E – L’obstacle de la mémoire : l’utilisation d’un effort de rappel.

L’interviewé opère un effort de rappel, il n’est pas dans l’évocation pour laquelle on laisse revenir à soi les éléments qui se présentent. L’entretien d’explicitation fait appel à la mémoire épisodique, autobiographique – que Vermersch, à la suite de Gusdorf, appelle « mémoire concrète »351, c’est-à-dire la mémoire des choses dont on se souvient sans jamais les avoir recherchées.

Exemple extrait de l’EdE 1 avec Jérôme :

37 M : hein, alors je vous propose J, si vous en êtes d’accord, de revenir au moment où vous avez regardé les mots, hein

38 J : ouais

39 M : est-ce que vous pouvez me décrire comment ça s’est passé juste à ce moment là, quand vous avez regardé un mot ?

40 J : [silence] c’est une lettre

41 M : une lettre ?

42 J : ouais [silence] ah oui [rire], euh comment dire ? [silence]

43 M : prenez tout votre temps J

44 J : oui, oui [très long silence] la lettre « l »

45 M : la lettre « l »

46 J : « l » pis l’autre c’est [murmure : attends, attends] « f », ouais c’est « f »

47 M : hum, hum, donc la lettre « l », la lettre « f »

48 J : « f »

Ici, il est manifeste que Jérôme cherche, par un effort conscient, la lettre en question (en 44, 46). Il ne fait donc pas appel à sa mémoire épisodique, autobiographique. Notre question (41 : « une lettre ? ») pouvait être interprétée comme une incitation à rechercher cette lettre. Comme le souligne Vermersch, « l’incitation directe à se souvenir est un déclencheur de la mémoire basée sur le savoir »352.

Notes
351.

p. 90.

352.

p. 126.