II – Entre directivité et non-directivité : Comment amener l’éduqué à ce qu’il se fasse d’un outil contraint un instrument au service de sa liberté ?

Le deuxième paradoxe que nous pouvons relever est celui qui se noue entre un outil contraint et un outil qui doit devenir instrument de liberté pour l’apprenant. Nous avions distingué, dans le chapitre 4 de la partie précédente, l’outil de l’instrument, reprenant les concepts de Rabardel540. L’outil s’inscrit du côté de la contrainte dans la mesure où le dispositif formatif a été élaboré par nous, non par les apprenants, mais pour les apprenants. Même si nous choisissions nos supports d’écrits en fonction du projet formatif de chaque apprenant, la trame du dispositif était la même pour tous. En somme, si le contenu était adaptable, le contenant restait identique. L’instrument, quant à lui, résulte d’une appropriation psychique de l’outil par l’apprenant qui perçoit à travers lui une possibilité d’actions plus vastes. Il s’inscrit ainsi du côté de la liberté. Cette appropriation psychique peut se formuler d’une autre manière : il s’agit que l’apprenant se fasse de l’explicitation (au cœur de l’outil) une œuvre de soi-même, pour reprendre les propos de Pestalozzi, un instrument au service de la liberté. Meirieu reprend ce paradoxe entre contrainte et liberté lorsqu’il aborde une tension qui traverse la pédagogie, une tension « entre éducabilité et liberté, entre toute-puissance de l’adulte et impuissance du maître »541. Il souligne ainsi « qu’on ne peut, au sein des situations didactiques qu’on élabore, qu’interpeller la liberté d’apprendre sans jamais – et c’est heureux – la maîtriser complètement »542. Nous sommes bien en présence d’un paradoxe puisque la liberté ne peut se formuler comme une absence de contraintes ; quelques nuances doivent être apportées. C’est ainsi que Spinoza (cité par Meirieu) avançait que « la véritable liberté est celle de l’homme qui vit dans la Cité en se soumettant à la loi commune »543.

Nous retrouvons ce paradoxe entre contrainte et liberté à travers l’une des forces de notre dispositif, celle d’un dispositif promotionnant. D’un côté, ainsi que nous l’avons vu plus avant, notre dispositif peut sembler contraignant voire enfermant pour l’apprenant, dans la mesure où il a été pensé pour lui mais non par lui. D’un autre côté, à travers l’accession au monde de l’écrit que notre dispositif est supposé permettre, nous visons une promotion des capacités d’action de l’apprenant sur le monde et sur lui-même (en effet, selon Vygotsky544, un instrument psychologique, tel que le langage, permet d’agir sur la conduite d’autrui et sur sa propre conduite).

Ce paradoxe entre un outil contraint et un instrument de liberté se retrouve à travers le paradoxe que soulève Le Bouëdec545 entre le guidage et l’accompagnement. Celui-ci nous renvoie à la dialectique entre une certaine directivité nécessaire et une non-directivité. Dans les paragraphes suivants, nous allons développer cette idée.

A travers une pédagogie de l’explicitation, nous visons, en premier lieu, un surcroît de connaissances en matière de lecture et d’écriture chez les personnes en situation d’illettrisme. Mais nous n’oublions pas que cette acquisition de connaissances s’inscrit dans le mouvement de liberté de l’éduqué : ainsi, le pédagogue « continuerait à affirmer que, pour lui, un apprentissage n’est formateur que s’il allie, dans le même temps, acquisition de connaissances et projet d’émancipation »546. Le projet d’émancipation de la personne doit être au cœur de notre dispositif pédagogique. Toute situation contrainte doit être au service de l’émancipation de l’éduqué. « Interpeller la liberté dans le moment même où l’on met en place une situation contrainte. Ne pas renoncer au projet d’enseigner, à la volonté de transmettre, mais introduire, dans cette démarche même, une anticipation de la liberté »547.

