Annexe 36 : Entretien d’explicitation n°2 – Martine

Dispositif : enquête

Date de l’entretien : 17/03/06

Durée : environ 30 minutes

Lieu : P

Exercice : Fiche lecture n°45 : « Manier l’organisation d’une phrase », exercice 2 : des groupes de mots sont présentés ; il s’agit de les remettre dans l’ordre pour faire une phrase. Les indices typographiques qui peuvent fournir une aide sont, d’une part, la majuscule du début de phrase, d’autre part, la ponctuation. J’ai disposé les différents groupes de mots sur des petits cartons ; ainsi Ma a pu manipuler concrètement ces groupes de mots.

Transcription :

Conventions :

M : moi, l’interviewer

Ma : Martine, l’interviewée

Discours Analyse
1 M : donc je vous propose cet entretien Ma afin que vous compreniez bien comment vous avez fait pour faire l’exercice
2 Ma : d’accord
3 M : comment vous avez réussi dans la tâche à bien faire l’exercice, hein
4 Ma : d’accord
5 M : euh et afin que moi je vous comprenne mieux dans ce que vous faites
6 Ma : d’accord
7 M : hein, et ça vous aidera à mieux réussir dans d’autres exercices de lecture et d’écriture
8 Ma : d’accord
9 M : hein euh, alors on ne se préoccupe pas des erreurs si y’en a eu
10 Ma : ah oui
11 M : si y’en a eu, parce que y’en a peut-être pas eu
12 Ma : hum, hum
13 M : on ne se préoccupe pas des erreurs, euh ce qui est important c’est comment vous avez procédé, comment vous avez fait pour faire cet exercice, c’est ça qu’est important
14 Ma : hum, hum
15 M : hein, comment vous avez fait pour faire cet exercice, d’accord ?
16 Ma : d’accord
17 M : hein
Je donne à Ma le sens de l’entretien. Il s’agit qu’elle comprenne les procédures qui l’ont amenée au résultat final (j’insiste sur la réussite afin de la revaloriser ; mais je sais qu’elle a commis quelques erreurs, aussi n’ai-je pas un discours authentique). Il s’agit également qu’elle réussisse mieux d’autres exercices de lecture et d’écriture ; cela signifie-t-il qu’elle a moins bien réussi l’exercice qu’elle vient de réaliser ? J’insiste, enfin, sur le fait qu’on ne se préoccupe pas des erreurs : je ne l’avais mentionné que tardivement lors du premier entretien d’explicitation.
18 M : alors je vous propose, Ma, si vous en êtes d’accord, de revenir à un moment de l’exercice
19 Ma : hum, hum
20 M : au moment où euh je vous ai demandé de faire la phrase exemple, hein euh, je vous ai dit : « il y a euh une phrase exemple avec des mots, des groupes de mots qui sont dans le désordre, à vous de les remettre dans l’ordre »
21 Ma : d’accord
22 M : donc vous étiez assise à cette table-là, y’avait des bouts de carton qu’étaient là, euh vous retrouvez bien la situation ?
23 Ma : oui
24 M : oui ?
Je recontextualise la situation de l’exercice afin de favoriser l’évocation chez Ma ; ainsi, je redis la consigne, puis je rends concrète la situation en lui redisant sa posture (« vous étiez assise là » : ce propos très concret peut détonner par rapport aux propos abstraits tenus précédemment ; il peut aussi être vécu comme infantilisant), la position des groupes de mots.
25 M : comment vous avez procédé, comment vous avez fait ?
26 Ma : bah c’est simple, j’ai regardé les groupes de mots pour former une phrase euh et j’ai bien réfléchi à ce que j’allais mettre en premier
27 M : hum, hum
28 Ma : et ce que j’ai mis en premier c’est ce qui commence par une phrase, c’est euh, les mots commencent toujours par une lettre majuscule
29 M : hum, hum
30 Ma : donc moi j’ai tout de suite compris ce que euh fallait mettre au début et après j’ai suivi, suivi, suivi ce qu’y a [silence] le nombre de mots qu’y a à suivre pour former cette phrase
31 M : hum, hum [silence]
32 Ma : pour moi ça pas été difficile, pis bah ce qu’y a au code c’est à peu près la même chose
33 M : hum, hum
34 Ma : donc euh, faut, faut répondre clairement aux questions qu’y posent, donc là c’est, c’est comme si c’est la même chose
35 M : hum, hum
36 Ma : donc voilà
Ma semble dans une posture d’évocation, posture rendue assez difficile par le contexte bruyant dans lequel nous nous trouvons. Elle a réfléchi à ce qu’elle allait mettre en premier ; pour ce faire elle s’est appuyée sur des marques typographiques : la majuscule en début de phrase. Cela témoigne d’une certaine maîtrise du métalangage relatif à la langue.
