Annexe 25 : Entretien d’explicitation n°1 – Christine

Dispositif : enquête

Date de l’entretien : 31/05/06

Durée : environ 30-35 minutes

Lieu : S

Exercice : Fiche lecture n°26 : dictée de la recette : « clafoutis au yaourt »

Transcription :

Conventions :

M : moi, l’interviewer

C : Christine, l’interviewée

1 M : donc C, je vous propose de revenir à un moment donné, à un moment donné de l’exercice, au moment où vous étiez assise, au tout début de l’exercice, vous étiez assise à cette table-là, sur cette chaise-là, vous aviez la feuille de papier euh sous les yeux, les crayons dans la main droite
2 C : oui [rires]
3 M : hein, est-ce que vous retrouvez bien ce moment-là ?
4 C : oui, oui, ça va
5 M : ça va ?
6 C : ouais
7 M : ouais ?
Je recontextualise la situation pour favoriser l’évocation chez C. Cette recontextualisation peut sembler un peu simpliste (ce qui tranche avec le degré d’abstraction auquel fait appel le reste de l’entretien), d’où les rires de C.
8 M : comment il vous revient ce moment-là, est-ce que c’est des images qui vous reviennent ?
9 C : bah c’est un moment agréable
10 M : c’est un moment agréable
11 C : parce que bah j’aime bien écrire
12 M : d’accord, hein, et comment ce moment agréable vous revient, il vous revient par le biais, fin, sous forme euh d’images, vous vous revoyez dans la situation, assise à cette table-là, avec le crayon dans la main ou c’est plutôt sous forme de sons, vous réentendez les mots que je prononce, vous réentendez parler ?
13 C : bah c’est les deux à la fois en fait
14 M : hum
15 C : ouais bah oui, surtout que l’exercice c’était un thème qui me plaisait en plus donc euh
16 M : hum, hum
17 C : donc y’a ça aussi quoi [rires]
18 M : d’accord, donc c’est un peu les deux à la fois
19 C : oui
C fait appel d’emblée à un jugement de valeur afin de qualifier le moment qu’elle a vécu : « c’est un moment agréable ». J’essaie de ré aiguiller C vers mon objectif. Néanmoins, elle insiste une nouvelle fois sur ce moment agréable ; l’aspect motivationnel joue beaucoup dans le cadre d’une tâche qu’on propose à un apprenant.
20 M : alors donc c’est, quelque part, y’a des images hein si je
21 C : oui, bah oui y’a des images, ouais ouais [rires]
22 M : alors est-ce que vous pouvez me décrire ces images euh C ?
23 C : bah c’est les fruits, c’est le yaourt, c’est la préparation en fait de la recette
24 M : hum, hum
25 C : surtout des images sur ça quoi
26 M : hum, hum, vous vous êtes fait des images sur les fruits, le yaourt
27 C : les ingrédients quoi, battre les blancs d’œuf [rires]
28 M : hum, hum
29 C : bah oui je vois tout, je vois le moule, je vois tout [rires]
30 M : vous voyez tout
31 C : ouais
32 M : ouais, d’accord
33 C : pis bah toute la préparation quoi [silence]
On notera une prégnance des images chez C : elle revit au présent les images qu’elle a vues lors de la dictée, elle le revoit tandis qu’elle les évoque.
34 M : mais y’a des sons également puisque vous avez dit : « c’est un peu les deux »
35 C : oui y’a l’écriture aussi, comme j’aime bien écrire euh le français
36 M : et alors, quels sons ça a fait dans votre tête
37 C : [long silence] bah de réfléchir avant d’écrire quoi euh
38 M : ouais
39 C : ou en même temps peut-être, en même temps d’écrire
40 M : hum, hum
41 C : ouais
42 M : hum, hum, et comment vous avez fait pour euh réfléchir [silence] comment ça s’est passé ce moment-là où vous avez réfléchi ?
