Annexe 27 : Entretien d’explicitation n°3 – Christine

Dispositif : enquête

Date de l’entretien : 14/06/06

Durée : environ 30-35 minutes

Lieu : S

Exercice : Fiche écriture n°26 : « comprendre l’importance de la mise en page ». Exercice 1 et exercice 2 (question 1).

Transcription :

Conventions :

M : moi, l’interviewer

C : Christine, l’interviewée

1 M : voilà donc C. je vous propose de revenir euh à la première partie de l’exercice, hein euh, à un moment donné de l’exercice, on vous demandait de voir les différences entre deux textes, hein
2 C : oui
3 M : donc c’était une recette de cuisine, vous étiez assise à cette table-là
4 C : oui
5 M : cette chaise-là, y’avait la feuille là sous vos yeux, vous aviez le crayon dans votre main droite, vous aviez une feuille de brouillon euh et on vous demandait de retrouver les différences, vous retrouvez bien la situation ?
6 C : oui je, je la retrouve
Je recontextualise la situation pour favoriser l’évocation chez C.
7 M : oui, alors comment vous avez fait pour repérer les différences entre les deux textes ?
8 C : par rapport à la présentation de la feuille
M : hum, hum
9 C : et un texte qu’était séparé en 3 paragraphes et l’autre texte qu’était en lecture d’affilée quoi
10 M : hum, hum [silence] et par quoi avez-vous commencé ?
11 C : bah j’ai commencé par lire le texte 1 plusieurs fois, puis lire le texte 2
12 M : ouais
13 C : et pour moi, ça m’a paru le texte 2 euh plus facile à lire, mais pour d’autres c’est peut-être le texte 1 par rapport à la présentation peut-être
14 M : hum, hum, donc vous avez commencé par lire le texte
15 C : oui, bien le lire
16 M : bien le lire
17 C : oui pour bien comprendre [rires]
18 M : pour bien comprendre
19 C : ouais
Très vite, C. se centre sur les réponses à donner à l’exercice 1, sur le résultat et non la procédure. Elle n’est pas sûre de sa réponse.
On soulignera une maîtrise du métalangage chez C. par rapport aux concepts suivants : « texte », « paragraphe », « en lecture d’affilée ».
20 M : d’accord, et qu’est-ce que vous avez fait ensuite ?
21 C : [silence] bah [long silence] j’ai trouvé que le texte 2 j’y arrivais mieux à lire les phrases en continuité comme ça
22 M : ouais, ouais [silence] hum, hum [silence] donc le texte 2 c’était plus facile pour vous ?
23 C : bah ça m’a donné cette impression-là ouais
24 M : hum, hum [silence]
C. est dans une procédure d’auto-évaluation et non dans une restitution d’un vécu d’action.
25 M : et comment vous avez fait pour voir que c’était la présentation qui était différente ?
26 C : bah parce que bah les paragraphes, bah celui du texte 1, sont séparés on va dire je sais pas
27 M : hum, hum [silence] comment vous avez su qu’ils étaient séparés ?
28 C : bah en regardant le texte et en lisant, là dans la feuille, ouais
29 M : hum, hum [silence] comment vous avez fait pour euh, pour lire le texte ?
30 C : [silence] bah je l’ai lu dans ma tête
31 M : hum, hum
32 C : tout bas [rires]
33 M : hum, hum, tout bas dans votre tête
34 C : ouais
35 M : ouais
S’ensuit une série de focalisations, à visée de fragmentation, dont les réponses ne sont pas explorées avec exhaustivité.
36 M : donc c’étaient plus des sons qui se formaient dans votre tête ou des, des images que vous voyiez ?
37 C : euh bah non c’étaient des images
38 M : des images ?
39 C : oui, avec le batteur électrique par exemple
40 M : hum, hum
41 C : ouais [silence]
42 M : ça faisait quelles autres images euh sinon
43 C : bah je voyais les ingrédients, le fromage blanc, tout ça, le sucre
44 M : hum, hum
45 C : disons que je me voyais en train de faire ça quoi
46 M : d’accord, hum, hum [silence] donc vous avez plutôt vu des images ?
47 C : oui
48 M : quand vous avez lu [long silence]
En lisant le texte, des images apparaissent à C., très concrètes, liées aux ustensiles et ingrédients utilisés dans la recette. Elle se voit concrètement en train de réaliser la recette, au fur et à mesure qu’elle la lit.
