de +10 % par an durant la période 1996-2000 alors que, sur la période 2000-2006, elle n’est plus que de 2 % en moyenne annuelle.