Au-delà du déploiement par l’éducateur d’un certain nombre de moyens, doit se faire jour chez celui-ci une certaine qualité de présence, d’être à l’autre, des attitudes particulières. C’est vers la non-directivité de Rogers que nous nous tournons. « Très peu utilisée en milieu scolaire, la « non-directivité » rogérienne est, comme l’a montré Daniel Hameline, une impasse comme système, même si elle reste une perspective particulièrement intéressante comme « attitude » »548. Daniel Hameline précisément, étudiant des expériences de non-directivité auprès de lycéens, a pu définir l’aide professorale au groupe comme consistant « en premier lieu à mettre en place des moyens, et, d’autre part, à réaliser un style de relation »549. La relation éducateur-éduqué est bien au cœur de l’acquisition de connaissances par l’éduqué. C’est ainsi que Poeydomenge souligne que « la relation devient le préalable nécessaire à l’acte d’apprendre »550. Elle reprend en cela l’idée de Rogers selon qui « pour favoriser un apprentissage valable, il est indispensable qu’il existe entre l’apprenti et celui qui veut faciliter son apprentissage une relation interpersonnelle qui implique certaines qualités d’attitude »551. Cette qualité relationnelle trouve ses racines dans le regard confiant que l’éducateur porte à l’éduqué, cette acceptation positive inconditionnelle de l’autre. Cette confiance accordée à l’autre va lui permettre de maintenir voire restaurer une estime de soi que l’on sait fragile chez les personnes en situation d’illettrisme ainsi que notre phénoménologie de l’illettrisme nous l’a montré : en effet, ces personnes souffrent d’une blessure personnelle qui s’ancre dans une dévalorisation portée par le regard d’autrui sur elles, à la fois dans ce qui constitue leur personne même ainsi que dans leurs compétences, notamment en matière de lire-écrire. Comme le souligne Thorne, « que nous puissions avoir de nous une bonne opinion dépend de la qualité et de la constance du regard positif porté sur nous par les autres »552. Il convient donc que l’éducateur travaille particulièrement sa qualité de présence à l’autre, à travers, notamment, les trois conditions de base que Rogers a mises en évidence dans la relation pédagogique : l’acceptation positive inconditionnelle, l’empathie et la congruence ou authenticité. « Ni les connaissances de l’enseignant ni les technologies les plus sophistiquées, ni les ouvrages les mieux adaptés ne remplaceront la présence du maître à ses élèves, présence attentive, respectueuse, enracinée dans la confiance en l’autre et dans le souci personnel de congruence »553.

Le besoin de reconnaissance de l’autre et par l’autre est un préalable au besoin de connaissance comme l’indique Poeydomenge : c’est du désir de l’autre que « surgissent les besoins de reconnaissance d’abord, de connaissances ensuite »554. Afin d’aider et de comprendre l’autre à partir de son vécu dans ce qui fait sa singularité, il convient, de manière paradoxale, de bien se connaître soi-même et d’être soi. Hameline et Dardelin soulignent ce « paradoxe non-directif : pour comprendre autrui, il faut être soi »555. Cela illustre le mouvement dialectique de l’empathie, exigeant à la fois de se décentrer de soi-même pour entrer pleinement en résonance avec le vécu de l’autre, et d’être en même temps au plus proche de soi afin de mesurer l’impact du vécu de l’autre sur soi. « Un philosophe dirait, et les psychologues rogériens ne le démentiraient pas, que pour se sentir solidaires, les personnes doivent s’être assumées solitaires »556. Etre soi suppose au préalable de bien se connaître soi-même.

Ainsi, afin d’aider l’autre dans son effort d’explicitation de son vécu cognitif d’action, il importerait dans un premier temps d’être au clair avec ses propres procédures mentales en situation, d’avoir fait l’expérience personnelle de ce processus d’explicitation afin, d’une part, d’en connaître intimement les mécanismes, mais aussi, d’autre part, d’avoir élucidé notre propre fonctionnement mental à l’issue d’une série d’actions. Lorsque nous nous sommes formée à l’entretien d’explicitation, nous avons vécu l’appropriation de cette technique sous forme expérientielle, expérimentant de l’intérieur l’explicitation dans un dialogue avec un aidant. Il nous faudrait aller plus loin, nous confrontant à des tâches de lecture-écriture, à l’image des personnes en situation d’illettrisme que nous avons interviewées, puis explicitant notre vécu d’actions à un autre qui, par la qualité de son écoute et de sa présence, nous ouvrira à nos manières de procéder en situation. Bien se connaître et être soi, autrement dit faire l’expérience d’une solitude, permet d’apporter à l’autre une qualité d’aide et de présence qui autorise la solidarité. Ayant vécu l’expérience de l’explicitation de l’intérieur, l’éducateur se fait « médiateur d’un idéal, celui d’une vie pleine, et pas seulement d’informations et de savoir-faire. S’il sait faciliter l’intégration du savoir, il apprend aussi et surtout à être, à devenir soi-même, plus autonome, plus normatif à travers la relation, dans le dialogue, même conflictuel »557.