49 M : donc vous avez lu le texte
50 C : ouais
51 M : vous avez ensuite vu les différences, que la présentation était pas la même
52 C : oui mais j’ai vu que ça
53 M : hum, hum [silence]
54 C : bah oui parce que ç’aurait été mettons en italiques, j’aurais pu dire ça mais comme ça y était pas, même c’était pas en caractères gras tout ça quoi
55 M : qu’est-ce qu’était pas en italiques et en caractères gras ?
56 C : bah par exemple, y’aurait eu un texte qu’aurait été bah comme le premier par exemple et pis le deuxième tout en italiques ou tout en gras
57 M : hum, hum
58 C : j’aurais pu voir une autre différence quoi [rires]
59 M : hum, hum
60 C : mais là y’avait pas ça [rires] [silence] ç’aurait été plus facile pour trouver les différences [rires]
61 M : d’accord, ouais, d’accord [silence] donc vous avez vu les différences entre les deux, les deux textes ?
62 C : oui, bah oui, par la présentation, les paragraphes quoi
63 M : la présentation, les paragraphes
De nouveau, surgit l’auto-évaluation (« mais j’ai vu que ça », sous-entendu : peut-être fallait-il voir d’autres éléments).
Nous pouvons également souligner la maîtrise des marques typographiques, à travers les mots « italiques » et « caractères gras ».
64 M : et on va, je vous propose, si vous en êtes d’accord, C, de nous arrêter sur un paragraphe
65 C : oui, bah oui
66 M : vous en trouvez un dans votre tête ? même si vous n’avez pas tous les mots euh
67 C : oui, bah oui, oui
68 M : oui ? hein, euh, comment vous savez, juste à ce moment-là, que c’est un paragraphe ?
69 C : [silence] parce que je sais qu’y en a trois et pis y’a plusieurs phrases dans un paragraphe, donc euh, donc voilà quoi
70 M : et comment vous savez que c’est une phrase ce que vous voyez ?
71 C : parce que bah c’est des mots qui se suivent et pis par le point, la virgule euh
72 M : hum, hum
73 C : ouais
74 M : hum, hum
75 C : la ponctualité quoi, ouais le point, la virgule, c’est ça [long silence]
J’opère une focalisation qui peut induire un recours à des connaissances métalinguistiques, mais pas forcément à un vécu de l’action. C’est ce qui se passe d’ailleurs. C confond « ponctualité » et « ponctuation ».
76 M : et pour vous le texte le plus facile, c’était le numéro 2 alors ?
77 C : bah oui, parce que c’était à se suivre quand même
78 M : hum, hum
79 C : ouais parce que par exemple, si on commence une recette par exemple, on sait tout de suite les ingrédients, on sait après tout de suite ce qu’y a à faire, que l’autre ça donne pas l’impression pareil
80 M : hum, hum
81 C : bah pour moi, toujours, pour moi parce que pour d’autres c’est peut-être l’inverse, c’est peut-être la présentation qui les aide davantage à comprendre, comme c’est plus espacé et moins long à lire, pour moi j’aime bien lire les phrases, hop, entièrement, quitte à les relire deux ou trois fois pour les comprendre mais
82 M : hum, hum
83 C : ouais
84 M : d’accord [silence] donc ça explique pourquoi le texte est plus facile pour vous
85 C : ouais voilà
86 M : hein
Les propos de C témoignent d’un fonctionnement séquentiel (texte 2) et non dans la globalité (texte 1).
C a le souci de nuancer ses propos, elle a conscience de la multiplicité des fonctionnements mentaux.
Ma question initiale a débouché sur l’explication d’une cause (pourquoi le texte le plus facile était le numéro 2) et non sur le vécu de l’action.
87 C : alors j’ai compris que fallait faire le gâteau un jour ou deux à l’avance et qu’il, qu’on n’en avait que pour ¼ d’heure de préparation et que c’était un gâteau sans cuisson
88 M : hum, hum [silence] d’accord, vous avez retenu ça
89 C : oui voilà j’ai retenu ça
90 M : et comment vous avez fait pour retenir ça euh C ?
91 C : alors là, bah si par les phrases
92 M : hum, hum [silence]
93 C : dans la lecture en fait des phrases
94 M : hum, hum
95 C : et puis un gâteau sans cuisson c’est intéressant quand on est pressé
96 M : ouais
97 C : mais bon faut quand même le faire un jour ou deux à l’avance quand même, ouais [silence] ouais c’est par les phrases hein que j’ai retenu ça
Le sens et l’aspect motivationnel jouent dans la rétention des informations ; mais encore une fois, c’est davantage l’explication d’une cause que le vécu de l’action qui est mise en avant.
