3.2.2. Une pierre philosophe et humaniste.

Dans un livre intitulé « La Philosophie de la composition »743, Edgar Poe conseille au lecteur d’entrer dans l’atelier du poète et de se pencher sur l’analyse de ses manuscrits : il met l’accent sur le caractère philosophique de tout acte de création. Cette dimension philosophique des œuvres littéraires, Jean Dubuffet la revendique, lui qui se déclare capitalement philosophe ; l’art est selon lui le mode d’expression le plus adapté à la transcription d’un système de pensée :

‘Que vaudrait une œuvre d’art dont chacune des plus petites parties – le moindre trait – n’impliquerait, dans son bloc, d’un coup, toute la philosophie de son auteur ? La peinture, langage tellement plus riche et tellement plus nuancé que celui des mots, langage concentré qui permet de tout énoncer si vite, langage fourré par lequel tant de si diverses pensées (voire quand même elles s’opposent entre elle) peuvent être dites en une, est assurément le mode d’expression le mieux susceptible de transcrire la philosophie sans trop l’appauvrir ni fausser pourvu qu’on sache un peu s’y prendre et c’est pourquoi j’ai tort – j’arrête donc là de le faire – de pénétrer dans ces terres chaussé de si impropres bottes que celles de mon verbeux discours. Retournons à notre imprimerie.744

Quelques années plus tard, avec le cycle de « L’Hourloupe », le peintre cherche à « déporter l’expérience artistique de la délectation esthétique à l’exercice philosophique »745 ; il envisage son « Cabinet logologique »746 comme une « chambre d’exercice » philosophique. Ses travaux prennent la forme d’« exercices philosophiques dans la forme de peintures proposant de nouvelles lectures du monde »747. Tout cela tourne finalement, comme il l’avoue dans une lettre à Jacques Berne, à l’« intoxication philosophique ».

Selon Jean Tardieu, seul le peintre peut être à la fois « sens et silence »748, lui seul peut aller plus loin dans « l’exploration des rapports secrets que nous entretenons avec nous-mêmes »749, plus loin qu’un philosophe, un savant ou un poète ne le pourraient. Ainsi, dans un texte qui s’intitule « Éléments de xylosophie », Michel Tournier présente la sculpture sur bois comme seule capable, selon lui, de pénétrer l’intimité de la matière, de la faire parler. Pour l’occasion, il forge le terme de « xylosophie » qu’il définit comme « la sagesse du bois »750. Sur le même principe, pourquoi ne pas créer celui de « lithosophie » ? Il pourrait parfaitement s’appliquer au texte de Francis Ponge, en ce qu’il propose une véritable philosophie minérale, suscitée par l’observation de la composition des lithographies et la recherche de « la caractéristique (et les lois) de cet art » (M.M., p. 5). Car « les pierres nous sont familières » et secrètes à la fois, leur mutisme et leur résistance fascinent les hommes depuis les premiers temps ; elles sont la matière des monuments, les confidentes de la mémoire des civilisations : « les évènements que nous racontent les pierres, quand on sait les interroger, sont loin d’être anodins »751.

La préface rédigée par Jean Paulhan pour l’ouvrage de Malcolm de Chazal, Sens-plastique, publié grâce aux pressantes demandes du poète et du peintre, nous éclaire sur la « communauté de pensée » des co-signataires de l’album, qui considèrent la matière comme un moyen privilégié d’incarnation et d’expression de la nature humaine  :

‘Les hommes ont tantôt appelé Cabbale ou Science secrète, tantôt théosophie ou occultisme cette sorte de science qui tient (et démontre au besoin) que le monde entier est vif, et traversé d’intentions ; que le visible n’est que le reflet d’un invisible ; et, par exemple, que toutes les formes du corps humain et les expressions de son visage et les aventures même de son esprit sont inscrites dans les animaux, les plantes et jusqu’aux pierres. L’humaniste dit : Rien d’humain…, le psychanalyste : rien d’animal… ; mais l’occultiste n’a jamais hésité à dire : rien de minéral ne m’est étranger.752

Francis Ponge, dans « Matière et Mémoire », donne visage et émotions à la pierre, tandis que Jean Dubuffet la laisse s’exprimer : tous deux s’intéressent à la pierre et l’intéressent à l’expression. Le peintre se proclame même « anti-humaniste » :

‘Je suis […] anti-humaniste c’est-à-dire pas du tout persuadé que les mécanismes de la conscience et de la raison qui composent la vie psychique de l’être humain soit en aucune façon supérieurs ou préférables aux mécanismes qui commandent à la vie de la vache ou du crapaud.753

Au contraire, Pierre Bourdieu dit de l’œuvre du poète que l’ « on ne fait pas plus humaniste. »754 S’interrogeant sur les attributs de l’homme, dans son texte « Escargots », Francis Ponge conclut par ces mots « la parole et la morale. L’humanisme »755. L’humanisme de Francis Ponge, dans le texte « Matière et Mémoire », se fonde uniquement sur la matérialité de la pierre, sa sensibilité et sa réactivité : pierre « sensibilisée » « de la façon la plus humaine », dont on a mis « le grain » « à fleur de peau », pierre comparée à un « visage », à une « épouse », à une « personne maniaque », la « figure de la pierre », « émouvante », « réagit sur l’expression » (pp. 1-5). La matière minérale manifeste, pour qui sait la regarder, les « expressions » et les « aventures » de l’esprit humain.