Très vite intervient un jugement : « pour moi ça pas été difficile », renforcé par le « c’est simple » qui débutait la description des procédures.
Par ailleurs, Ma compare l’exercice à « ce qu’y a au code » : « c’est à peu près la même chose ». La situation d’exercice choisie ne la laisse pas indifférente et résonne par rapport à son propre vécu, ses propres préoccupations.
37 M : vous avez dit, vous avez bien regardé et vous avez réfléchi
38 Ma : voilà
39 M : qu’est-ce que c’est bien regarder pour vous euh Ma ?
40 Ma : alors bien regarder c’est euh mémoriser les mots, euh, qu’est-ce qui commence par une lettre majuscule et qui termine par un point et euh, c’est bien ce que j’ai fait ou euh, il suffit de réfléchir pour construire une phrase
41 M : alors comment vous avez fait pour réfléchir ?
42 Ma : pour réfléchir ? alors j’ai bien regardé les mots, le sens, tout le sens qu’ils avaient et euh ce qui est important c’est de bien former la phrase en regardant les mots
43 M : hum, hum
44 Ma : qui sont inscrits
Qu’entend Ma par « mémoriser les mots » ? Est-ce lire attentivement les mots ?
Regarder c’est aussi déterminer le groupe de mots qui commence par une lettre majuscule, le groupe de mots qui se termine par un point. Regarder, c’est également « réfléchir pour construire une phrase ». Je focalise sur le terme « réfléchir », mais cela la renvoie à « regarder », étudié précédemment.
45 M : alors pour cette phrase exemple
46 Ma : hum, hum
47 M : vous êtes bien dans la situation de la phrase exemple
48 Ma : hum, hum
49 M : est-ce que vous vous souvenez des mots de la phrase exemple ?
50 Ma : déjà je sais qu’y avait euh « priorité » je crois, euh y’avait euh [silence] oh bah pff, si je regarde bien euh pff, je sais plus, mais je sais que y’avait le mot « priorité »
51 M : hum, hum, et comment vous le savez ça qu’y avait le mot « priorité » ?
52 Ma : bah pour moi c’est tout simple, donc c’est, c’est un petit mot, c’est pas grand et ça correspond bien à tout ce qu’on voit à l’auto-école, par exemple on a une croix dans un panneau qui indique une priorité à droite, c’est ce qui signifie
53 M : hum, hum
54 Ma : euh par exemple en ville quand y’a pas d’indication, pas de marquage au sol, la priorité s’applique
Je dirige l’attention de Ma vers la réminiscence des mots de la phrase exemple afin qu’elle retourne en évocation.
« c’est un petit mot, c’est pas grand » : Ma revoit-elle dans sa tête le groupe de mots contenant le mot « priorité », groupe de mots assez petit, pas grand ? Ou bien retient-elle plus facilement les petits mots ?
Très vite, Ma raccroche la situation à ce qu’elle vit à son auto-école, et apparaissent des savoirs déclaratifs. D’ailleurs, on remarque qu’elle généralise à partir de l’usage du « on ».
