Annexe 18 : Entretien narratif n°1 – Ludovic

Dispositif : enquête

Date de l’entretien : 15/03/06

Durée : 30’

Lieu : S

Transcription :

Conventions :

M : moi, l’interviewer

L: Ludovic, l’interviewé

Transcription – éléments du discours

M : voilà donc, L, vous avez décidé de me parler de votre travail
L : oui
M : hein
L : je suis maçon, je suis dans le gros œuvre, autrement euh je monte des parpaings, on fait les planchers, je mène de temps en temps la grue, le manitou, le gros œuvre c’est toujours, c’est toujours pareil quoi, de jour en jour on monte les parpaings, on coffre, on fait les linteaux, une fois rendu à hauteur on fait le plancher, on pose le plancher, on coule le plancher et on monte les pignons après, après y’a la charpente qu’arrive on fait les rempanages, une fois que c’est couvert on fait les appuis, les, les seuils, après c’est les ravalements qu’arrivent, pis ainsi de suite quoi [long silence] autrement c’est toujours pareil
M : donc vous montez dans la grue des fois
L : ah non c’est juste une petite grue hein, c’est une petite grue banale
M : et comment vous faites euh ?
L : c’est avec une télécommande
M : avec une télécommande ouais
L : quand le gars est pas là, c’est moi qui le remplace, je suis la roue de secours quoi [silence]
M : et comment vous faites avec votre télécommande euh pour manipuler la grue ?
L : bah c’est deux petits, deux petites manettes, alors soit à droite, à gauche [silence] pour tourner faut aller à droite [long silence]
M : ouais, donc votre travail c’est toujours un petit peu pareil
L : bah oui, hum, je serais en restauration c’est pas pareil, restauration, parce que dans le gros œuvre faut monter les murs avant
M : et est-ce que vous pouvez me parler du travail de votre femme euh ?
L : elle est en maison de retraite, bon bah elle fait le ménage, elle lave, elle lave les anciens, elle les fait manger, elle les couche, elle les change, c’est toujours pareil [silence]
M : hum, hum, c’est toujours pareil
L : bah oui c’est toujours, comme on dit c’est la rengaine quoi [silence]
M : hum, hum, et à part votre travail est-ce que vous avez des loisirs ?
L : non, non
M : non, pas de loisirs
L : non, bah comme je disais t’a l’heure ma femme elle travaille un week-end sur deux alors euh [silence] on se repose, on a trois petits avec alors, oh pour eux c’est dur aussi parce que le matin faut qu’ils se lèvent de bonne heure, à la garderie, faut les garder le soir, alors ça fait des bonnes journées [silence]
M : et la fois dernière je me souviens vous commenciez à me parler de votre venue à E
L : ouais
M : que c’était par le travail
L : ouais la médecine du travail
M : la médecine du travail, est-ce que vous auriez envie de me raconter ça euh, justement ?
L : ouais, ça faisait déjà plusieurs fois que je passais la visite de travail, à chaque fois c’était pas la même personne qui s’occupe de nous et pis là elle a proposé de, de me donner des adresses, alors j’ai dit oui, alors 15 jours après bah j’ai reçu des, des adresses à la maison, alors on en a essayé une à S, pis j’ai pris rendez-vous après [silence]
M : donc le premier contact avec E, est-ce que vous pourriez le raconter ?
L : bah quand je suis venu pour la première fois c’était stressant quoi, parce que je savais pas où j’allais, pis au bout d’une heure bah on m’a présenté C [silence] je suis revenu la semaine d’après, ça fait un an que je viens
M : hum, hum, ça fait un an
L : une fois par semaine [silence] bah je viens comme pour le planning de ma femme quoi parce qu’un coup elle est du matin, un coup elle est de l’après-midi alors euh [silence] alors comme elle a son mercredi, j’en profite là [long silence]
M : hum, hum, qu’est-ce que vous travaillez à E ?
L : bah l’écrit puis la lecture [silence] la lecture c’est surtout pour prendre confiance quoi, parce que je sais peut-être lire dans ma tête mais à haute voix des fois ça me bloque, en moi-même, je vais peut-être dire des conneries, je suis pas sûr, faut retravailler ça [silence]
M : hum, hum, et là le travail que vous faites en ce moment euh c’est quoi L ?
L : on a fait le bilan
M : ah oui
L : le bilan de l’année dernière
M : le bilan
L : ouais, normalement après je dois le taper à l’ordinateur, j’ai jamais tapé à l’ordinateur, ça va être une découverte quoi [long silence] on verra bien [petit rire]
M : hum, hum, et qu’est-ce qui ressort de votre bilan euh L ?
L : bah tout ce que j’ai appris l’année dernière quoi, c’est surtout l’écrit [silence] l’écrit euh, y’a des petits systèmes que je connais pas encore [silence] trouver le verbe ça je sais, mais après c’est pour conjuguer tout ça c’est, faut que je rapprenne quoi [long silence] ça me fait du bien depuis un an
M : ça vous fait du bien
L : oui, déjà je lis un peu plus le Courrier, avant je regardais les gros titres pis ça s’arrêtait là, maintenant les petits articles j’arrive à lire [silence] comme y’a huit jours j’ai vu un article sur E du côté de B
M : ah oui
L : oui y’en a trois qui ont trouvé du boulot
M : ah oui [silence]