L’album présente une méditation sur la matière minérale, le peintre comme le poète écrivant « sur » la pierre, le premier au sens propre et le second au figuré mais tous deux travaillant « avec » elle. Malcolm de Chazal réfléchit sur la transposition de l’humain dans « toute forme de vie » et la portée philosophique d’une telle pratique :

‘Je donne à toute forme de vie corps et visage humains, afin de lui faire révéler ses secrets. Cela, tous les poètes l’ont fait mais dans un but flou et spécifiquement esthétique alors que j’y mets une intention philosophique avec le but bien défini de découvrir du nouveau.756

Il cherche à révéler le secret des choses, la « photographie intérieure de la face humaine et du visage des choses »757, pour mieux dévoiler une philosophie nouvelle, qu’il nomme « Philosophie esthétique ». Le futuriste italien Filippo P. Marinetti préconise déjà, dès 1912, l’abolition de la psychologie dans la littérature, et propose de « remplacer la psychologie de l’homme, désormais épuisée, par l’obsession lyrique de la matière ». Refusant de prêter à celle-ci des sentiments humains, il veut découvrir une « physicologie de la matière »758. Beaucoup verront dans ce manifeste, qui s’apparente au projet poétique de Francis Ponge, l’influence des théories philosophiques d’Henri Bergson.

Roland Barthes a démontré que tout texte peut être considéré comme un tissu nouveau de formulations antérieures. Le texte de Francis Ponge est truffé de références plus ou moins explicites, telles que citations, refontes de formules, allusions à des systèmes ou courants de pensées, intrusion d’éléments empruntés aux ouvrages de vulgarisations scientifiques (avec notamment les références aux « mouvements browniens », à une « action de capillarité »759, à une « destruction moléculaire » ou aux « grouillements microscopiques », pp. 4, 5 et 3)… Comment ne pas faire ici le lien avec le principe lithographique, durant lequel la pierre absorbe et modifie l’expression du peintre ? Ainsi, lorsque le poète parle du « vide (celui dont la nature a horreur) » (p. 5), il fait allusion aux recherches de Galilée ; de même, lorsqu’il compare la pierre à un « bloc-notes », à une page ou à un « album » (p. 1), il semble s’emparer de la démarche du physicien, qui considérait l’univers comme un livre. La traduction de l’adage latin festina lente, reprise par Nicolas Boileau dans son Art poétique, est appliquée aux ouvriers et aux artistes qui « se hâtent lentement » (p. 1). Une autre citation, tirée du même ouvrage, est enfin discutée par le poète, qui propose d’en reconsidérer les enjeux :

‘Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement : sans doute…Mais seulement ce qui ne se conçoit pas bien mérite d’être exprimé, le souhaite, et appelle sa conception en même temps que l’expression elle-même.760

La référence majeure revendiquée par Francis Ponge est certainement celle d’Henri Bergson, ne serait-ce que par la reprise du titre de son ouvrage Matière et Mémoire pour le texte et l’album. Gérard Genette considère en effet que le recours à ce qu’il appelle un « titre-référence » est particulièrement emblématique du point de vue de l’hypertextualité761 :

‘La dédicace eût été bien inutile : la « référence » en hommage est contenue dans le titre, qui constitue l’un des contrats d’hypertextualité les plus explicites et les plus exacts, et qui dit d’entrée de jeu l’essentiel.762

Le dialogue entre le texte et l’image s’instaure sous « la caution indirecte »763 d’Henri Bergson. Francis Ponge livre, avec « Matière et Mémoire », un texte critique en accord avec cette philosophie des profondeurs et du dialogue dont Albert Thibaudet regrettait qu’elle n’ait pas eu de réelle influence dans le domaine de la critique littéraire :

‘Le bergsonisme n’est nullement la philosophie de l’intuition contre l’intelligence, c’est la philosophie de leur dialogue, de leur usage, de leurs limites, de leur coexistence et de leur relais naturel.764

Le titre donné à l’album renvoie explicitement à l’essai philosophique, cet effet d’écho lui apporte « la caution indirecte d’un autre texte et le prestige d’une filiation culturelle » : aux fonctions de « désignation » et de « description » s’ajoutent celles de « connotation » et de « séduction »765. Il est un « signe double », en ce qu’il introduit au texte du poète, à l’album commun, tout en renvoyant à l’œuvre du philosophe. Il doit donc être envisagé comme une clef d’interprétation, comme l’indication du projet d’un dialogue entre « matière » et « mémoire », « intuition » et « intelligence ». Ce texte de Francis Ponge a une véritable portée philosophique, comme l’indique cette dédicace de Jacques Derrida au poète, accompagnant l’envoi de L’Écriture et la différence 766  : « Pour Francis Ponge ces essais qui auraient pu être écrits en marge de Matière et Mémoire ».767

