I – Le premier dispositif : un dispositif déductif.

Le cadre théorique bâti en DEA, débouchant sur notre problématique et notre hypothèse, nous a permis de penser un dispositif méthodologique, d’une manière déductive.

Ce dispositif est le suivant :

Avant notre première rencontre avec l’interviewé, nous nous informons de son niveau global en matière de lecture-écriture auprès de la formatrice référente de l’atelier de formation de base dans lequel se déroule notre pré-enquête.

Lors de la première rencontre, nous amenons l’interviewé à évoquer son projet de formation.

A partir de ces deux éléments recueillis, nous lui proposons un exercice de lecture et / ou d’écriture correspondant, si possible, à la fois à son niveau ainsi qu’à son projet. Ces exercices sont issus de l’outil Lettris, un outil au service de la formation des adultes dans le domaine du parler, lire, écrire, outil créé notamment par Bentolila300. Après nous être assurée de la bonne compréhension de l’énoncé par l’interviewé, nous le laissons résoudre l’exercice de manière autonome.

Ensuite, nous réalisons un entretien d’explicitation du vécu cognitif de l’action de lecture-écriture menée auparavant, sur le modèle de l’entretien d’explicitation de Vermersch301.

Nous revoyons plusieurs fois l’interviewé, l’objectif étant d’amorcer des prises de conscience quant à son fonctionnement cognitif, prises de conscience susceptibles de le mener vers une abstraction grandissante, donc vers une entrée dans l’écrit.

Il nous restait maintenant à éprouver ce dispositif sur le terrain.

Au sein de l’atelier de formation de base dans lequel nous intervenons comme formatrice, nous avons conduit au total 5 entretiens d’explicitation avec deux personnes en situation d’illettrisme : Christophe et Jean-Charles. Christophe a un âge compris entre 36 et 45 ans. Il a un niveau CAP. D’après la typologie de Vinérier302, il relève d’un profil « marginalisation » et présente un niveau 2 en lecture-écriture (on relève 3 niveaux, du niveau 1 qui correspond au degré de maîtrise le plus faible au niveau 3 qui renvoie au degré de maîtrise le plus élevé). Jean-Charles est âgé de plus de 45 ans. Concernant son niveau de scolarisation, il a été scolarisé en IME303. Il relève d’un profil « marginalisation » et présente un niveau 1 en lecture-écriture.

Voici un tableau récapitulatif présentant quelques données d’anamnèse de ces deux apprenants :

Tableau n°11 : Quelques données d’anamnèse de deux apprenants interviewés dans le cadre du premier dispositif (pré-enquête).
Christophe Sexe Homme
Age 36-45 ans
Niveau de scolarisation Niveau CAP
Profil (typologie Vinérier) B - Marginalisation
Niveau de lecture-écriture Niveau 2
Jean-Charles Sexe Homme
Age + de 45 ans
Niveau de scolarisation Scolarisé en IME
Profil (typologie Vinérier) B - Marginalisation
Niveau de lecture-écriture Niveau 1

Nous nous sommes basée pour chacun sur la même procédure : l’apprenant réalisait sans aide un exercice de lecture, suite à quoi nous l’interrogions, par le biais d’un entretien d’explicitation (nous désignerons dorénavant ces termes par l’acronyme « EdE »), sur les procédures mentales qu’il avait mises en œuvre pour réaliser la tâche, que celle-ci soit un succès ou un échec. Autrement dit, nous étions centrée sur la manière par laquelle l’apprenant parvenait à un résultat (le comment) et non sur les raisons qui le conduisaient à ce résultat (le pourquoi) - même si parfois, nous le reverrons, nos questions dérivaient non sur l’explicitation du vécu de l’action mais sur l’explication de la réussite ou de l’échec.

Notes
300.

BENTOLILA, A., BOUTHIER, C., CHEVALIER, B., FONTAINE, F., FRAENKEL, B., LAMBLIN, C., PFEFFER, I., Lettris : une méthode pour comprendre, lire, écrire, parler. Paris : Editions Nathan, 1995

301.

VERMERSCH, P., L’entretien d’explicitation. Paris : E.S.F., 1994

302.

VINERIER, A., Combattre l’illettrisme : permis de lire, permis de vivre… Guide pratique et méthodologique. Paris : L’Harmattan, 1994

303.

Institut médico-éducatif : les IME (instituts médico-éducatifs) regroupent les IMP et les IMPro (instituts médico-professionnels) et accueillent des jeunes de 6 à 20 ans présentant une déficience. Les IME ont pour but d’apporter un accompagnement thérapeutique, pédagogique, éducatif et professionnel.