43 C : bah dans ma tête
44 M : dans votre tête, ouais [silence] je vous propose, si vous en êtes d’accord, C, de me décrire ce qui s’est passé dans votre tête quand vous réfléchissiez
45 C : ouais mais je sais pas comment décrire ça
46 M : avec vos mots à vous, en prenant bien le temps de revenir dans cette situation
47 C : [soupir] [long silence] par exemple pour les chiffres euh, bah de l’écrire en lettres en fait
48 M : oui
49 C : réfléchir à l’écrire en lettres
50 M : hum, hum
51 C : voilà un exemple
« pour les chiffres euh, bah de l’écrire en lettres en fait » : C évoque le début de la dictée où elle a écrit le chiffre 750 en lettres. Elle a dû se prononcer « 750 » dans sa tête afin d’accéder à la correspondance en lettres.
L’exemplification permet à C de diminuer le niveau d’abstraction de ma question.
52 M : alors on va prendre cet exemple-là, cet exemple du chiffre écrit en lettres, hein
53 C : oui
54 M : vous retrouvez bien cet exemple-là ?
55 C : oui, oui, je le vois oui
56 M : vous le voyez ? bon alors, comment vous avez fait pour écrire ce chiffre en lettres ?
57 C : bah je l’ai épelé dans ma tête avant pis j’ai écrit après
58 M : d’accord, vous l’avez épelé
59 C : ouais, oui, oui
60 M : alors est-ce que vous pouvez être un petit peu plus précise
61 C : bah s, e, p, t, pis après bah j’écris « sept » pis après « cent », c, e, n, t, pis bah j’écris quoi, bah je fais les deux en même temps, je sais pas comment expliquer ça
62 M : hum, hum
63 C : ouais c’est pas évident d’expliquer ça
64 M : [silence] et comment ça vous vient le « s » de « sept »
65 C : bah alors là [rires] [silence] non bah là je sais pas, je sais pas répondre là
66 M : non ? [long silence]
67 C : bah si, ça vient parce que je l’ai entendu en fait dans la dictée
68 M : vous l’avez entendu ?
69 C : oui
70 M : hum, hum [silence]
71 C : bah je sais pas moi
72 M : ouais, hum, vous l’avez entendu dans la dictée, et là, au moment où vous l’avez entendu, juste à ce moment-là, vous vous êtes fait une image du « sept » ou un son ?
73 C : euh non plus un son pour écrire en fait euh, comme je l’ai épelé avant euh, bah c’est pas vraiment un son shai pas ? si, c’est un son, ouais
74 M : ça vous fait un son ?
75 C : ouais, ouais plus un son que l’image ouais
76 M : hum, hum, quand vous êtes dans la situation, que vous la revivez à nouveau, et bien vous entendez plus un son
77 C : oui
78 M : hein, que vous ne voyez une image, hein [silence] d’accord, donc vous vous êtes épelé les mots dans votre tête
79 C : oui, pis bah j’écris
80 M : et puis vous écrivez
81 C : bah oui, shai pas comment je fais les deux en même temps mais, si en général je fais comme ça [rires]
82 M : hum, hum
Surgit un point de butée, l’explicitation d’une connaissance en acte.
Je fragmente de plus en plus l’action, jusqu’à un point de butée, lié à l’abstraction croissante.
Nous restons ici dans le cadre des modalités sonores du fonctionnement mental de C.
83 M : est-ce qu’y a des mots sur lesquels vous avez hésité ?
84 C : euh oui [silence] c’est des mots simples en plus [rires]
85 M : lesquels, par exemple ?
86 C : bah y’a eu « cerise »
87 M : ouais
88 C : parce que bah je sais plus si on met deux « s » ou un en fait
89 M : hum, hum [silence]
90 C : et y’en avait un autre mais shai plus lequel [silence]
91 M : alors on va prendre l’exemple du mot « cerise » si vous voulez bien C, si vous en êtes d’accord
92 C : oui, oui
93 M : euh l’exemple du mot « cerise », vous avez hésité donc, pour vous, se dire est-ce que c’est « un s », est-ce que c’est « deux s », hein, comment vous avez fait pour trouver la bonne manière d’écrire ?