Le sous-titre de l’album, les lithographes à l’école ajoute encore l’idée d’un apprentissage scolaire, caractérisé notamment par l’acquisition de l’écriture. C’est elle qui permet de pallier les insuffisances de la mémoire. Trace matérielle, extérieure et immuable, elle offre la possibilité d’une conservation et d’une diffusion des informations. La connaissance passe par le savoir, mais aussi par le savoir-faire ; apprendre, c’est à la fois intégrer une information, recevoir une formation, intérioriser des règles nécessaires à l’exercice et à la maîtrise d’une activité. L’apprentissage est un fait de culture et de mémoire, l’homme est comme la pierre qui absorbe et retient l’encre, qui intériorise le tracé du dessin avant de le manifester, puis de le répéter. La mémoire est le prolongement de la perception, elle transpose l’expérience sensible, matérielle, en un fait intérieur ; elle est absorption, intériorisation et, comme le « gros bloc-notes » minéral, « dépôt » ou « conservatoire », à la fois « dépositaire » et « intermédiaire » (M.M., pp. 1 et 2). Francis Ponge remarque que c’est justement parce qu’elle « réagit sur l’expression » que la pierre lithographique est « capable de mémoire » (p. 2), elle sélectionne, déforme les souvenirs, en évacue certains, en fait apparaître d’autres, elle fonctionne comme l’inconscient :

‘Quand une pierre a ce qu’on appelle un passé (comme une femme a eu plusieurs amants), si bien poncée qu’elle ait pu être, il arrive qu’elle rappelle dans l’amour le nom de ces amants anciens, il arrive que sur l’épreuve d’une affiche (par exemple) l’imprimeur étonné voit apparaître, comme un souvenir involontairement affleuré, le trait d’un très ancien Daumier dont la pierre, à une certaine profondeur, et d’une façon tout à fait insoupçonnable, avait gardé l’empreinte.768

Comme la pierre, la mémoire est à la fois surface et profondeur : elle agit à notre insu, nos actes familiers en sont empreints, la dimension mécanique de la mémoire agit « comme une thésaurisation subreptice » (M.M., p. 2).

Comme le souligne Gérard Farasse, Francis Ponge, dans son texte, préfère une mémoire active, qui « réagit sur l’expression », qui peut « englouti[r] aussitôt ce qu’elle [veut] conserver » (pp. 2 et 4) :

‘Il importe à Ponge, comme on le voit, de maintenir intacte la capacité de sentir et donc de créer. La première page du bloc lithographique est blanche. À une mémoire capable d’enregistrer avec la fidélité d’un copiste ou la précision d’un appareillage technique, Ponge préfère une mémoire vivante, active, intelligente qui écarte d’elle-même l’insignifiant. Celle-ci passe au crible impressions et lectures pour ne conserver que ce qui est digne d’être retenu.769

La pierre, pour le poète, incarne une forme de résistance au langage, elle le provoque par son mutisme : « vous n’aurez de moi que du blanc, rien de mon gré(s), rien de ma nature muette. Il est à venir, celui qui me fera parler » (p. 5). Paul Claudel, dans « La Mystique des Pierres précieuses », aborde lui aussi le thème de la résistance, qu’il considère comme le mode d’existence des pierres :

‘L’esprit entre nos doigts qui s’est fait matière, l’invisible qui s’est fait substance et pierre, quelque chose de si positif et de si dur qu’il résiste à tous les instruments, qu’il constitue comme un étalon de résistance, il existe !770

Le philosophe Alain, dans ses Propos de Littérature, considère le visage de l’homme comme un « caractère de langage » qui le suit partout et « qui signifie fortement »771. Le poète, dans le texte de Matière et mémoire, compare la pierre lithographique à un visage, celle-ci exprime, à son insu, une émotion en réaction aux sollicitations du lithographe :

‘Quand on inscrit sur une pierre lithographique, c’est comme si l’on inscrivait sur une mémoire. C’est comme si ce que l’on parle en face d’un visage, non seulement s’inscrivait dans la pensée de l’interlocuteur, dans la profondeur de sa tête, mais apparaissait en même temps en propres termes à la surface, sur l’épiderme, sur la peau du visage.
Comme un visage tout à coup s’empreint de paleur […] la figure de la pierre apparaît la plus émouvante.772

Albert Camus, dans « Le Minotaure », en 1939, assimile lui aussi la pierre au visage ; ce thème commun devient l’occasion d’un échange de correspondance, lors de la parution du Galet :