Poeydomenge souligne que l’éducateur doit être formé sur le double versant « du relationnel et du savoir, du subjectif et de l’objectif »558. « Former les éducateurs à leur tâche, ce serait, me semble-t-il, les initier autant aux lois du développement de l’enfant et de l’adulte qu’à la connaissance d’eux-mêmes (authenticité) et à l’écoute empathique… »559. C’est la connaissance de quelques lois de développement de l’enfant et de l’adulte qui nous a permis d’élaborer notre hypothèse de recherche et de bâtir notre premier dispositif formatif. « Les recherches en psychologie de l’apprentissage et en didactique peuvent permettre, par l’observation des conditions optimales de l’apprentissage, d’aider à l’invention de dispositifs pédagogiques »560. Meirieu poursuit en nous mettant en garde : « Mais ces dispositifs ne sont nullement déductibles mécaniquement de ce que les sciences permettent d’observer ; ils requièrent un travail de création spécifique »561. Notre dispositif formatif gagnerait à être enrichi par une meilleure connaissance de nous-même et par le travail subséquent autour des qualités relationnelles à instaurer avec l’éduqué.

Nous soulignions plus avant le rôle de la sphère relationnelle dans notre dispositif formatif. Dans ce cadre, c’est la non-directivité qui prime. Mais intervient également un objectif de connaissance pour lequel une certaine directivité va se faire jour. Une dimension paradoxale surgit dans l’accompagnement de l’éduqué. « Etre obligé, en classe, d’articuler la non-directivité de l’aide psychologique à la directivité des aides pédagogiques, n’est pas se vouer à des tensions continues ? »562. Selon Fustier, la dimension du paradoxe est au cœur de l’accompagnement qui met en tension non-directivité et directivité : « Nous pensons donc que le praticien de l’accompagnement doit être formé à maintenir en coexistence, mais sans les confondre, les deux niveaux antagonistes qui créent le paradoxe »563. En effet, il vaut mieux accepter le paradoxe plutôt que de vouloir le résoudre, ce qui reviendrait à perdre la valeur du paradoxe. « Pour Winnicott, il ne faut jamais vouloir sortir du paradoxe en le détruisant »564. C’est dans la contenance des deux éléments du paradoxe que le praticien doit penser l’accompagnement : « Nous postulons que l’existence d’un lien d’accompagnement susceptible de permettre l’évolution d’une personne suppose que le professionnel agisse dans la contenance et non par élimination d’une des deux propositions du paradoxe »565.

Une manière de formuler ce paradoxe qui se déploie dans la posture d’accompagnement de l’éduqué pourrait être la suivante : « « Directivité technique dans la non-directivité relationnelle ». Cette définition de la thérapie spécialisée d’A. Mucchielli-Bourcier (1979) peut-elle s’appliquer au modèle rogérien de la pédagogie qui tenterait d’intégrer des séquences « néo-directives » d’apprentissage dans son contexte non directif ? »566. Cette formulation s’adapte bien à la manière dont nous concevons notre dispositif pédagogique. L’explicitation, directive dans les contenants mais non-directive dans les contenus, allie à la fois une directivité technique (il s’agit de guider fermement le sujet vers l’explicitation de contenus) et une non-directivité tant relationnelle que sur le plan des contenus à expliciter.

Cet accompagnement, qui comporte un mouvement dialectique, peut s’entendre de la manière suivante : du côté de l’éduqué, « il lui faut donc être « accompagné » par un maître qui sait concilier l’apport (directif) des acquisitions et l’apport (non-directif) des propositions »567. L’apport de connaissances, particulièrement lorsqu’elles ne sont pas choisies par l’éduqué, résonne du côté d’une certaine directivité : « Quant aux méthodes ou connaissances non désirées, non choisies, mais cependant nécessaires en tant que fondements des programmes ultérieurs ou initiations à des activités ignorées (artistiques, sportives, culturelles, etc.) qui permettront aux capacités de se découvrir, il faudra les imposer »568.