94 C : bah j’ai écrit ce qui m’a semblé, ça m’a passé par la tête comme ça, j’ai écrit quoi
95 M : hum, hum
96 C : mais bon j’ai peut-être faux hein [rires]
97 M : oui ça on verra après ça
98 C : oui, oui
99 M : c’est pas très grave hein, comme je vous le disais les erreurs sont pas très importantes, euh ça vous a, vous avez écrit comme ça vous passait par la tête
100 C : bah oui, quand j’ai épelé, j’ai écrit comme ça après
101 M : hum, hum
102 C : et même en relisant une deuxième fois, je sais toujours pas si [silence] non
103 M : et là quand vous l’avez épelé c’était une image, l’image de la cerise, ou le son ?
104 C : bah toujours les sons plus
105 M : le son ?
106 C : ouais
107 M : hum, hum [long silence] d’accord, très bien [long silence]
C ponctue ses propos d’un jugement de valeur, se dévalorisant : « c’est des mots simples en plus ».
Un peu plus loin, C se centre sur le résultat : « j’ai peut-être faux » davantage que sur la procédure. Je la rassure en redisant une consigne que j’avais déjà formulée avant l’entretien.
108 M : donc comment vous, vous avez fait pour euh vous dire « bon je l’écris comme ça » ?
109 C : bah ouais
110 M : vous avez dit « je, je me le suis épelé »
111 C : bah oui, pis j’ai écrit comme ça hein
112 M : voilà, et vous avez écrit comme ça
113 C : mais pourquoi, je sais pas
114 M : ou comment vous avez fait pour l’écrire comme ça
115 C : ouais, bah ouais, non je sais pas
116 M : je vous propose de bien revenir dans la situation de la cerise
117 C : oui bah oui
118 M : hein, de bien laisser revenir à vous cette situation, du moment où vous avez entendu le mot « cerise » et du moment où vous l’avez écrit, et entre le moment où vous l’avez entendu et le moment où vous l’avez écrit, des choses se sont passées dans votre tête
119 C : bah ça se peut que je l’ai vu en image quand même, je sais pas trop mais [rires]
120 M : ouais [silence] et qu’est-ce qui s’est passé dans votre tête justement, entre le moment où vous l’avez entendu et le moment où vous l’avez écrit ? [silence]
121 C : bah je réfléchissais si fallait « un s » ou deux [rires]
122 M : ouais
123 C : y’a que ça, y’a que ça
124 M : hum, hum, et pis comment vous faisiez pour savoir si c’était « un s » ou « deux s », qu’est-ce que vous vous disiez dans votre tête ?
125 C : bah je disais le mot, c’est tout quoi, « cerise » mais
126 M : « cerise » ouais
127 C : mais non, je voyais toujours pas [silence]
J’arrive à un point de butée. J’essaie de favoriser l’évocation en demandant à C de laisser revenir la situation. Mon propos semble inductif puisque C indique qu’elle a peut-être eu une image du mot « cerise », ou de la cerise.
Plus loin, j’induis un type de fonctionnement mental : « qu’est-ce que vous vous disiez dans votre tête ». Entendre des sons ne correspond pas forcément au fait qu’on se dise quelque chose dans sa tête.
128 M : et finalement, comment vous l’avez écrit ?
129 C : bah je crois que j’ai mis « deux s »
130 M : vous avez mis « deux s »
131 C : il me semble ouais
132 M : hum, hum [silence] vous avez mis « deux s », d’accord, donc pour vous, ça, ça fait « cerise »
133 C : bah je sais pas trop en fait hein
134 M : hum, hum
135 C : j’hésite encore [rires]
136 M : vous hésitez encore
137 C : ouais
138 M : hum, hum [long silence] et quand vous vous épelez le mot « cerise » dans votre tête, comment ça se passe ?
139 C : bah je vois toujours pas si y’a « un s » ou deux en fait, le début je le vois bien c, e, r, i, ça va, mais après [rires] après c’est plus compliqué
140 M : vous le voyez, c’est à dire vous avez une image ?
141 C : bah oui quand même
142 M : est-ce que vous pouvez me la décrire cette image ?
143 C : bah c’est le fruit, la cerise quoi ou les cerises
144 M : hum, hum [long silence]
145 C : mais bon ça m’aide pas l’image
146 M : l’image ne vous aide pas
147 C : non je pense pas parce que
148 M : est-ce que c’est l’image du mot ?
149 C : bah oui c’est l’image du mot en fait ouais
150 M : hum, hum, et est-ce que c’est ça qui vous aide ou plutôt le son du mot ?
151 C : bah je crois que c’est plutôt le son du mot normalement qui m’aide, ouais
152 M : hum, hum
153 C : mais bon [silence]
154 M : normalement, c’est-à-dire euh d’habitude ou dans cette situation-là en particulier ?
155 C : bah dans cette situation-là ouais, mais même les autres fois normalement c’est le truc du nom là ouais
156 M : hum, hum [silence]
Ma première question se centre sur le résultat, alors que je devrais interroger la procédure, le vécu de l’action. Cela sème encore une fois le doute chez C.