55 M : alors Ma, on va bien revenir dans cette situation de la phrase exemple
56 Ma : c’était, c’est ce qui correspond à ce que je vous dis
57 Ma : voilà, hein, on va bien revenir dans la situation de la phrase exemple
58 Ma : oui
59 M : où y’avait le mot « priorité »
60 Ma : oui
61 M : hein, euh comment vous avez fait pour bien réfléchir ?
62 Ma : comment j’ai fait pour bien réfléchir ? bah c’est vrai que c’était pas évident mais euh dans ce cas là c’est comme si on se mettait à la place du conducteur
63 M : hum, hum
64 Ma : on est conducteur, on regarde bien ce qu’y a comme route, c’est comme si on était
65 M : hum, hum
66 Ma : c’est tout simple et pour moi c’est ce qui définit la phrase que j’ai constituée en premier, la phrase exemple
67 M : hum, hum, vous étiez comme un conducteur au volant d’une voiture
68 Ma : voilà c’est ça et j’appliquais la priorité
69 M : hum, hum
70 Ma : donc c’était pas évident non plus, mais j’y suis arrivée quand même [silence] mais c’est les phrases, les mots, ça forme pas mal de choses
71 M : hum, hum, d’accord
J’essaie de recadrer l’entretien, de focaliser à nouveau. Ma montre un signe d’agacement, comme si je ne l’avais pas écoutée : « c’était, c’est ce qui correspond à ce que je vous dis ».
Par rapport à ma question de focalisation, Ma répond par un jugement : « c’était pas évident ». Puis elle évoque une procédure intéressante : pour trouver la phrase exemple, elle se met à la place du conducteur. On peut repérer une analogie avec la situation de l’examen du code de la route où l’on peut aussi se mettre à la place du conducteur afin de répondre aux questions.
On note également une contradiction entre les mots « c’est tout simple » et l’expression « c’était pas évident » qu’elle répète deux fois. Encore une fois apparaît un jugement sur la tâche, ainsi qu’une généralisation, à travers l’emploi du « on » : « on est conducteur, … ».
72 M : donc on passe à la deuxième phrase si vous voulez bien ?
73 Ma : oui
74 M : hein, euh, donc lors de la deuxième phrase, je vous propose Ma, si vous en êtes d’accord, de revenir sur cette deuxième phrase
75 Ma : oui
76 M : fin cette phrase là
77 Ma : oui
78 M : y’avait plusieurs groupes de mots
79 Ma : oui
80 M : d’écrits et je vous demandais de les remettre dans l’ordre
81 Ma : oui bah euh
82 M : alors comment vous avez fait ?
83 Ma : j’ai bien regardé les mots qu’y avait dans cette phrase, j’ai bien réfléchi et j’y arrive bien à les mettre dans l’ordre
84 M : hum, hum
85 Ma : selon ce qu’y avait à mettre
Concernant ses procédures à l’œuvre lors du travail sur la deuxième phrase, Ma reprend les deux étapes précédemment évoquées pour la phrase exemple : « j’ai bien regardé les mots […] j’ai bien réfléchi ».
On note un passage, dans la même phrase, du passé composé « j’ai bien réfléchi » au présent « j’y arrive bien ». Cela signifie-t-il que Ma accède à une posture évocative ?
86 M : et comment vous avez réussi à les mettre dans l’ordre euh Ma ?
87 Ma : alors c’est simple euh, bah déjà c’est comme la première phrase, c’est-à-dire qu’il y a toujours une lettre de début
88 M : hum, hum
89 Ma : et euh [silence] que je veux dire une lettre de début c’est que ça commence déjà par ça, après c’est les autres qui suivent euh selon leur catégorie
90 M : hum, hum
91 Ma : là c’est des définitions qui sont bien euh, qui définissent toujours quelque chose
92 M : hum, hum, alors vous avez employé les mots « catégorie » et « définitions », est-ce que vous pourriez préciser ce que ça veut dire pour vous « catégorie » et « définitions » ?
93 Ma : « catégorie » et « définitions », bah déjà la catégorie c’est par rapport à tout ce qui est comme le panneau euh qu’on voit là, là [elle désigne des dessins de panneaux sur le mur], donc pour moi je me suis mise à la place du conducteur, et je me suis dit : « là y’a quelque chose qui ressemble à ce panneau, machin, etcetera » et qui est, comme je vous ai dit, le mot de tout à l’heure là, et pour moi c’est euh, quelque chose qui est concret par rapport à ce que la phrase veut dire
94 M : hum, hum
95 Ma : donc ça veut dire beaucoup de choses, et comme dans tous les auto-écoles y’a, il peut y avoir des groupes de mots comme ça qui forment une question