La personne en situation d’illettrisme peut avoir le projet de maîtriser la lecture-écriture. Mais pour parvenir à cet objectif, il lui faudra intégrer un certain nombre de connaissances et d’habiletés pour lesquelles elle ne manifeste pas forcément un désir d’apprendre. Afin de l’accompagner au mieux dans son projet, l’éducateur devra faire preuve de directivité, en l’obligeant notamment à opérer un choix parmi les connaissances à acquérir. Ceci constitue la base de l’engagement de l’éduqué, engagement qui permet à l’apprentissage de se réaliser. Il faut donc obliger l’éduqué à choisir. « Pour cela, lui proposer un grand choix d’activités, de moyens de connaissance, mettre à sa disposition les matériaux les plus divers, des manuels aux techniques les plus élaborées, du savoir consigné à celui qui se cherche, des connaissances objectives aux expériences personnelles, et l’enseignant saura partager la sienne »569.

Dans le cadre de notre dispositif formatif, nous ne proposions pas de choix à l’éduqué. Nous lui imposions une tâche de lecture-écriture, en ayant pris soin cependant d’inscrire cette tâche dans le cadre de son projet de formation. Nous pourrions amender notre premier dispositif formatif en proposant à l’éduqué un large choix de tâches variables dans leurs modalités. Ces tâches pourraient être des activités, au sens de Leontiev570, c’est-à-dire mettant en interaction une action (de compréhension ici dans le cadre d’une activité de lecture-écriture), des opérations (les mécanismes cognitifs, les habiletés méthodologiques en jeu dans l’activité de lecture-écriture) ainsi qu’un mobile (le projet de lecteur-scripteur). Nous pourrions également mettre à disposition des sujets des ressources en matière de connaissances objectives relativement au lire-écrire. Ces moyens de connaissance aideraient l’éduqué pour la réalisation de la tâche. Ces moyens, externes à l’éduqué, peuvent être présentés sous forme de supports matériels offerts dans des manuels, mais peuvent être donnés également dans l’interaction éducateur-éduqué, à travers un dialogue mené par l’éducateur. En somme, la médiation de l’éducateur en matière de lire-écrire peut être écrite, fournie sous forme de supports ; elle peut être également orale. C’est ainsi que l’éducateur pourra faire intervenir ses expériences personnelles dans le domaine du lire-écrire, convoquant ses expériences au cours de son apprentissage, dans ses dimensions cognitives, en matière de connaissances acquises, mais aussi affectives en termes de facilités ou difficultés d’apprentissage, en termes d’estime de soi et de perception de soi au fil de l’apprentissage, en termes d’expérience de la médiation.

Ainsi s’opère un véritable partage du savoir acquis, aussi bien sur le plan intellectuel, des connaissances objectives intériorisées, que sur le plan émotionnel, en termes de vécu affectif de l’apprentissage du lire-écrire. Cette attitude déployée par l’éducateur rejoint l’objectif précédemment souligné de bien se connaître soi-même. Aux côtés des savoirs consignés, qui affirment une connaissance, se tiendront des savoirs qui se cherchent sous forme d’activités en prise avec le projet personnel de l’éduqué. Cette activité choisie parmi une vaste gamme de propositions se nourrira des savoirs consignés mis à disposition et constituera la base de l’activité d’explicitation ultérieure. Ainsi, « que l’élève choisisse ce qu’il veut savoir, alors il acceptera les pré-requis nécessaires et s’impliquera dans son travail »571. Le choix est à l’origine de l’implication de l’éduqué, de son engagement et crée les conditions de l’acceptation de la nécessité d’acquérir telle ou telle connaissance.

L’apprentissage de connaissances ne découle pas, pour Rogers, de l’intériorisation de savoirs consignés mais plutôt d’une appropriation d’un problème réel dont on cherche une solution. Apprendre « n’est pas « accumuler briques sur briques », mais « enraciner dans la réalité » existentielle de l’étudiant un problème réel qui demande une solution »572. Le savoir ne s’acquiert pas par hétérostructuration573, le sujet tirant son identité de l’extérieur, mais plutôt par autostructuration574, le sujet construisant son savoir à partir de ses ressources propres, s’affrontant lui-même à un problème réel, qui a de la signification pour lui.