‘Oui, consentons à la pierre quand il le faut. Ce secret et ce transport que nous demandons aux visages, elle peut aussi nous les donner. Sans doute, cela ne saurait durer. Mais qu’est-ce donc qui peut durer ? Le secret des visages s’évanouit et nous voilà relancés dans la chaîne des désirs. Et si la pierre ne peut pas plus pour nous que le cœur humain, elle peut du moins juste tout autant.773

Dans une lettre qu’il adresse au poète en 1943, Albert Camus évoque leur « communauté de vues », lui qui « rêve d’une philosophie minérale », et cherche à démontrer l’absurde latent dans les œuvres de Francis Ponge. « Matière et Mémoire » semble dans un certain sens s’opposer à ces observations, la pierre n’est pas « indifférente » mais « intéressée » à l’expression, elle se caractérise par son profond désir d’expression et sa détermination :

‘Et, en réalité, quoique vous vous dirigiez vers le relativisme humain (et humaniste) dont vous parlez dans vos notes, il y a dans vos textes poétiques un message plus catégorique et moins conciliant. J’y découvre les signes de ce qui, aujourd’hui me préoccupe et me presse : qu’une des fins de la réflexion absurde est l’indifférence et le renoncement total – celui de la pierre.774

La pierre est ainsi décrite par le poète, plus d’une année après réception de cette lettre, comme « sensible », qualifiée d’ « ultra-sensible », elle se révèle pourtant obstinée (« et je la répéterai comptez-y »). Le poète devient l’Amphion moderne, au sens où l’entend le philosophe Alain :

‘Je conçois un autre Amphion, qui, force de faire sonner sa lyre, remue les mots, qui sont comme des pierres plus sensibles.775

Francis Ponge parle dans son texte d’un « phénomène vasculaire ; comme d’un cœur dans la pierre, quelque muscle caché » (p. 4). L’allusion aux « mouvements browniens » (p. 4) est de ce point de vue emblématique. En effet, le brownisme est un système hypothétique de médecine, dans lequel, considérant la vie comme produite par l’excitabilité, on définit la maladie comme la manifestation d’un défaut ou d’un excès d’excitabilité. Cette singularité du motif minéral chez Francis Ponge, en particulier dans le texte consacré aux travaux lithographiques de Jean Dubuffet, est l’expression de son refus de restreindre l’objet étudié à sa seule qualité apparente et convenue :

‘Jusqu’à présent les objets n’ont servi à rien qu’à l’homme, comme intermédiaire. On vous dit : « un cœur de pierre ». Voilà à quoi sert la pierre. « Un cœur de pierre », cela sert pour les rapports d’homme à homme, mais il suffit de creuser un peu la pierre pour se rendre compte qu’elle est autre chose que dure ; dure, elle l’est, mais elle est aussi autre chose. Si l’on arrive à sortir de la pierre d’autres qualités qu’elle a en même temps que la dureté, on sort du manège. Il me semble que cela vaut la peine.776

Les découvertes de Freud vont bouleverser le regard que portent les hommes sur eux-mêmes. La psychanalyse, considérée comme une psychologie des profondeurs, dévoile les mystères de la conscience et de la mémoire. François Mauriac, dans ses Mémoires intérieures, parle de l’empire psychanalytique qui s’est imposé à tous et qui, comme le règne philosophique, force le poète « à faire un effort de réflexion » :

‘Depuis un demi-siècle, Freud, quoi que nous pensions de lui, nous oblige à tout voir, et d’abord nous-même, à travers des lunettes que nous ne quittons plus.777

L’homme et l’œuvre sont désormais disséqués non plus seulement par les critiques, les philosophes, mais aussi par les psychanalystes778. Francis Ponge, très méfiant vis-à-vis de ces théories, s’inquiète dans ses lettres à Jean Paulhan de ces autopsies critiques, notamment de celle sur laquelle travaille Jean-Paul Sartre dès 1943779. Selon Paul Valéry la complexité du système psychique ne peut s’appréhender que par comparaison : « On ne peut se figurer assez nettement le système psychique, et sa singularité, que par un comparaison constante avec le monde de la physique »780.

L’analogie établie par Francis Ponge entre la pierre et l’inconscient s’explique par les différents phénomènes chimiques qui opèrent sous la presse. Georges Didi-Huberman, réfléchissant sur le phénomène de l’empreinte suggère que cette opération incarne « la fonction d’une sorte d’inconscient technique » : le moment où l’image se révèle demeure inaccessible à l’œil mais aussi « à la conscience – et même à la représentation – de celui qui croit pourtant maîtriser tout le processus », c’est le « centre actif de l’opération qui reste voilé »781. Le procédé lithographique est le résultat d’une réaction chimique qui reste encore méconnue :

‘Comment ces surfaces antagonistes, souvent délicatement tracées et nuancées, n’empiètent pas les unes sur les autres, est assez difficile à concevoir. C’est la conséquence d’un phénomène connu sous le nom d’« adsorption » lié à une infinité d’orientation moléculaire dont l’analyse est malaisée.782