96 M : hum, hum
97 Ma : et pour moi, c’est ce qui, c’est ce qui se passe là
98 M : hum, hum, vous retrouvez une situation d’auto-école ?
99 Ma : voilà, c’est la même chose
100 M : hum, hum
101 Ma : donc là ce soir je vais aller à l’auto-école, donc y’aura certainement des questions sur les priorités, les panneaux de danger, les panneaux d’indication, d’obligation, d’interdiction, pas mal de trucs [inaudible] etcetera, donc moi je me suis mis à la place du conducteur
102 M : hum, hum, pour construire la phrase
103 Ma : exactement
104 M : hum, hum [silence] d’accord
Comme pour la phrase exemple, Ma s’est aidée ici de la majuscule du début de phrase. Elle emploie ensuite deux termes abstraits : « catégorie » et « définitions ». Concernant le terme « définitions », veut-elle désigner la phrase qu’elle a construite qui « définit quelque chose » ? Le terme « catégorie » la renvoie aux diverses catégories de panneaux du code de la route ; j’ai du mal à percevoir le lien avec l’exercice. Elle s’est également mise à la place du conducteur. Elle rapproche une nouvelle fois la situation de l’exercice de la situation de l’examen du code de la route pour lequel des groupes de mots forment des questions. Elle évoque son auto-école dans laquelle elle va se rendre dans la soirée ; en fait, elle sort du cadre de l’évocation pour s’inscrire davantage dans des savoirs déclaratifs (elle cite les panneaux d’indication, d’obligation, d’interdiction, …).
105 M : et vous avez employé le mot « définitions » tout à l’heure ?
106 Ma : en fait, le mot « définitions » c’est que ça veut dire quelque chose, ça désigne un panneau ou une priorité ou des trucs comme ça, par exemple euh, ça définit quelque chose qui est précis
107 M : hum, hum
108 Ma : c’est précis par rapport aux phrases que vous m’aviez mises euh pour que je puisse les construire
109  : hum, hum
J’ai du mal à saisir ce que veut dire Ma concernant ce mot « définitions ».
110 M : est-ce qu’y a des mots qui vous reviennent de ces différentes phrases
111 Ma : non
112 M : y’a le mot « priorité » qu’on a vu
113 Ma : euh pour l’instant [silence] non pas spécialement
114 M : y’a pas de mots qui vous reviennent ?
115 Ma : bah les 3, les 3 phrases que j’ai faites
116 M : oui
117 Ma : bah je sais que y’a « rétroviseur »
118 M : hum, hum
119 Ma : y’a euh [silence] hum y’a beaucoup de choses qui, qui veulent dire quelque chose donc euh
120 M : alors « rétroviseur », ce mot-là, on va s’arrêter sur ce mot-là
121 Ma : d’accord
122 M : au moment où vous avez prononcé le mot « rétroviseur »
123 Ma : oui
124 M : hein, comment ça vous est venu ce mot « rétroviseur » ? est-ce que c’est une image qui vous est venue dans votre tête, ou est-ce que c’est un son, le son du rétroviseur qui vous est venu dans votre tête ?
125 Ma : pour moi, c’est une image
126 M : hum, hum
127 Ma : donc le rétroviseur définit particulièrement quand on est à la place du conducteur, c’est que on regarde bien à l’intérieur, comme à l’extérieur, à l’intérieur y’a un rétro pour regarder derrière
128 M : hum, hum
129 Ma : dans les rétros de chaque côté c’est pour mieux voir de chaque côté du véhicule qui va me dépasser par euh, par la gauche, qui c’est qu’arrive derrière mon véhicule quoi c’est, les rétroviseurs servent à, comment dire euh, à bien regarder euh dedans pour voir qui c’est qu’arrive derrière, s’il est pas près, s’il est rapproché ou éloigné, s’il va me dépasser ou si y’a quelqu’un qu’arrive sur une voie d’accélération
130 M : hum, hum
131 Ma : donc tout ça c’est ce qu’y a sur le véhicule
132 M : hum, hum, d’accord
Je demande à Ma, par rapport au mot « rétroviseur » dont elle se souvient, si elle voit une image ou si elle entend des sons. Elle me répond qu’elle voit plus une image, et tout de suite elle sort d’un moment spécifié (mais était-elle dans un moment spécifié auparavant ?) pour produire des savoirs théoriques sur l’usage des rétroviseurs dans une voiture. En me disant cela, elle se met à la place du conducteur.
