Partie 1 – Le passage de l’oral vers l’écrit chez les personnes en situation d’illettrisme : le rôle de l’explicitation.

Cette première partie a pour but d’explorer le passage du langage oral vers le langage écrit chez les personnes en situation d’illettrisme et de poser, dans ce passage, le rôle de l’explicitation. Notre propos sera découpé en 4 chapitres.

Dans un premier chapitre, nous avons le souci de préciser ce que recouvre la notion d’illettrisme, une notion floue, aux contours mal définis. Nous analyserons dans un premier temps le néologisme « illettrisme » dans une perspective historique. Après avoir défini ce que recouvrait ce néologisme, nous étudierons l’évolution du vocabulaire en matière de lutte contre l’illettrisme. Puis, en nous centrant sur une vision actuelle du phénomène, nous livrerons quelques données chiffrées. Nous nous centrerons ensuite sur les personnes en situation d’illettrisme en montrant qu’elles constituent un public diversifié. Nous traiterons ensuite de l’étiologie de ce phénomène. Enfin, nous ferons un tour d’horizon des pédagogies mises en place auprès de ce public.

Nous nous penchons ensuite, dans un second chapitre, sur les difficultés langagières des personnes en situation d’illettrisme. Il nous apparaît alors que ces personnes ne souffrent pas seulement de difficultés langagières écrites, mais également, de difficultés langagières orales. Les travaux de deux linguistes (Bentolila et Lentin) montrent que ces deux capacités sont liées : le « parler juste » est une condition nécessaire d’un « lire-écrire justes ». Dès lors, il semblerait pertinent, dans un cadre pédagogique, de renforcer les capacités langagières orales des personnes en situation d’illettrisme pour les mener vers l’écrit.

Dans un troisième chapitre, nous nous décentrons de la problématique de l’illettrisme pour aborder le langage oral et écrit dans son aspect développemental. Nous nous appuyons sur les travaux des constructivistes (notamment Piaget et Vygotsky). A travers les recherches de Piaget, il apparaît que l’acquisition du langage oral se déroule d’un égocentrisme initial vers une décentration progressive, ce qui correspond à la position de Bentolila. Ce concept de décentration rejoint l’une des difficultés des personnes en situation d’illettrisme, difficulté que nous avons pointée ci-avant.

Puis nous nous posons la question de la nature du mouvement menant de l’oral vers l’écrit : s’agit-il d’un mouvement qui se réalise dans une rupture entre les deux systèmes ou dans une continuité ? Les constructivistes et les linguistes présentent des positions contrastées par rapport à cette question. Quant à la tension de ce mouvement (ce vers quoi il tend), le passage de l’oral vers l’écrit s’inscrirait dans une logique d’algébrisation, autrement dit de conceptualisation.

Au final, il apparaît qu’un appui oral serait pertinent pour mener les personnes en situation d’illettrisme de l’oral vers l’écrit. Sachant, d’une part que le travail à mener auprès d’elles serait un travail de décentration et de coordination des points de vue, au niveau du langage oral, et que, d’autre part, le mouvement qui mène du langage oral au langage écrit tend vers l’algébrisation, quelle pourrait être la nature de cet appui oral ? Ici réside le cœur de notre problématique.

Le quatrième et dernier chapitre se propose d’apporter une réponse à cette question, réponse qui constitue notre hypothèse de recherche. Au vu des travaux de Piaget et de Vermersch, il apparaît que l’explicitation orale verbale d’actions, qui s’inscrit dans un mouvement de conceptualisation, semble un appui oral pertinent, susceptible de permettre le passage de l’oral vers l’écrit chez les personnes en situation d’illettrisme.