L’étude de ce processus, menée il y a une trentaine d’années au C.N.R.S. par des spécialistes de la physique des surfaces, n’a pas permis de percer le secret lithographique : « il en est résulté des photographies spectaculaires, mais rien n’a été élucidé. »783

La psychanalyse distingue le contenu manifeste du contenu latent ; la pierre possède une surface, contenu manifeste, la conscience, et une profondeur, contenu latent, l’inconscient : d’anciens dessins réapparaissent ainsi parfois lors de l’impression, « comme un souvenir involontairement affleuré » (M.M., p. 5). La pierre désire, absorbe et s’exprime, elle modifie l’expression, elle se livre dans l’empreinte, tandis que le peintre incarne la conscience. Comme l’a montré C.G. Jung le dialogue entre le moi et l’inconscient est universel, il s’agit là d’un phénomène fondamental propre à la condition humaine. Le fait que Francis Ponge associe la pierre à l’appareil psychique tient pour une part à des faits physiques, concrets, particuliers mais participe aussi à un élargissement de l’expérience au domaine du collectif. Il semble faire écho aux recherches de Sigmund Freud, notamment à sa « Notice sur le bloc magique », dans laquelle le psychanalyste affirme :

‘À imaginer que d’une main on couvre d’écriture la surface du bloc magique et que de l’autre on détache périodiquement les feuillets superficiels de la tablette de cire, on rend sensible la façon dont j’ai voulu me représenter l’activité de notre appareil psychique perceptif.784

Francis Ponge, observant Jean Dubuffet au travail, s’étonne ainsi de cette pierre lithographique qu’il compare à un « gros bloc-notes impossible à feuilleter. Duquel on ne dispose jamais que de la première feuille » et dont la réaction peut ne pas être « consciente à l’artiste. »(M.M., pp. 1 et 2).

Comme l’écriture, la peinture se fait miroir des mécanismes de la vie psychique, en particulier de la mémoire. Henri Michaux, dans Peintures et Dessins, compare l’œuvre au reflet : ‘« Hommes, regardez-vous dans le papier »’ 785 ‘. Les productions artistiques ou littéraires s’apparentent aux miroirs déformants, ceux qu’affectionne Jean Paulhan et qui, dit-il, révèlent aux autres notre véritable figure. Et inversement, l’homme peut se faire miroir d’une œuvre : l’amateur d’art, devenant critique, est comparé par Jean Tardieu à un « miroir ébloui »’ 786 ‘. ’

Francis Ponge, dans « Matière et Mémoire », rapproche le processus lithographique du modèle alchimique, en tant que métaphore de la connaissance et de la transmutation. Il qualifie ainsi la pierre de « philosophe » – c’est ainsi que s’appelaient les alchimistes –, et précise qu’elle « a le goût des arts » (p. 1). Il propose au lecteur, en parallèle, une véritable « philosophie chimique », telle qu’elle est définie par Antoine François Fourcroy, dans l’ouvrage du même nom :

‘La philosophie chimique ayant spécialement pour objet, 1° d’appliquer la théorie générale de la chimie aux phénomènes de la nature et aux opérations des arts, dont la cause et les effets sont entièrement du ressort de cette science, 2° de faire voir les rapports qui existent entre ces phénomènes, et l’influence réciproque qu’ils ont les uns sur les autres.787

L’alchimie est une opération secrète qui s’élabore dans l’intimité d’un laboratoire. C’est une métaphysique expérimentale qui se présente comme un moyen de connaissance intermédiaire entre la physique et la métaphysique. L’œuvre philosophale s’appuie tout autant sur la théorie que sur la pratique, son objectif est la réconciliation des dualités et le développement d’un savoir : il s’agit d’écouter la matière et de la faire parler. La lithographie, en tant que procédé chimique d’impression qui repose sur l’incompatibilité de l’encre et de l’eau, peut s’apparenter à ce modèle. Le papier et la pierre, matières sensibles, sont « surfaces à animer »788, pour reprendre les mots de Jean Dubuffet :

‘Ce n’est pas en regardant l’or, alchimiste, que tu trouveras le moyen d’en faire, mais cours à tes cornues, fais bouillir de l’urine, regarde, regarde avidement le plomb, là est ta besogne. Et toi, peintre, des taches de couleur, des taches et des tracés, regarde tes palettes et tes chiffons, les clefs que tu cherches y sont.789

L’artiste ressemble par certains aspect à un alchimiste, par ses recherches forcenées dans le secret de l’atelier notamment : ainsi, Elsa Triolet décrivant un peintre dans une de ses nouvelles, parait faire le portrait de Jean Dubuffet :

‘Il tournait le dos à la fenêtre et peignait, retranché du monde, quotidiennement bouleversé par sa nouvelle manière de faire, chaque nouveau tableau étant pour lui ce qu’une nouvelle expérience, une nouvelle réaction sont pour un chimiste. Espérait-il trouver la pierre philosophale ou le perpetuum mobile ?790