133 M : je vous propose de revenir, si ça vous convient Ma, au moment où vous avez dit « rétroviseur », je [inaudible] le mot « rétroviseur », comment ça vous est revenu ce mot, est-ce que dans votre tête, vous avez vu l’image du rétroviseur
134 Ma : hum, hum
135 M : ou est-ce que dans votre tête, vous avez entendu le son du mot « rétroviseur »
136 Ma : non c’est qu’une image
137 M : c’est qu’une image
138 Ma : oui, oui
139 M : et est-ce que vous pourriez me la décrire cette image ?
140 Ma : la décrire ? bah ça peut avoir la forme ronde, ovale
141 M : là au moment où vous avez dit rétroviseur euh Ma
142 Ma : oui, oui, oui, oui, oui
143 M : hein, au moment où vous avez dit le mot « rétroviseur », quelle forme ça avait pour vous à ce moment-là ?
144 Ma : bah c’est simple, c’est comme si je me situais par rapport au conducteur, donc euh ces rétroviseurs-là, c’est comme si ils se situaient sur ma gauche
145 M : hum, hum
146 Ma : c’est comme si je regardais derrière, dans mon rétroviseur pour voir si y’avait pas quelqu’un qui me dépassait
147 M : hum, hum
148 Ma : donc moi c’est, l’image du rétroviseur a une signification sur la voiture, il faut regarder, faut bien regarder droit dans le rétroviseur pour voir [silence] de loin ou de près si y’a un véhicule qu’arrive, automatiquement, donc pour moi le rétroviseur, bah je, c’est, c’est une image euh qui veut dire quelque chose et qui permet de voir ce qui se passe
149 M : hum, hum
150 Ma : donc pour moi le rétroviseur c’est pour regarder, pour être plus vigilant, prudent, attentif
151 M : hum, hum
152 Ma : donc pour ça faut être très, très vigilant sur ce, sur ce qui se passe devant et quand on regarde dans les rétros si y’en a pas qui sont derrière en train de me coller ou qui sont loin ou qui vont pas tarder à tourner ou des trucs comme ça
153 M : hum, hum
154 Ma : donc pour moi c’est ça, ça définit, ça définit pas mal de choses, donc euh
155 M : hum, hum
156 Ma : et je sais qu’à l’auto-école y’a beaucoup de questions sur ça, et quand on voit bien la diapo, quand je suis à l’auto-école, y’a rétro extérieur, rétro intérieur
157 M : hum, hum
158 Ma : qui fait que faut bien regarder, faut avoir l’œil partout, donc ce qui fait que les rétroviseurs sont très bien définis, c’est ce qui sert à faire beaucoup de choses
159 M : hum, hum
160 Ma : à être plus prudent
J’essaie de réaiguiller Ma vers un moment spécifié en lui posant la même question que précédemment. Au final, je ne parviens pas à la faire accéder à un moment spécifié.
L’image qu’elle se fait dans sa tête n’est pas celle du rétroviseur qu’elle a vue au moment où elle a dit le mot « rétroviseur », mais celle du rétroviseur en général ; autrement dit, elle fonctionne plus à partir du concept.
Elle redit qu’elle se met à la place du conducteur et décrit l’usage du rétroviseur qu’elle en ferait.
Très vite, interviennent les savoirs théoriques, à travers l’expression « il faut ».
L’image dont parle Ma correspond-elle à l’image qu’on peut voir dans un rétroviseur et qui permet d’apprécier la situation dans laquelle on se trouve ?
La situation de l’auto-école revient. Devrais-je proposer un contenu si affectivement marqué (Ma veut à tout prix obtenir son permis), à tel point qu’il peut perturber le travail cognitif à l’œuvre dans l’entretien d’explicitation ?