157 M : d’accord, est-ce qu’y a d’autres mots sur lesquels vous avez hésité ?
158 C : bah oui, je sais que c’est le truc de verbe quand y’avait « e, z » ou « e, r » mais
159 M : ouais
160 C : ouais ça doit être « ajoutez », « versez », des trucs comme ça quoi, mais bon c’est pareil pour savoir si c’est un « r » ou un « z » euh
161 M : alors comment vous avez fait ? Prenez-en un, prenez un exemple, quel exemple vous voulez prendre C ?
162 C : bah « versez » là par exemple
163 M : « versez », alors je vous propose, si vous en êtes d’accord C, de nous arrêter sur « versez », « e, z » ou « e, r », vous retrouvez bien la situation ?
164 C : bah un petit peu mais shai plus trop ce qu’y avait après comme mot alors « versez », ah si par exemple « versez les cerises dans le moule », par exemple, alors c’est « versez »
165 M : ouais
166 C : fin shai plus si c’était comme ça mais bref
167 M : hum, hum
168 C : je sais que c’est « versez » toujours [rires]
169 M : hum, hum
170 C : « versez » [long silence] ouais parce que normalement y’a quelque chose de grammaire avec ça mais
171 M : y’a quelque chose de grammaire avec ça
172 C : ouais
173 M : ouais, c’est-à-dire ?
174 C : bah y’a des, je sais pas comment dire [silence] y’a des règles à respecter quoi
175 M : hum, hum [silence] comment vous avez fait, juste à ce moment-là, au moment où il fallait écrire, soit « z », soit « r » ?
176 C : [silence] bah c’est pareil, comme tout à l’heure, y’a la prononciation mais c’est pas évident quoi
177 M : alors qu’est-ce qu’est pas évident C ?
178 C : bah si c’est un « r » ou un « z » tout simplement, juste toujours la fin du mot [rires]
179 M : hum, hum
180 C : pas le début mais la fin du mot
181 M : hum, hum
182 C : non mais y’a des règles à savoir avec ça, de grammaire, comme le « a » par exemple, le « a » avec accent quand on peut dire « avait » ou quand on peut pas
183 M : hum, hum
184 C : et là c’est pareil avec le « r » et le « z » mais je l’ai plus en tête en fait, les règles de grammaire
185 M : hum, hum, et vous avez cherché la règle de grammaire à ce moment-là ?
186 C : bah non pas spécialement mais
187 M : c’est maintenant que vous prenez conscience qu’y avait des règles de grammaire ?
188 C : ouais, ouais, bah si j’en ai pris quand même conscience euh en faisant la dictée mais bon pour réfléchir si c’est un « r » ou un « z » euh, le « a » je sais, c’est avec l’histoire du « avait », mais le « r » et le « z » euh non je me souviens plus, mais je crois que y’a quelque chose quand même à voir avec les règles de grammaire
189 M : hum, hum
190 C : voilà [rires]
191 M : d’accord [silence]
Malgré quelques imprécisions (Cf. « le truc de verbe », « quelque chose de grammaire »), C maîtrise des aspects du métalangage relatif à la langue : elle évoque le verbe, la grammaire, … Elle maîtrise également la règle de grammaire permettant d’orthographier correctement le « a » avec ou sans accent.
En évoquant les règles de grammaire, C se centre une nouvelle fois sur le résultat et non la procédure qui l’a amenée au résultat. Elle aimerait peut-être que je lui dise cette règle de grammaire.