La démarche artistique et la recherche alchimique possèdent un objectif commun. Les textes fondateurs de cette discipline proposent ainsi de spiritualiser la matière et de matérialiser l’esprit. Ce projet semble s’incarner dans la réunion du texte et des lithographies dans l’album Matière et mémoire, ou les lithographes à l’école. Les traités alchimiques sont parfois intitulés « Traité des pierres », ce qui s’apparente au mot lithographie, qui désignait auparavant les traités sur les pierres. Le plus important document alchimique porte le titre de « Mutus Liber » : « livre muet », car l’image cerne l’espace de la page, le texte ponctuant simplement les dessins, remplissant les vides. En règle générale l’hermétisme est symbolisé par un livre fermé, qui s’apparente au « bloc-notes » « impossible à feuilleter » (p. 1) que décrit Francis Ponge dans « Matière et Mémoire » et qui préfigure le

‘Livre ouvert, hiéroglyphe de la matière de l’Œuvre, préparée et susceptible de manifester l’esprit qu’elle contient. Les sages ont appelé leur matière Liber, le livre, parce que sa texture cristalline et lamelleuse est formée de feuillets superposés comme les pages d’un livre.791

Les traités alchimiques sont abondamment illustrés car ce sont des manuels d’instructions. Ils sont également caractérisés par l’utilisation d’un langage énigmatique qui ressemble à celui des « conversations de papier » sous l’occupation. ‘Lorsque les poètes se tournent vers la profondeur des mots, ils deviennent mystiques, comme le souligne Pierre Emmanuel :’

‘C’était une époque où les mots essentiels, auparavant tus par pudeur, ou crainte du ridicule, comme il en va souvent dans notre pays, redevenaient les seuls capables de dire. Ces mots guidaient vers la profondeur ceux qui en usaient malgré eux par la vertu des vocables, autant que de la circonstance, les poètes devenaient des mystiques, des métaphysiciens, des prophètes…792

L’alchimie, comme la lithographie, est une pratique qui nécessite un apprentissage, une initiation, la connaissance d’opérations secrètes, mais qui ne supprime pas complètement le hasard : à chaque essai l’objectivité mécanique est remise en jeu par les réactions imprévisibles de la matière. D’autres aspects du texte de Francis Ponge confirment cette interprétation hermétique : ainsi, les références musicales, qui abondent dans le premier paragraphe, font échos à l’« art de la musique ». Les alchimistes, pour conserver le secret de leur art, se représentaient comme des musiciens tandis que les ustensiles nécessaires aux opérations étaient symbolisés par des instruments de musique. Le poète parle ainsi d’« une musique plus discrète », « comme une musique de chevet », il observe les « archets tendres », et compare l’atelier à un « conservatoire », à un « sous-sol de luthier », et la pierre au « luth » (M.M., p. 1).

L’alchimie se matérialise dans un objet merveilleux, la pierre philosophale. Pierre de sagesse, pierre solaire, elle symbolise l’inscription, l’empreinte de l’esprit dans la matière. Jean Dubuffet s’en inspire lors de ses expérimentations artistiques, nommant une série « Tables paysagées, paysages du mental, pierres philosophiques », ou mettant en scène les réactions chimiques dans « Pierres en action lente » (1952). Max Loreau compare ainsi les œuvres de Jean Dubuffet à des travaux « alchimiques »793. Parlant de Louis Ferdinand Céline, le peintre met en lumière ce qui, chez l’écrivain, s’apparente à sa propre démarche :

‘Il est un artiste, un très grand artiste ; il extrapole, il transmute. Il se saisit du premier instant venu de la vie journalière et, alchimisant les faits les plus insignifiants, les pensées et les humeurs les plus banales, il élabore les hauts sabbats de l’esprit…794

Francis Ponge, quant à lui, affirme dès 1927 son rêve de trouver « la pierre philosophale de la poésie. »795 Dans « Tentative orale », il compare sa méthode de composition au procédé hermétique :

‘Il ne s’agit pas vraiment de contemplation à proprement parler dans ma méthode, mais d’une contemplation tellement active, où la nomination s’effectue aussitôt, d’une opération, la plume à la main, que je vois cela beaucoup plus proche de l’alchimie par exemple (hum !), et en général de l’action (aussi bien de l’action politique)…796

Comparant l’opération poétique au procédé alchimique et l’inscrivant dans la sphère politique, Francis Ponge semble faire écho au projet mallarméen :

‘Quelque déférence, mieux, envers le laboratoire éteint du grand œuvre, consisterait à reprendre, sans fourneau, les manipulations, poisons, refroidis autrement qu’en pierreries, pour continuer par la simple intelligence.797