161 M : donc quand vous disiez tout à l’heure euh « je me suis mis à la place du conducteur pour remettre les, les groupes de mots dans l’ordre »
162 Ma : oui
163 M : c’est ça ?
164 Ma : oui, oui, oui
165 M : hein, vous vous êtes mise à la place du conducteur, est-ce que vous pourriez en dire un petit peu plus par rapport à ça ? par rapport à la phrase exemple, par exemple
166 Ma : oui
167 M : vous vous souvenez du mot « priorité », hein ?
168 Ma : oui, donc déjà si je me mémorise euh, si je me mémorise la phrase que j’avais d’exemple dans ma tête, je me dis : « priorité, ça veut dire quelque chose »
169 M : hum, hum
170 Ma : ça veut dire que y’a quelque chose qu’est priorité et qu’a une priorité sur ce, sur cette question, sur cette phrase qui a été construit par groupes de mots et ça a une valeur [silence] pas spéciale mais euh correcte par rapport à [inaudible] c’était mieux [inaudible] pour moi le mot « priorité » ça veut dire beaucoup de choses, donc euh
171 M : donc vous avez construit votre phrase autour du mot « priorité »
172 Ma : voilà, c’est ça
173 M : hein, c’est ça ?
174 Ma : oui, oui, c’est ça
J’ai du mal à comprendre ce que Ma veut dire quand elle aborde la remémoration du mot « priorité ».
175 M : donc vous avez regardé, vous avez euh mémorisé
176 Ma : voilà
177 M : c’est ça ?
178 Ma : hum, hum
179 M : euh, regardé, mémorisé, qu’est-ce que vous avez fait d’autre aussi ?
180 Ma : euh regardé, mémorisé et euh trouvé le sens de la phrase
181 M : trouvé le sens de la phrase
182 Ma : voilà
183 M : hein, et vous vous êtes aidée de la majuscule du début de la phrase
184 Ma : c’est cela
185 M : hein, hum, hum, est-ce qu’y a eu d’autres aides comme ça au long de l’exercice ?
186 Ma : pour moi y’a eu 4 débuts de phrase, si je compte la phrase de l’exemple en plus, avec les 2, les 3 autres phrases, et 4 débuts de phrase
187 M : hum, hum
188 Ma : qui commençaient par une majuscule, donc moi ça m’a permis de définir le début de la phrase qui constituait le nombre de mots qu’y avait dedans
189 M : hum, hum
190 Ma : mais pour moi c’étaient des compléments qui se suivent selon euh, selon la phrase
191 M : hum, hum
Je récapitule les procédures qui ont été mentionnées auparavant.
Ma se souvient qu’il y a eu 4 phrases, donc 4 débuts de phrase qu’elle a pu trouver grâce à la majuscule initiale. Ce début l’a aidé à construire le reste de la phrase : « ça m’a permis de définir le début de la phrase qui constituait le nombre de mots qu’y avait dedans ».
192 M : tout à l’heure vous disiez : « j’ai mémorisé les mots »
193 Ma : oui
194 M : euh qu’est-ce que c’est pour vous mémoriser un mot ?
195 Ma : alors pour moi, mémoriser un mot c’est de voir ce qu’il peut définir, ce qu’il veut dire, et euh si ça permet de [inaudible] de quoi il parle, de quoi il est question, pour moi c’est ça
196 M : hum, hum
197 Ma : c’est ça pour moi la définition de ce que je vous ai dit
198 M : hum, hum, alors par exemple, prenons la phrase exemple avec le mot « priorité »
199 Ma : oui
200 M : comment vous avez fait pour mémoriser le mot « priorité » ?
201 Ma : déjà, je me suis dit : « y’a quelque chose qui veut dire qu’y a une priorité quelque part »
202 M : hum, hum
203 Ma : dans la phrase, par exemple, et ben même y’avait quelque chose qu’était prioritaire par rapport à ce qu’y avait d’indiqué sur la première phrase, phrase exemple
204 M : hum, hum
205 Ma : c’est ce qui a défini que bah j’ai réussi à faire la phrase correctement
206 M : hum, hum, parce qu’y avait une priorité
207 Ma : voilà
208 M : hum, hum
209 Ma : et tout ce qui est priorité, intersection, etcetera, c’est tout ce qui est regroupé pour que le code puisse avancer
210 M : hum, hum
211 Ma : par exemple on va regarder bah des panneaux d’obligation, d’indication, d’interdiction, de danger
212 M : hum, hum
213 Ma : et donc ça, ça définit beaucoup de choses
214 M : hum, hum
215 Ma : et c’est ce qu’on rencontre euh souvent dans les villes, bah dans les agglomérations, des fois, parfois c’est le lieu-dit, euh, euh, y’a des panneaux de euh de direction, etcetera donc ça permet de définir tout ça
216 M : hum, hum [silence]
217 Ma : donc moi ça m’a permis de réagir, de bien comprendre le sens des mots, comment ils étaient et ça m’a permis de faire les phrases
218 M : d’accord
Pour Ma, mémoriser un mot, une phrase, c’est trouver le sens de ce mot, de cette phrase.