192 M : et comment vous vous l’êtes épelé « versez » ?
193 C : bah dans la tête pis après j’ai écrit comme avec « cerise », v, e, r, s, e, pis après z ou r, c’est là que ça bloque [rires]
194 M : hum, hum [silence] et comment ça vous revient le « v » ? le « v » du début ?
195 C : bah si ça, sans problème, le « v » ça va, c’est toujours la fin, c’est tout [silence] c’est bizarre [long silence]
196 M : et quand ça marche bien, comme le « v », le « e », le « r », le « s »
197 C : ouais
198 M : le « e »
199 C : bah ça va plus vite avec [inaudible] [rires]
200 M : et comment ça se passe dans votre tête, si vous retrouvez bien la situation ?
201 C : bah ça passe, ça se passe que y’a pas de problèmes quoi, y’a que la fin du mot que, qui pose problème, la dernière, dans les dernières lettres quoi, ouais c’est par rapport à chaque lettre en fait
202 M : par rapport à chaque lettre ?
203 C : ouais
204 M : c’est-à-dire ?
205 C : bah les premières lettres ça va, pis les dernières ça va pas
206 M : hum, hum
207 C : l’orthographe du mot
208 M : hum, hum
209 C : ouais je crois que c’est comme ça
210 M : et comment vous savez que ça va bien pour les premières lettres ?
211 C : et bah ça [long silence] là je sais pas
212 M : parce que vous disiez « ça va bien pour les premières lettres », je sais que c’est v, e, r, s, e, alors comment vous le savez ça ? [silence]
213 C : bah alors là euh [long silence] ouais bah là c’est compliqué là
214 M : alors qu’est-ce qu’est compliqué C ?
215 C : bah je sais pas comment expliquer ça moi
216 M : vous savez pas comment l’expliquer ?
217 C : bah non [silence] moi y’a que la fin de la dernière lettre que [silence] bah qui bloque là, je sais pas si c’est le « z » ou le « r »
218 M : hum, hum [silence] alors qu’est-ce qui vous empêche de l’expliquer ? [long silence]
219 C : bah je sais pas le début euh peut-être que je sais l’écrire et pis pas la fin ou shai pas
220 M : hum, hum
221 C : non je vois pas
222 M : hum, hum [long silence]
Deux discours tenus en parallèle émergent : le mien vise à interroger C sur le vécu de diverses actions ; celui de C se centre sur le résultat, non sur la procédure.
223 M : d’accord [long silence] et après « versez » y’avait le mot « dans » je crois
224 C : ouais, d, a, n, s, ouais
225 M : hum, hum, comment ça vous vient ça « d, a, n, s » ? vous venez de le dire là, juste à ce moment-là, et juste au moment où vous venez de le dire, comment vous avez fait pour le dire ?
226 C : ah là, là [rires] [silence] pff, je sais pas moi, ça vient comme ça, je sais pas, ça vient comme ça, ouais, bah ouais je pense [silence] ah, ça y est
227 M : oui
228 C : par la prononciation
229 M : par la prononciation ?
230 C : ouais pour savoir si c’est « an » ou « en » peut-être
231 M : hum, hum
232 C : fin c’est une supposition hein, je pense hein parce que je suis pas sûre
233 M : par la prononciation, est-ce que vous pouvez développer un petit peu C ?
234 C : bah alors là, « d, a, n, s », bah non c’est « dans », c’est quand on le lit alors, ah non je sais pas développer moi
235 M : hum, c’est quand on le lit, c’est-à-dire, qu’est-ce que vous voulez dire par là ?
236 C : bah la lecture de la dictée par exemple, on prononce chaque mot quoi, le mot, shai pas
237 M : ce qui vous a aidée, c’est quand j’ai prononcé, c’est ça ?
238 C : ouais je pense, ouais, comme toutes les dictées c’est pareil
239 M : hum, hum [silence] ça vous a aidée
On peut réussir une action sans avoir conscience des procédures qui ont permis d’arriver à cette action. Ici, je bute sur une connaissance en acte.
Puis C parvient à trouver une procédure : « par la prononciation ». Mon écho interrogatif : « par la prononciation ? » l’amène soudain à douter.