Dans « Pour un Malherbe », il se propose de réfléchir sur le rapport de son œuvre poétique « avec le caducée d’Hermès », et, « d’une façon générale, avec l’hermétisme »798. Francis Ponge cherche à dégager l’esprit de la matière, à imprimer l’esprit dans la matière des mots. Comme l’alchimiste, c’est par la contemplation active, qui suscite la nomination, que le poète tente de percer le secret de la pierre :

‘On voit que je cherche mes mots, et à travers mes mots mes idées, ou plutôt les qualités de cette pierre et la caractéristique (et les lois) de cet art […] ce qui ne se conçoit pas bien mérite d’être exprimé, le souhaite, et appelle sa conception en même temps que l’expression elle-même. La littérature, après tout, pourrait bien être faite pour cela…Être considérée à juste titre dès lors comme moyen de connaissance.799

Francis Ponge cherche à dégager les ressources infinies de l’épaisseur des choses, en passant par celle des mots, cette « Alchimie du Verbe » dont parlait Arthur Rimbaud, qui absorbe et transmue le langage commun.

La pierre lithographique, comme la pierre philosophale, possède des propriétés chimiques. C’est une pierre secrète, « muette » et très poreuse, qui réagit « en profondeur ». Dans « Matière et Mémoire » la référence au « tournesol qui tourne brusquement au bleu » (p. 4) doit être considérée comme une allusion à une pierre particulière, nommée Girasol, décrite par le naturaliste George Buffon et dont parlera Paul Claudel dans « La Mystique des Pierres précieuses » : cette pierre a la propriété d’irradier, en réfléchissant la lumière. Le dictionnaire Littré indique qu’il s’agit d’une « pierre précieuse qui jette un grand feu, surtout au soleil. »

Pour affirmer l’existence de la pierre philosophale, les alchimistes s’appuyaient sur des passages de la Bible, notamment de l’Apocalypse où il est dit : « Au vainqueur je donnerai la manne cachée, le lui donnerai une pierre blanche, avec, écrit sur cette pierre, un nom nouveau, que personne ne connaît, sauf celui qui la reçoit »800. Cette pierre angulaire, destinée au vainqueur, semble s’incarner dans la pierre lithographique, qui répète la victoire du peintre (p. 3). En connaissant la pierre l’alchimiste, comme le poète, se découvre lui-même, en donnant vie à la matière inerte il devient démiurge.

L’alchimie, comme la lithographie, fonctionne sur un principe de réaction par l’union des contraires qui engendre une troisième entité, appelée « rebis », fruit de l’union de l’art et de l’esprit. Un ouvrage attribué à Christian Rozencreutz s’intitule ainsi Les Noces chimiques 801 . Cette idée d’une alliance des matières incompatibles, Francis Ponge la réutilise, parlant des « épousailles » entre la pierre et l’application acidulée, comparant le passage sous presse à l’acte d’amour, ou à une « série de baisers » (pp. 4 et 5). L’album, de par sa nature double et comme l’indique le titre choisit par le poète, s’apparente au rebis, fruit de l’union du texte et des lithographies, de la matière et de la mémoire. Dans la philosophie hermétique chaque chose est liée au tout, elle affirme l’équivalence de la matière et de l’esprit, considérés comme deux pôles indispensables l’un à l’autre : l’esprit, pour se manifester, appelle la matière comme support et, inversement, la matière s’anime par l’esprit. Leur manipulation et leur réunion doivent permettre la transmutation des corps.

Comme la poésie, l’art est alchimie du fait qu’il est synthèse de matière et d’expérience : l’artiste distille dans l’œuvre la matière et la mémoire, « le peintre transmue » selon Jean Dubuffet, car

‘Ce qui est passionnant, pour l’enchanteur, c’est de changer : les belles en bêtes – les bêtes en belle. C’est là l’opération qui nous instruit.802

L’opération lithographique, ce procédé chimique d’impression, se fait alchimie sous la plume de Francis Ponge : la pierre devient « philosophe » (p. 1), elle épouse le papier dans un « silence sacramentel » (p. 5), l’artiste, « amoureux » (p. 3) de la matière minérale, est qualifié de « merveilleux » (p. 5). Enfin, comme l’indique la préface de l’ouvrage de Fulcanelli803, écrite par Eugène Canseliet en 1958, les récentes découvertes scientifiques sont alors au cœur des débats entre partisans et détracteurs de la « philosophie chimique » : les premiers considèrent l’observation des infimes réactions de la matière au « microscope », l’étude des « destructions moléculaires », des « grouillements microscopiques » ou des « mouvements browniens » (pp. 3 et 4) comme des preuves, à posteriori, de la validité de la thèse des alchimistes. Francis Ponge transpose ces éléments dans la littérature et les appliques à l’art de Jean Dubuffet, sa poésie s’apparente, comme le souligne Jean Hélion, à une « solution chimique » mentale et sensuelle :

‘La poésie chez Ponge est optimum de réalité. Comme dans une solution chimique apparaissent des architectures cristallines, Ponge conduit la vérité à ce point où les structures transparentes sous-entendent le chant des choses. Cela est mental et formidablement sensuel.804
Notes
743.