En ce sens l’éducation est bien en prise avec la vie. C’est parce que la lecture-écriture pose problème à la personne en situation d’illettrisme dans sa vie quotidienne que celle-ci va trouver un intérêt, une signification dans les diverses activités de lecture-écriture que nous lui proposerons ; celles-ci vont rejoindre sa réalité existentielle, lui poser un problème réel auquel elle s’efforcera de trouver une solution. Ce problème réel correspond au projet de l’éduqué, revêt une signification singulière dans sa réalité existentielle. « N’auront de chance d’être retenues et intégrées dans la personnalité que les données perçues par le sujet comme une réponse à son appel »575. C’est en ce sens que nous nous efforcions, dans notre dispositif formatif, de mettre en lien la tâche support à l’entretien d’explicitation et le projet d’apprentissage de la personne en situation d’illettrisme. A cela nous ajoutons la proposition d’un vaste choix d’activités et de connaissances. Par ailleurs, ce problème réel qui se présente à l’éduqué est inscrit dans une utilité : « l’élève est d’autant plus efficace qu’il sait « que ça sert à quelque chose » pour lui et pour les autres. C’est l’utile ici qui rend la tâche « agréable », c’est-à-dire objet d’un « agrément », d’une acceptation »576. C’est en ce sens que l’éducation n’est pas un préalable à la vie, mais représente la vie elle-même, est en prise directe avec la vie, servant à son accomplissement. Pour Dewey, « l’éducation n’est pas une préparation à la vie, mais une vie »577.

L’activité de lecture-écriture a une utilité dans la vie quotidienne et le fait de ne pas maîtriser cette compétence pose des problèmes à la personne en situation d’illettrisme. L’apprentissage du lire-écrire s’inscrit dans un projet d’utilisation, de réinvestissement pour la vie en société. Si les activités de lecture-écriture proposées pour ce réapprentissage présentent la double facette de l’utilité et d’un problème réel, alors l’apprentissage pourra être pleinement efficace. Proposant des activités, l’éducateur se met au service d’une société dans laquelle se déploient ces activités, société à laquelle il s’agit d’intégrer l’éduqué. « A travers la présence de l’adulte, c’est la présence même d’une culture qui s’impose, culture qui est à la fois tradition et prospective, connaissance nécessaire d’un passé et besoins spécifiques d’un avenir qui justifient une tâche-programme que ni le maître, ni les élèves ne déterminent dans ses orientations culturelles et nationales. Le maître a pour tâche de faire réussir l’insertion de ses élèves dans une société donnée qui le délègue dans cette fonction »578. L’apprentissage ne peut donc entièrement découler d’une autostructuration579. L’extériorité, sous le visage de la société, est présente à travers l’apprentissage du lire-écrire. L’apprentissage met donc en tension un intérieur, à savoir l’éduqué qui mobilise ses ressources, et un extérieur, à savoir la culture qui a créé le lire-écrire, ce qui l’inscrit dans la dimension du passé, et dans laquelle se déploie cette activité, que mettra en jeu, dans la dimension d’un avenir, la personne en situation d’illettrisme. Cette culture articule donc dialectiquement les dimensions du passé et de l’avenir à travers le projet d’utilisation du lire-écrire.

Au final, la contenance des deux éléments du paradoxe que nous venons d’étudier peut s’exprimer de la manière suivante : « « Directivité technique dans la non-directivité relationnelle » »580. L’entretien d’explicitation met en jeu, dans sa réalisation, cette dialectique : d’une part, la directivité ; il s’agit, à travers l’emploi de techniques, de guider fermement l’interviewé vers des prises de conscience ; d’autre part, la non-directivité, dans le choix par l’interviewé des contenus qu’il expose, non-directivité également relationnelle.

Nous allons à présent nous pencher sur la gestion pédagogique du paradoxe pestalozzien, inscrit dans la tension entre trois pôles : tête – cœur – main.

Notes
540.

RABARDEL, P. Qu’est-ce qu’un instrument ? Appropriation, conceptualisation, mises en situation. Le mathématicien, le physicien et le psychologue, CNDP-DIE, mars 1995, p. 61-65.

541.

MEIRIEU, P. (2004). Faire l’Ecole, faire la classe. Paris : ESF Editeur, 2ème éd., 2006, p. 72.