J’aiguille Ma vers un moment spécifié, celui de la phrase-exemple. Afin de mémoriser le mot « priorité », Ma s’est parlé ce mot, ce qui témoignerait d’un fonctionnement auditivo-verbal. Puis Ma quitte ce moment spécifié en généralisant le mot « priorité » aux panneaux du code de la route (à noter l’emploi du « on »).
Le mot « définir » réapparaît dans le discours de Ma : qu’entend-elle exactement par « définir » ?
219 M : donc ce qu’on peut retenir c’est que vous vous êtes mise à la place du conducteur pour euh faire ces phrases
220 Ma : exactement
221 M : hein
222 Ma : c’est comme si j’étais le conducteur, la conductrice et puis j’avais des trucs devant moi, je me dis « ah, là on arrive dans un truc, faut que je réponde, faut que je voie qu’est-ce qui va, qu’est-ce qui va pas », c’est [inaudible] et là j’avais des phrases, c’est comme si je me mettais à la place du conducteur, je me suis dit : « là je vois des mots qui sont côte à côte », ça m’a permis de construire les phrases
223 M : hum, hum [silence] et dans la phrase euh du rétroviseur euh je sais plus si c’était la dernière euh ?
224 Ma : non je ne crois pas que c’était la dernière de l’exercice je crois
225 M : la troisième ?
226 Ma : ouais
227 M : d’accord, euh comment vous avez fait pour être la conductrice ?
228 Ma : bah c’est simple, déjà ils marquaient « un rétroviseur », je me suis dit « tiens un rétroviseur », c’est sûr, le rétroviseur est indispensable
229 M : hum, hum
230 Ma : c’est ce qui me permet de vérifier des [inaudibles] de gauche dans chaque rétro extérieur de la voiture, si y’en a pas qui sont vraiment gênants, qui va pas, qui colle pas quoi, et pour moi c’était ça euh, et c’étaient vraiment des trucs comme ça
231 M : hum, hum, donc d’accord
Ma explicite davantage ce qu’elle entend par « se mettre à la place du conducteur ». Je l’oriente vers un moment spécifié, celui de la phrase contenant le mot « rétroviseur ». Elle se parle les situations. Mais elle quitte vite le moment spécifié pour énoncer des savoirs déclaratifs concernant l’importance des rétroviseurs pour la conduite.
232 M : pour résumer, on peut dire que vous avez pour chaque phrase mise à la place du conducteur
233 Ma : oui
234 M : vous avez regardé, vous avez mémorisé
235 Ma : oui
236 M : hein euh, y’a eu l’importance des définitions et des catégories
237 Ma : oui
238 M : hein, vous avez retenu deux mots : « priorité » et « rétroviseur »
239 Ma : oui
240 M : hein
241 Ma : et même j’ai retenu aussi, mais j’avais du mal à le prononcer, c’était euh, euh, ah je l’ai dit tout à l’heure et euh [silence] ah non ça y est je sais plus [silence] c’est pas « vigilance », c’est « indispensable »
242 M : « indispensable »
243 Ma : voilà
244 M : « indispensable », vous avez retenu le mot « indispensable »
245 Ma : voilà
246 M : hum, hum
Je récapitule les procédures décrites antérieurement par Ma.