98 M : hum, hum, donc tout à l’heure vous avez dit euh, « j’ai retenu telle chose, telle chose, telle chose », hein, je vous ai demandé comment euh vous avez fait, vous m’avez dit « par les phrases »
99 C : ouais pis la ponctualité quand même, les points et les virgules
100 M : par les points et les virgules
101 C : ouais
102 M : hum, hum, la ponctualité ouais
103 C : et pis bah un petit peu par euh les images, de voir comment faire quoi, avec le saladier, le sucre euh, battre les œufs en truc là et tout ça quoi
104 M : hum, hum, hum, les images vous ont aidée également euh
105 C : oui
106 M : à mémoriser le texte
107 C : oui parce que l’appareil électrique j’ai bien retenu [rires]
108 M : hum, hum
109 C : ouais [silence]
110 M : est-ce qu’il y a d’autres choses que vous avez retenues ?
111 C : bah le saladier, pis un petit peu les ingrédients quand même mais pas dans l’ordre par contre
112 M : hum, hum
113 C : je sais qu’y a les œufs, le fromage blanc, le sucre [long silence] bon je vais pas en dire plus parce que je vais mélanger avec les numéros des [rires] parce que je m’apprêtais à dire « sel et poivre » alors euh je crois que c’est dans le deux ça, donc euh j’arrête là
C indique les éléments qui l’ont aidée à mémoriser certains points du texte : les phrases, la ponctuation ainsi que les images.
114 M : hum, hum, et là aussi vous venez de me dire des ingrédients hein euh, juste au moment où vous avez redit ces ingrédients, comment vous avez fait euh C ?
115 C : bah j’ai relu mon texte au début, parce que ça en parlait au début des ingrédients
116 M : vous avez relu dans votre tête, c’est ça ?
117 C : oui, oui
118 M : ouais
119 C : ouais, pis bah tout de suite j’ai revu le saladier, battre les œufs [rires], pis bah encore le batteur là qui revient, mais je sais pas dans l’ordre c’est tout quoi
120 M : hum
121 C : si y’avait un torchon plus loin
122 M : alors comment il vous est revenu ce torchon ?
123 C : bah dans la continuité des phrases, mais très bien, je crois que c’est dans la fin du paragraphe ça
Après une question de mise en situation d’une action de rétention, j’opère une focalisation relative au vécu de cette action. C relit dans sa tête le texte, revoit des images. Le torchon qu’elle évoque lui est revenu « dans la continuité des phrases » : autrement dit, elle a déroulé la liste des ingrédients jusqu’à parvenir au torchon, ce qui témoigne d’un fonctionnement dans la séquentialité.
124 M : et là comment vous faites là juste à ce moment-là pour me dire que c’est à la fin ?
125 C : bah je sais que c’est à la fin que j’ai lu ce mot-là mais [long silence]
126 M : et comment vous le saviez euh C ?
127 C : bah en relisant le texte dans ma tête mais j’aperçois que des mots alors
128 M : hum, hum
129 C : pas forcément des phrases mais
130 M : hum, hum [silence]
131 C : bah je réfléchis à ce que j’ai lu quoi je sais pas
132 M : ouais, vous réfléchissez à ce que vous avez lu, ouais
133 C : oui parce que c’était « repliez le torchon dans la pâte » un truc comme ça
134 M : hum, hum
135 C : ou alors « mettre la pâte et pis replier dans le torchon » ouais, bah c’est une histoire comme ça ouais [rires]
136 M : hum, hum, d’accord,
Une consigne lui revient qui ressemble, à un mot près, à la consigne de la recette. C a du mal a expliciter la manière par laquelle ces mots lui reviennent : « je réfléchis à ce que j’ai lu ».