240 M : j’ai dit « dans » et après, qu’est-ce qui s’est passé juste après ?
241 C : bah j’ai écrit
242 M : hum, hum, mais entre le moment où vous avez entendu et le moment où vous avez écrit
243 C : bah on réfléchit à comment l’écrire quand même
244 M : ouais, et comment ça se passe quand vous réfléchissez ?
245 C : bah ouais, c’est ça [rires]
246 M : c’est ça qui serait intéressant de savoir [long silence]
247 C : bah on réfléchit si c’est « en » ou « an » mais [silence] bah ouais je sais pas comment développer ça moi [long silence] non je vois pas
248 M : hum, hum
249 C : ou alors par rapport à la phrase peut-être je sais pas
250 M : ouais par rapport à la phrase
251 C : ouais
252 M : [silence] c’est-à-dire par rapport à la phrase ?
253 C : bah par rapport aux mots qu’y a avant pis les mots qu’y a après
254 M : hum, hum
255 C : à part ça euh je vois pas
256 M : les mots qu’y a avant et les mots qu’y a après vous aident en fait
257 C : ouais [silence] surtout avant peut-être, les mots qu’y a avant
258 M : les mots qu’y a avant surtout
259 C : ouais je pense
260 M : hum, hum [silence]
Dans mes propos, un jugement de valeur intervient : « c’est ça qui serait intéressant de savoir », comme si les autres interventions de C avait moins de valeur.
C emploie le « on », ce qui témoigne d’une généralisation, montrant qu’elle sort de l’évocation.
261 M : et quand vous dites ça, au moment où vous le dites, vous voyez des images ou vous entendez des sons ?
262 C : bah j’entends plus des sons je pense quand même
263 M : hum, hum
264 C : en fait ça dépend des mots, y’a, y’a peut-être des mots que je vois plus des images
265 M : hum, hum, comme quels mots par exemple ?
266 C : bah « cerise », « yaourt », tout à l’heure, je crois que je devais voir les images quand même
267 M : hum, hum
268 C : que là dans le saladier par exemple, je pense pas que je vois l’image pareil, avec le mot « dans », mais le mot « saladier » peut-être que je vois le saladier [rires] voilà par exemple, je sais pas
269 M : hum, hum, donc c’est la phrase qui vous aide et les mots qu’y a écrit avant
270 C : ouais, je suppose oui
271 M : hein, « versez dans »
272 C : ouais, ouais
273 M : le mot « versez » vous a aidée à écrire le mot « dans »
274 C : oui normalement, dans la continuité de la phrase quoi, ouais
275 M : hum [silence]
276 C : fin c’est une impression, je sais pas trop
277 M : ouais, mais c’est ce qui se passe dans votre tête, vous décrivez ce qui se passe dans votre tête et y’a pas de bonnes ni de mauvaises réponses, hein c’est vous qui savez ce qui se passe dans votre tête [silence] je peux pas me mettre dans votre tête pour savoir ce qui se passe
278 C : ah bah non
279 M : hein [long silence] est-ce que vous avez d’autres choses à rajouter sur comment ça s’est passé cette dictée ?
280 C : bah non, pff, comme ça s’est passé très bien alors [rires]
281 M : ouais, et comment vous savez que ça s’est passé très bien ?
282 C : bah parce que c’est, j’aime faire ça et pis c’est intéressant de faire des dictées donc euh, j’ai trouvé ça intéressant, en plus c’est le thème que c’était
283 M : hum, hum
284 C : oui
285 M : hum, d’accord, est-ce que vous voyez d’autres choses à rajouter euh C qu’on n’aurait pas abordées aujourd’hui ?
286 C : bah non je vois pas
287 M : sur comment vous avez fait ?
288 C : bah non parce que y’a que ça, y’a que épeler les noms et pis écrire et pis c’est tout hein
289 M : hum, hum [silence]
290 C : non bah y’a que ça oui
291 M : d’accord, donc on s’en tient là pour aujourd’hui ?
292 C : d’accord
293 M : très bien
Les mots renvoyant à un objet concret induisent-ils plus une image (Cf. l’exemple du saladier) alors que les mots plus abstraits (tels « dans ») induisent davantage un son ?
Par rapport aux doutes de C concernant ses procédures à l’œuvre durant les actions décrites, je redonne la consigne formulée avant l’entretien : il n’y a ni bonnes ni mauvaises réponses.