L : c’est quand même intéressant quand même [silence] je suis pas dans ce cas là, j’ai toujours eu du boulot, mais y’a des personnes qui sont pas [long silence]
M : est-ce que vous pouvez me parler un petit peu plus de cet article euh L ?
L : j’l’ai plus trop en tête
M : vous l’avez plus trop en tête
L : non, j’ai encore une image, ils sont en train d’élaguer des arbres, toujours, pour dire, y’avait les noms mais je m’en rappelle plus, je m’en souviens plus [long silence]
M : donc y’a des choses qui ont changé dans votre vie
L : ouais
M : grâce à E
L : ouais
M : hein vous lisez le Courrier, qu’est-ce qui a changé d’autre dans votre vie euh L ?
L : bah déjà mieux dans la peau [silence] c’est quand les collègues ils parlent d’un truc moi je suis au courant, pis j’ai vu ça sur le Courrier [très long silence]
M : et qu’est-ce qui a changé d’autre dans votre vie euh L ?
L : [long silence] ce que je disais, je suis bien, mieux dans ma peau quoi [long silence] c’est ce que je disais à C, j’ai rempli un chèque pour la première fois, peut-être un mois, ma femme elle m’a laissé faire, j’avais mis ça sur un papier avant, pis après j’ai réécris au propre quoi [long silence]
M : qu’est-ce que ça vous a fait d’écrire ce chèque euh pour la première fois ?
L : bah ça m’a fait plaisir déjà, parce que là c’est toujours ma femme qui fait ça, dès que j’ai un rendez-vous, bah c’est ma femme qui vient avec moi pour remplir le chèque [silence] pis bah ma femme elle m’encourage quoi [long silence]
M : et par rapport à vos enfants pour suivre les devoirs euh comment vous faites euh ?
L : bah j’y arrive
M : ouais
L : ouais parce que l’aînée elle a dix ans, j’fais les leçons avec elle, D il va rentrer en CP l’année prochaine, donc déjà c’est ça qui m’a incité à venir euh parce que plus que ça va aller plus que ça va être dur [silence] autrement la dernière elle est en maternelle alors [silence] parce que mon aînée elle a pas eu de mal à apprendre, mon gars, il veut apprendre toujours, il a la volonté déjà
M : ouais la volonté hum, hum [silence] comme vous
L : oui [silence] bah pour lui ce sera peut-être plus facile que pour moi, faut que je me remette dans le bain quoi [long silence] en CP la lecture elle est pas trop difficile déjà [long silence] dans deux ans ma fille euh si elle redouble pas elle sera en 6ème alors ce sera [silence] plus dur, ce sera surtout la langue quoi, l’anglais tout ça, j’ai jamais connu ça alors [long silence]
M : et vous qu’est-ce que vous avez connu au niveau de l’école euh L ?
L : bah quand j’étais en 6ème j’étais en SES à A, pis après j’ai appris mon métier, à 16 ans j’étais en apprentissage [silence] apprentissage, on allait à l’école euh à BB, au CFA, pis bon [silence] là-bas on n’apprend pas hein, si on sait pas on sait pas, on apprend juste le métier quoi, ils sont pas là pour nous apprendre à lire pis à écrire [long silence] comme la pratique ça marchait bien, j’ai récupéré des points dessus, ça faisait pas tout [long silence] pis je suis toujours chez le même patron depuis 16 ans
M : ah oui, hum, hum
L : oui [long silence]
M : quel souvenir vous gardez de l’école ?
L : [silence] on était mis de côté, des gens comme moi ils étaient tout le temps au fond de la classe et pis c’est tout quoi [silence] comme maintenant y’en a encore qui font ça [silence] faut être vigilant quoi pour ça
M : vous aviez l’impression d’être mis à l’écart
L : bah oui aussi oui un petit peu, pis bon quand on est jeune, les copains tout ça quoi [très long silence]
M : donc c’est un vécu plutôt difficile de l’école
L : bah oui, y’avait certains trucs que je savais faire mais d’autres que je savais pas, les trucs faciles c’était bon quoi [silence] comme calculer de tête tout ça, j’suis, j’suis perdu [silence] comme la table de 5, je sais qu’il faut aller de 5 en 5, donc si on dit 5 fois 4 tout de suite pour répondre le temps que j’tourne, donc ça aussi faut que j’apprenne quoi [silence] je sais que ça va être long, déjà le principal c’est écrire et puis lire quoi
M : hum, hum, c’est votre projet
L : [silence] y’a toujours les calculatrices autrement [long silence] pis lire sur les plans
M : lire sur les plans
L : aussi oui, je sais lire sur les plans, mais quand il manque une cote pour mettre à l’échelle, bah j’peux pas, bah c’est pareil faut que, bah c’est comme dans le programme [long silence] sur un plan quand y’a la cote c’est facile
M : hum, hum, y’a des choses qui sont faciles pour vous pis d’autres qui sont plus
L : ouais c’est ça, dès qu’il manque une cote euh [silence] si on a 2 centimètres sur le mètre euh j’peux pas [silence] ça j’sais pas trop l’expliquer
M : vous avez un petit peu de mal à l’expliquer
L : oui [très long silence] autrement je sais pas
M : bon est-ce qu’on a fait le tour un petit peu de ce que vous aviez envie de dire aujourd’hui euh ?
L : bah oui
M : on a parlé de beaucoup de choses, on a parlé de votre travail euh
L : le travail de ma femme
M : le travail de votre femme voilà, de vos enfants, on a parlé d’E, de l’école et pis là on revenait sur votre travail et E avec les cotes hein, donc on s’en tient là L pour aujourd’hui ?
L : pour aujourd’hui ouais
M : ouais ?