137 M : bien, donc si on reprend un petit peu ce premier exercice euh, vous avez commencé par bien lire les deux textes pour bien les comprendre, hein
138 C : oui
139 M : et puis ensuite, vous avez comparé les deux textes
140 C : oui les deux textes voulaient dire pareil
141 M : voilà
142 C : oui
143 M : les deux textes voulaient dire pareil, ouais, et vous avez vu que euh la différence c’était la présentation
144 C : oui
145 M : et les trois paragraphes séparés dans l’un, alors qu’il y en avait qu’un seul dans l’autre
146 C : oui ça j’ai vu ça, au premier coup d’œil hop [rires]
147 M : au premier coup d’œil
148 C : oui
149 M : hein, voilà, et puis on a travaillé à comment euh ça vous revenait les mots, les images, fin les mots
150 C : oui
151 M : ça vous revient par les images, par les phrases que vous lisez dans votre tête euh
152 C : et par le matériel aussi, batteur, saladier
153 M : voilà, et par le matériel
154 C : ouais
155 M : batteur, saladier, etcetera, voilà, on a fait le tour de la première situation ?
156 C : oui, bah oui
Je résume ici la manière dont C s’y est prise pour faire le premier exercice. Elle n’hésite pas à compléter mes propos.
157 M : alors, je vous propose, si vous en êtes d’accord de revenir à la deuxième partie de l’exercice, on vous demandait de recopier
158 C : un texte
159 M : un texte
160 C : oui
161 M : voilà, hein, on vous demandait de recopier un texte, donc là aussi vous étiez assise ici
162 C : oui [rires]
163 M : avec la feuille sous les yeux, avec le crayon dans la main droite, avec une feuille auprès de vous
164 C : ouais toujours
165 M : hein, toujours
166 C : ouais
167 M : est-ce que vous retrouvez bien la situation ?
Nous arrivons au deuxième exercice, question 1.
Je recontextualise la situation (de manière parfois peu adaptée, trop simpliste : « vous étiez assise ici » [rires], ce qui tranche nettement avec d’autres parties de l’entretien, davantage abstraites) afin de favoriser l’évocation.
168 C : oui, je retrouve même le début, le titre « ratatouille » [rires]
169 M : « ratatouille »
170 C : oui
171 M : alors, là aussi, comment vous faites pour retrouver le, le début ?
172 C : bah c’est un souvenir
173 M : c’est un souvenir
174 C : un souvenir de ce que j’ai vu quoi
175 M : et comment il vous revient ce souvenir ?
176 C : par l’avoir lu
177 M : par l’avoir lu
178 C : ouais, bah y’a des choses qu’on retient mieux que d’autres en fait
179 M : pour vous, y’a des choses que vous retenez mieux que d’autres ?
180 C : bah oui, oui
181 M : hum, hum, et là c’est « ratatouille » que vous avez mieux retenu ?
182 C : ah bah si, bah les ingrédients aussi, à peu près [rires]
183 M : ouais
184 C : bah oui parce que y’avait des courgettes, y’avait des poivrons rouges et poivrons verts, des tomates bien mûres [rires] j’ai retenu, qu’est-ce qu’y avait d’autre euh, bah si y’avait ail et basilic, persil, sel et poivre, aubergine, bah ça oui, aubergine, oignon je crois, et pis c’est tout, et deux gousses d’ail
185 M : alors là, vous avez fait un effort pour vous souvenir de ce qui vous revenait
186 C : oui
187 M : hein, comment vous avez fait pour vous souvenir de ça ?
188 C : bah pff, c’est venu comme ça parce que j’avais vu ça avant quoi
189 M : c’est venu comme ça ?
190 C : ouais, pis bah parce que je l’ai écrit aussi, je retiens mieux quand j’écris
191 M : hum, hum
192 C : euh je crois ouais
193 M : hum, hum [silence]
194 C : pis je connais ces légumes-là, ces mots-là je les connais plus euh, peut-être que j’en parle plus couramment je sais pas ouais
195 M : hum, hum
Il me semble, au vu des séances précédentes, que C s’est mise en projet, durant les deux exercices, de retenir le maximum de mots, de phrases, … afin de me les redire, croyant ainsi répondre à mes attentes. Les focalisations portent donc sur le vécu de l’acte de mémorisation.
196 M : et comment vous faites, est-ce que c’est des images qui vous reviennent dans votre tête soudain, ou est-ce que c’est des sons qui vous reviennent soudain ?