542.

p. 76.

543.

MEIRIEU, P. (1987). Apprendre… oui, mais comment. Paris : E.S.F., 3ème éd., 1988, p. 32.

544.

VYGOTSKY, L.S. (1935). Le problème de l’enseignement et du développement mental à l’âge scolaire. In SCHNEUWLY, B., BRONCKART, J.P., Vygotsky aujourd’hui. Neuchâtel-Paris : Delachaux & Niestlé, 1985, p. 95-117.

545.

LE BOUEDEC, G., DU CREST, A., PASQUIER, L., STAHL, R., L’accompagnement en éducation et formation : un projet impossible ?. Paris : L’Harmattan, 2001

LE BOUEDEC, G. Le sens de la médiation ou, la médiation comme processus. Cahiers Binet Simon, 1997, n°652, p. 95-107.

546.

MEIRIEU, P., Pédagogie : le devoir de résister. Paris : ESF éditeur, 2007, p. 14.

547.

p. 58.

548.

p. 115. C’est l’auteur qui souligne.

549.

HAMELINE, D., DARDELIN, M.J., La liberté d’apprendre : justification d’un enseignement non directif. Paris : Les Editions ouvrières, 1967, p. 302. C’est l’auteur qui souligne.

550.

POEYDOMENGE, M.L., L’éducation selon Rogers : les enjeux de la non-directivité. Paris : Dunod, 1984, p. 66-67.

551.

ROGERS, C., Liberté pour apprendre. Paris : Dunod, 1984, p. 103. C’est l’auteur qui souligne.

552.

THORNE, B., Comprendre Carl Rogers. Toulouse : Privat, 1994, p. 47.

553.

POEYDOMENGE, M.L., L’éducation selon Rogers : les enjeux de la non-directivité. Paris : Dunod, 1984, p. 67.

554.

p. 121.

555.

HAMELINE, D., DARDELIN, M.J., La liberté d’apprendre : justification d’un enseignement non directif. Paris : Les Editions ouvrières, 1967, p. 300.

556.

Ibid.

557.

POEYDOMENGE, M.L., L’éducation selon Rogers : les enjeux de la non-directivité. Paris : Dunod, 1984, p. 118.

558.

p. 169.

559.

Ibid.

560.

MEIRIEU, P., Pédagogie : le devoir de résister. Paris : ESF éditeur, 2007, p. 63-64.

561.

Ibid.

562.

POEYDOMENGE, M.L., L’éducation selon Rogers : les enjeux de la non-directivité. Paris : Dunod, 1984, p. 160.

563.

FUSTIER, P., Personnalité carencée et lien d’accompagnement. In BOUTINET, J.P., Dirs, Penser l’accompagnement adulte : ruptures, transitions, rebonds. Paris : PUF, 2007, p. 121.

564.

p. 120.

565.

Ibid.

566.

POEYDOMENGE, M.L., L’éducation selon Rogers : les enjeux de la non-directivité. Paris : Dunod, 1984, p. 148.

567.

p. 70.

568.

p. 69.

569.

p. 91.

570.

LEONTIEV, A.N., Le développement du psychisme. Paris : Ed. Sociales, 1976

571.

POEYDOMENGE, M.L., L’éducation selon Rogers : les enjeux de la non-directivité. Paris : Dunod, 1984, p. 152.

572.

p. 167.

573.

NOT, L., Les pédagogies de la connaissance, Paris : Privat, 1979

574.

NOT, op. cit., 1979

575.

HAMELINE, D., DARDELIN, M.J., La liberté d’apprendre : justification d’un enseignement non directif. Paris : Les Editions ouvrières, 1967, p. 297.

576.

Ibid. C’est l’auteur qui souligne.

577.

DELEDALLE, G., John Dewey. Paris : PUF, 1995, p. 12.

578.

HAMELINE, D., DARDELIN, M.J., La liberté d’apprendre : justification d’un enseignement non directif. Paris : Les Editions ouvrières, 1967, p. 326. C’est l’auteur qui souligne.

579.

NOT, L., Les pédagogies de la connaissance, Paris : Privat, 1979

580.

POEYDOMENGE, M.L., L’éducation selon Rogers : les enjeux de la non-directivité. Paris : Dunod, 1984, p. 148.