E - La mise en question de l’école.

Les difficultés de lecture de l’enfant ne seraient pas imputables à l’enfant lui-même ou à son milieu familial, mais à l’institution chargée de lui apprendre à lire : l’Ecole.

La mise en question de l’école s’est faite à différents niveaux :

Tout d’abord, les méthodes de lecture ont suscité de vives controverses parmi les chercheurs et les praticiens, notamment entre les tenants d’une méthode analytique et les partisans d’une méthode globale.

D’autres théories ont été émises concernant, non pas la méthode de lecture utilisée en particulier, mais la méthode pédagogique d’ensemble mise en œuvre dans la classe. « Les travaux dont on dispose à ce sujet opposent presque toujours deux types de méthodes pédagogiques. L’un qualifié par les Anglo-Saxons de « traditionnel » ou « formel » et l’autre dit « ouvert » ou « informel ». Ce dernier correspond dans la communauté francophone au courant des pédagogies « moderne », « nouvelle », « active » ou « non directive » »65.

Des recherches se sont par ailleurs intéressées à la corrélation entre les comportements pédagogiques des maîtres en classe pendant les activités de lecture et les résultats obtenus par les enfants dans l’apprentissage de la lecture.

Enfin, des caractéristiques personnelles du maître ont été étudiées, caractéristiques susceptibles de jouer un rôle dans l’apprentissage de la lecture (telles que le style cognitif, l’expérience professionnelle et les diplômes, le sexe, les attentes, …).

Après cette recension critique des différents travaux portant sur le ou les facteurs susceptibles de jouer un rôle dans l’apprentissage de la lecture chez l’enfant, Fijalkow conclut en posant qu’aucune approche ne se suffit à elle-même, mais que c’est grâce à l’interaction de ces différentes approches que l’on pourra expliquer au mieux les causes des difficultés de l’enfant vis à vis de l’acquisition de la lecture. Il prône donc une approche plurielle en la matière : « Ce qui est préconisé ici est de cesser de poser le problème en termes d’alternatives pour tenter de le penser au pluriel »66.

A côté de ces causes liées à l’échec scolaire, une autre cause est fréquemment mise en avant (Espérandieu, Vogler, 2000 ; GPLI, 1995) : l’élévation des exigences quant à la maîtrise du langage écrit, en relation avec l’évolution socio-économique. « L’histoire témoigne du caractère récent de l’illettrisme comme facteur d’exclusion »67, notamment dans le domaine professionnel où le niveau de formation requis devient de plus en plus élevé. La maîtrise du langage écrit constitue donc aujourd’hui une condition d’intégration sociale, sinon suffisante, du moins nécessaire.

L’illettrisme serait donc expliqué majoritairement par un échec scolaire dont les causalités paraissent elles-mêmes multiples. « Pourtant, dire que l’illettrisme est la conséquence de l’échec scolaire revient simplement à déplacer le problème de son origine, non à le résoudre »68.

Face à ce phénomène, marqué par un terme aux contours flous, possédant une définition imprécise, renvoyant à un public pluriel, à des causalités multiples, quelles pédagogies ont été pensées et mises en place ?

Notes
65.

p. 145.

66.

p. 183.

67.

ESPERANDIEU, V., VOGLER, J., L’illettrisme. Paris : Flammarion, 2000, p. 49.

68.

p. 47.