197 C : bah là y’a les deux, y’a les images et pis les sons, pis les mots
198 M : ouais
199 C : y’en a trois en fait, fin les sons et les mots c’est pareil
200 M : alors je vous propose C, si vous en êtes d’accord, de m’expliquer comment les images, les sons et les mots vous reviennent
201 C : alors les images, c’est par les tomates, parce que bon bah y’a la couleur rouge, les courgettes c’est vert, les poivrons rouges et verts bon bah c’est la couleur aussi que je vois, les oignons bon bah c’est la couleur jaune là quand on épluche euh l’oignon, pis bah oui y’a les oignons blancs aussi, par le truc blanc là, les gousses d’ail bon bah c’est blanc, oui c’est par la couleur en fait
202 M : hum, hum
203 C : que je reconnais les images, et l’aubergine bah c’est moitié noir ça, noir shai pas quelle couleur [rires]
204 M : hum, hum
205 C : et pis les sons ben c’est quand j’épelle le mot, par exemple « aubergines », les lettres a, u, b, e, r, g, i, n, e, s, ouais c’est ça les mots, l’épellation des mots
206 M : l’épellation des mots, ça vous aide
207 C : ouais, beaucoup oui
208 M : hum, hum [silence] ça vous aide à vous souvenir
209 C : oui [silence]
210 M : et comment ça vous aide à vous souvenir euh C ?
211 C : bah pour écrire sans doute je pense
212 M : hum, hum
213 C : et pis par la prononciation, mais bon ça revient à l’épellation [silence] ouais voilà
214 M : hum, hum
C décrit finement la manière dont les images lui reviennent : « c’est par la couleur », et elle donne de nombreux exemples. Quant aux sons, elle épelle les mots, ce qui témoigne d’un fonctionnement séquentiel. Notons une bonne maîtrise de la lecture-écriture quand elle épelle le mot « aubergines » sans hésiter ni se tromper. Soulignons également la maîtrise du métalangage, à travers le terme « épellation ».
215 M : alors je vous propose, C, de revenir si vous en êtes d’accord au moment où vous avez recopié le, le texte euh comment avez-vous fait pour recopier la recette de cuisine en améliorant la mise en page ?
216 C : [silence] bah j’ai pensé à une présentation à moi enfin que j’ai vu des fois sur les livres
217 M : ouais
218 C : ouais [silence] ouais à part ça euh
219 M : comment elle est là cette présentation à vous ?
220 C : bah elle est un peu de, à la suite quoi
221 M : hum, hum
222 C : mais j’en ai fait deux, remarque, mais, ouais l’autre j’ai fait comme le premier texte quand même, avec les ingrédients là
223 M : hum, hum
C est soucieuse des fonctionnements mentaux de chacun : ainsi, elle a réalisé deux présentations, l’une pour elle (où les mots sont écrits « à la suite »), l’autre sur le modèle du premier texte de l’exercice 1.
224 M : alors on va s’arrêter, si vous en êtes d’accord, sur le premier texte que, la première copie que vous avez faite
225 C : oui j’ai écrit tout d’affilée
226 M : tout d’affilée
227 C : ouais
228 M : et là, comment vous avez fait pour écrire tout d’affilée ?
229 C : bah j’ai écrit les mots à se suivre, en faisant attention à la ponctuation quand même, les virgules, les parenthèses
230 M : hum, hum [silence]
231 C : et j’ai rajouté des mots je crois bien, parce que tout d’un coup y’avait marqué « préparez tous les légumes » et moi j’ai mis les légumes à suivre
232 M : hum, hum, hum [silence]
233 C : bah oui en recopiant le texte quand même
234 M : ouais [silence] et puis pour la deuxième présentation, comment vous vous y êtes prise pour recopier le texte en améliorant la mise en page ?
235 C : bah j’ai fait des petits traits et pis j’ai mis chaque légume, chaque ingrédient, intercalé en deux, en deux shai pas quoi [rires] pas paragraphes, mais en deux parties on va dire
236 M : hum, hum
237 C : même trois si on veut, pis après bah j’ai recopié les, le paragraphe euh en essayant de pas dépasser la feuille, enfin je sais pas comment dire euh
238 M : hum, hum
239 C : que les mots soient alignés à peu près quoi
240 M : hum, hum
241 C : pis j’ai fait les petits points pour essayer de pas dépasser en fait shai pas
242 M : hum
En expliquant la procédure d’écriture qui l’a amenée au résultat final, C manifeste une maîtrise du métalangage : « les virgules, les parenthèses ». Elle hésite dans le choix des mots venant désigner la réalité graphique qu’elle a produite : « parties », « paragraphes » (elle veut en fait désigner les colonnes). A noter également : mes questions font appel à un vocabulaire abstrait : « en améliorant la mise en page ».
