En Algérie, la dynamique du changement institutionnel est indissociable du politique. C’est ce dernier qui détermine le contenu et le rythme des changements qui s’opèrent dans le domaine économique et social.
A l’instar des pays à régime d’accumulation rentier, l’Algérie se présente comme un pays où tout changement institutionnel est subordonné à la volonté de l’Etat, espace exclusif de délibération politique. Dans ces conditions, le blocage institutionnel peut être interprété comme une projection, sur le terrain économique, d’une inertie politique qui peine à donner naissance à un nouveau projet à même de libérer, ou du moins favoriser, l’innovation institutionnelle.
Cette hypothèse s’inscrit dans le cadre plus général de la thèse qui postule que l’innovation institutionnelle ne dépend pas des conditions techniques mais de conditions sociales, et qu’en plus, c’est la dynamique institutionnelle qui est à l’origine de l’innovation technique273. Appliquée au contexte d’un pays en voie développement comme l’Algérie, cette thèse conduit cependant à considérer que la question centrale n’est pas tant d’expliquer le changement institutionnel qui s’y produit que d’identifier les entraves qui y le paralysent. Ces entraves sont à rechercher dans divers champs de l’action collective, mais, au regard du caractère rentier du régime d’accumulation à l’œuvre dans le pays, il semble que la forme du régime politique y joue un rôle central.
Dans cette section, il s’agit de dégager quelques éléments d’analyse qui, pour fragmentaires qu’ils soient fatalement dans le cadre limité de cette étude, n’en permettront pas moins de revenir sur une dimension souvent occultée dans les débats sur les réformes structurelles en cours dans le pays depuis maintenant plus de 20 ans : la dimension politique du changement.
La dimension politique, qui n’est pas sans lien avec le mode d’appropriation de la rente pétrolière, peut être appréhendée de différentes manières : comme facteur de blocage, mais aussi de succès, d’un changement institutionnel, succès qui, en l’occurrence, doit être entendu comme le dépassement du caractère rentier du régime d’accumulation.
L’autre thèse établit un lien étroit entre le changement technique et le changement institutionnel. Cette thèse, qui trouve son origine dans la conception de Veblen - l’un des fondateurs de l’institutionnalisme américain - selon laquelle les institutions ne sont pas par elles-mêmes évolutives puisque leur fonction est de générer des rigidités, fera l’objet d’une vérification empirique par l’Ecole historique allemande et sera, plus récemment, reprise par le courant se réclamant de la Nouvelle Economie Institutionnelle (NEI) qui met l’accent quant à elle sur le rôle des nouvelles technologies, à travers les modifications qu’elles induisent dans les prix relatifs des facteurs, dans le changement de la demande d’institutions. Voir à ce propos North (1990, 2005). Comme le soulignent, à juste titre, Peguin et Talha (2002), la thèse du rôle premier du changement technique dans l’enclenchement d’une dynamique de changement institutionnel se heurte cependant à un paradoxe de taille : comment expliquer, en effet, que, parmi les pays en développement, où n’existe pas de secteur porteur d’une dynamique d’innovation technique (secteur assimilé généralement à celui des biens de capital), certains parviennent à sortir de la trappe du sous-développement ; ce qui suppose une transformation institutionnelle de fond, alors que d’autres, au contraire, ne font que s’y enfoncer ? Comment expliquer que, parmi les PVD, certains parviennent à atteindre la frontière technologique, d’autres la dépassent et d’autres encore stagnent, voire régressent ? A l’évidence, un tel paradoxe n’est pas pour conforter cette thèse.