247 M : et comment vous avez fait pour le retenir ce mot euh Ma ?
248 Ma : comment j’ai fait pour le retenir ? [silence]
249 M : essayez de bien revenir dans la situation
250 Ma : hum, hum
251 M : hein, de bien laisser revenir à vous
252 Ma : oui, bah pour moi, pour moi le mot « indispensable » c’est quelque chose qui veut dire que c’est, quelque chose qui veut dire euh que bah, ça veut dire quelque chose qui est, par exemple si admettons euh c’est une recette de cuisine, c’est indispensable
253 M : hum, hum
254 Ma : un rétroviseur c’est indispensable au niveau de la voiture
255 M : hum, hum
256 Ma : donc c’est quelque chose qui est utile
257 M : hum, hum
258 Ma : indispensable, quelque chose d’utile pour savoir euh à quel moment être très prudent, très vigilant, y’a beaucoup de choses qui veulent dire tout
259 M : hum, hum
260 Ma : « indispensable » c’est ça, c’est d’être prudent, vigilant et euh ça veut dire, ça veut définir quelque chose qui est précis
261 M : hum, hum
J’essaie d’aiguiller Ma vers un moment spécifié : comment a-t-elle procédé pour retenir le mot « indispensable » ? En fait, Ma ne me décrit pas ses procédures, mais elle est orientée par le sens du mot « indispensable » : elle me définit ce mot.
262 M : alors « indispensable », tout à l’heure on a vu que ce mot-là ça vous était revenu par une image
263 Ma : oui
264 M : « indispensable » [inaudible] tout à l’heure vous cherchiez le mot qui [inaudible] vous cherchiez le mot « est-ce que c’est ça ? est-ce que c’était le mot, ah non c’est « indispensable » », vous retrouvez bien la situation ?
265 Ma : oui, oui, oui
266 M : alors euh comment ça vous est revenu, est-ce que c’est une image, est-ce que c’est l’image de « indispensable » qui vous est revenue dans votre tête ou est-ce que c’est
267 Ma : c’est l’image du mot « indispensable »
268 M : l’image du mot « indispensable »
269 Ma : oui
270 M : hum, hum
271 Ma : c’est-à-dire que c’est quelque chose d’utile
272 M : hum, hum
273 Ma : pour moi c’est là que y’a pas mal de choses
274 M : hum, hum
275 Ma : le contraire de « indispensable » c’est « utile »
276 M : hum, hum [silence]
277 Ma : donc euh
278 M : d’accord
J’essaie de revenir vers le moment spécifié précédemment enclenché, sans succès, en demandant à Ma si c’est l’image du mot qui lui est revenue ou bien le son. Elle répond que c’est l’image du mot qui lui est revenue, mais une nouvelle fois elle fait appel à des savoirs déclaratifs. Par ailleurs, elle se contredit quand elle affirme qu’« indispensable » correspond à quelque chose d’utile, puis que le contraire d’« indispensable » c’est « utile ».
279 M : si on veut résumer euh vous vous êtes mise à la place de la conductrice pour euh faire l’exercice
280 Ma : oui
281 M : hein, vous avez regardé, mémorisé et puis vous avez remis les mots dans le bon ordre
282 Ma : voilà
283 M : hein, en vous aidant des majuscules
284 Ma : voilà
285 M : euh qui vous ont aidée à faire les 4 débuts des 4 phrases
286 Ma : voilà, c’est ça
287 M : hein, voilà, est-ce que vous avez d’autres choses à dire Ma euh par rapport à l’exercice ?
288 Ma : non, rien de spécial
289 M : non ? on a fait le tour ?
290 Ma : oui on a fait le tour oui
291 M : bon donc on s’en tient là
292 Ma : oui
Je récapitule de nouveau brièvement les procédures que Ma avait décrites précédemment.

Bilan : J’essaie, à de nombreuses reprises, d’orienter Ma vers un moment spécifié. Mes tentatives s’avèrent très vite vaines, les savoirs déclaratifs reprenant le dessus ainsi que les généralisations. Ma paraît guidée par le sens des situations évoquées. Elle cherche à raccrocher l’exercice à la situation de l’examen du code de la route. A-t-elle vécu l’exercice comme une situation d’examen ? Est-il pertinent, pour des questions de motivation et de sens, de présenter un exercice si chargé affectivement qu’il peut en perturber le fonctionnement cognitif ? J’ai parfois du mal à saisir le fonctionnement mental de Ma.