243 M : et comment ça vous est venu l’idée de cette présentation ?
244 C : bah parce que j’aime bien cette présentation là moi, faire des petits points pour euh, pour voir où que je suis rendue après quand la phrase est finie pis revenir au, à l’autre phrase, au point de départ quoi, fin, au début de l’autre phrase
245 M : hum, hum, hum [long silence] donc vous avez fait des petits points ?
246 C : oui
247 M : hum, hum [silence] c’est comme ça que vous vous y êtes prise ?
248 C : oui, bah oui, ou alors j’ai pensé les faire et je les ai peut-être pas faits, mais je ne sais plus, mais j’ai pensé à en faire toujours, mais c’est vrai que j’ai peut-être pas fait sur la feuille, maintenant que ça me revient [rires] pourtant l’autre fois je les ai bien faits, je sais, aux légumes, aux courgettes, oignons tout ça, poivrons, je sais que je les ai faits
249 M : et comment vous le savez euh C ?
250 C : bah, je le sais parce que bah je l’ai fait [rires] pour séparer les légumes euh pour mieux voir les légumes différents
251 M : hum, hum
252 C : pour mieux s’organiser en fait
253 M : hum, hum [silence]
254 C : ouais bah ouais, et en plus comme y’a les chiffres, deux poivrons rouges, deux poivrons verts euh, deux gousses d’ail euh, on s’organise mieux quand y’a deux quoi, quand y’a le nombre avec
255 M : hum, hum
256 C : ou alors les grammes, quand y’a les grammes
257 M : hum, hum, vous vous organisez mieux quand y’a le nombre avec ou quand y’a les grammes
258 C : oui, parce que sinon ça fait des calculs, avec la cuillère à soupe ou avec autre chose quoi
259 M : ouais
260 C : ouais [silence]
Au moment de préciser l’idée de la présentation, C est prise d’un doute : a-t-elle bien mis des points en face de chaque phrase ? Elle pense peut-être que l’entretien évalue ses capacités de mémorisation, d’où cette mise en projet, durant l’exercice, de retenir le maximum d’informations pour les restituer ensuite pendant l’entretien.
Mettre des petits points en face de chaque phrase l’aide à séquentialiser son acte d’écriture.
261 C : ouais alors le paragraphe c’était « préparer tous les légumes » [silence] après c’était, y’avait certains légumes à couper en dés
262 M : ouais
263 C : ou en rondelles [silence] après y’avait une histoire de laisser avec l’huile d’olive
264 M : hum, hum
265 C : ça devait être dans une casserole ou dans une poêle
266 M : hum, hum [long silence]
267 C : et après c’était « incorporer bah persil, ail, basilic, sel et poivre » [silence]
268 M : ouais [silence]
269 C : et après j’ai pas la suite [rires]
270 M : hum, hum, et comment vous faites pour faire revenir tous ces éléments à votre mémoire ?
271 C : bah j’essaie de relire le texte dans ma tête
272 M : ouais
273 C : dans la réflexion en fait mais [inaudible] j’ai déjà retenu les ingrédients [rires]
274 M : donc vous essayez de relire le texte dans votre tête
275 C : oui, bah oui
276 M : avec la réflexion
277 C : oui
C se lance dans un acte de remémoration. Je l’interroge sur la procédure qui l’a amenée à cet acte.
278 M : et qu’est-ce qui vous aide plus, les images ou les sons ?
279 C : [silence] bah les images quand même, pis les sons, je pense que c’est les deux ouais
280 M : hum, hum, je vous propose, si vous en êtes d’accord, comment les images et les sons vous aident à, à retrouver le texte
281 C : bah les images c’est par exemple par le légume toujours, pis après ça me dit : « couper en dés ou en rondelles », donc euh pour couper en dés ou en rondelles c’est plus par les sons pour l’écriture quoi, que les légumes c’est plus par l’image, ça dépend des mots en fait
282 M : hum, hum
283 C : oui voilà, ça dépend des mots, certains mots je vois plus des images, et d’autres moins, c’est plus euh
284 M : alors, oui
285 C : l’épellation
286 M : prenez un mot par exemple où y’a une image qui vous revient
287 C : « courgette », « légume » donc je vois la courgette plutôt
288 M : hum
289 C : que le son ouais
290 M : et un exemple où y’a le son qui vous aide ?
291 C : bah « couper en dés ou en rondelles » par exemple
292 M : hum, hum
293 C : je vois plus le son que l’image en fait
294 M : hum, hum
295 C : ouais
296 M : et quel son vous voyez alors ?
297 C : bah « dés » et puis « rondelles », je sais pas comment expliquer moi, en plusieurs euh, plusieurs mots, comment [silence] « ron », en plusieurs parties du mot je sais pas
298 M : ouais
299 C : shai pas comment dire ça
300 M : ouais, hum, hum [silence] c’est plusieurs parties du mot, les sons de plusieurs parties du mot
301 C : oui voilà
302 M : qui vous aident à retrouver les mots
303 C : oui voilà
304 M : hein [long silence] est-ce que vous aviez d’autres choses à rajouter sur cette deuxième partie ?
305 C : non, bah non
306 M : non ?
Les ingrédients lui reviennent par le biais d’images, les consignes, par le biais des sons. Les mots davantage descriptifs font appel à des images, les mots davantage prescriptifs (les consignes) à des sons. C découpe le mot « rondelles » en plusieurs parties sonores.
307 M : donc si je reprends ce qu’on a dit pendant cette deuxième partie, on a commencé par euh, vous avez commencé par euh le titre
308 C : oui
309 M : euh « ratatouille »
310 C : oui
311 M : hein, vous avez dit « ça me revient » euh, fin je sais plus si vous l’avez dit comme ça, mais vous avez dit que c’était la, la première chose qui vous revenait
312 C : oui le titre, ouais
313 M : hein, le titre euh alors on a essayé un petit peu de voir comment euh ça vous revenait hein par les images ou par les sons, et puis après je vous ai demandé comment vous aviez fait pour euh recopier le, le texte en améliorant la mise en page, et là vous m’avez dit que euh vous aviez fait deux modèles, un premier ou vous avez tout écrit à la ligne, à la suite pardon
314 C : oui
315 M : à se suivre, parce que pour vous c’était plus, plus simple comme ça, euh voilà, et puis après vous avez fait un deuxième modèle qu’on voit dans les livres de cuisine, c’est ce que vous m’avez dit ?
316 C : bah oui, oui, bah pas dans tous mais bon dans certains
317 M : dans certains, où vous avez fait des traits, et vous êtes sûre que vous avez fait des traits, hein euh, et puis euh pour le reste, pour les ingrédients vous avez fait les traits, et pour le reste vous avez fait des points
318 C : oui mais je suis pas sûre que je les ai faits
319 M : voilà vous êtes pas sûre que vous les avez faits
320 C : mais je les ai pensés dans ma tête toujours
321 M : vous y avez pensé dans votre tête
322 C : ouais, mais je me souviens pas si je l’ai fait
323 M : hum, hum [silence] donc voilà, et puis après on a vu, vous m’avez dit euh ce qui vous revenait, les ingrédients qui vous revenaient et les mots du texte qui vous revenaient, et c’est par les images et par les sons que ça vous revient
324 C : oui
325 M : hein, les images pour certains légumes comme « courgette » par exemple
326 C : oui
327 M : et les sons pour « couper en rondelles » par exemple
328 C : oui c’est ça
329 M : et c’est les sons des différentes parties du mot qui vous aident à, faire revenir dans votre mémoire les, les mots, hein
330 C : oui voilà c’est ça
331 M : voilà, c’était bien ça C ?
332 C : oui, oui, c’était ça
333 M : alors, est-ce que vous avez d’autres choses à rajouter euh que vous n’auriez pas dites euh ?
334 C : non, normalement non
335 M : non ?
336 C : non, non
337 M : donc on s’en tient là pour euh
338 C : oui, bah oui
339 M : pour aujourd’hui ?
Je récapitule ce que C a pu évoquer relativement à la deuxième partie de l’exercice.