Edgar Poe – « La Philosophie de la composition », in. La Genèse d’un poème.

744.

Jean Dubuffet – « Empreintes », in. L’Homme du commun à l’ouvrage, p. 248.

745.

Marianne Jakobi et Julien Dieudonné – Dubuffet, p. 405.

746.

Jean Dubuffet – « Note sur le titre du "Cabinet logologique" », in. L’Homme du commun à l’ouvrage, p. 421.

747.

Lettre de Jean Dubuffet à Charles-André Chenu, 24 février 1984, in. Prospectus et tous écrits suivants, t. IV, p. 442.

748.

Jean Tardieu – « Le Sens et le Silence », in. Les Portes de toile, p. 156.

749.

Jean Tardieu – « Les Portes de toile », p. 115.

750.

Michel Tournier – « Éléments de xylosophie », in. Célébrations, p. 20.

751.

Maurice Mattauer – Ce que disent les pierres, Bibliothèque pour la science, 1998, p. 6.

752.

Jean Paulhan – « Préface », in. Sens-plastique de Malcolm de Chazal, pp. 13-14.

753.

Lettre de Jean Dubuffet à Kay Sage, 14 septembre 1960, in. Prospectus et tous écrits suivants, t. IV, p. 332.

754.

Pierre Bourdieu – « Nécessiter », in. L’Herne, p. 437.

755.

Francis Ponge – « Escargots », in. Œuvres complètes, t. 1, p. 27.

756.

Malcolm de Chazal – Sens-plastique, p. 14.

757.

Malcolm de Chazal – « Comment j’ai créé Sens-plastique », ibidem, p. 313.

758.

Filippo Tommaso Marinetti – « Supplément au Manifeste technique de la littérature futuriste », in. Poésure et Peintrie, pp. 487-488.

759.

La théorie mathématique de l’attraction capillaire s’intéresse aux phénomènes résultant d’une force d’attraction qui est imperceptible à une certaine distance. C’est l’étude de l’interface entre un liquide et une matière ou une surface, comme celle qui se produit en profondeur lorsque le papier poreux absorbe l’encre.

760.

Francis Ponge – Matière et mémoire…, p. 5.

761.

L’hypertextualité est définie par Gérard Genette comme la relation unissant un texte B (l’hypertexte) à un texte antérieur A (hypotexte) sur lequel il se greffe d’une manière qui n’est pas celle du commentaire.

762.

Gérard Genette – « Transvalorisation », in. Palimpsestes, p. 419.

763.

Gérard Genette – « Les titres », in. Seuils, p. 95.

764.

Albert Thibaudet – « Poésie », in. Réflexions sur la littérature, p. 1063.

765.

Gérard Genette – « Les titres », in. Seuils, pp. 95, 96 t 97.

766.

Jacques Derrida – L’Écriture et la Différence, 1967.

767.

Jacques Derrida, in. Francis Ponge, Album amicorum, p. 150.

768.

Francis Ponge – Matière et mémoire…, p. 5.

769.

Gérard Farasse – « Par cœur », in. Ponge, résolument, p. 284.

770.

Paul Claudel – « La Mystique des Pierres précieuses », in. L’Œil écoute, p. 216.

771.

Alain – Propos de littérature, p. 14.

772.

Francis Ponge – Matière et mémoire…, pp. 2 et 4.

773.

Albert Camus – « Le Minotaure », in. L’Été, pp. 60-61.

774.

Lettre d’Albert Camus à Francis Ponge, in. Essais, Pléiade, p. 1665.

775.

Alain – Propos de littérature, p. 35.

776.

Francis Ponge – Méthodes, pp. 261-262.

777.

François Mauriac – Mémoires intérieures, p. 8.

778.

Le philosophe Alain imagine ainsi dans ses Propos de littérature un dialogue entre un critique et un poète, et témoigne de cette appréhension commune :
« Cependant le critique va trouver le poète, et tire son crayon […]
- Mais l’homme, dit le critique ? Dois-je entendre physiologie et psycho-physiologie ?
- Comment autrement, répond le poète ? Et j’avoue que cette scolastique moderne dessèche quelquefois, et détourne même de revenir à la poésie. […]
- En somme, dit le critique, si j’ai bien compris, travail de patience, de combinaison, de choix, de retouches ; travail intellectuel ; jeu d’énigmes. Vous êtes un bon ouvrier de vers.
- Je le voudrais, dit le poète." Le critique s’enfuit, emportant ces morceaux du poète déchiré, et les jette ici et là. » pp. 27 et 28.

779.

Celui-ci projette d’écrire un commentaire sur le Parti pris des choses et fait demander au poète, par l’intermédiaire d’Albert Camus, des textes inédits et des éléments biographiques pour alimenter sa documentation. Francis Ponge s’amuse alors à brouiller les pistes, n’envoyant que des poèmes et documents sans rapports ou en contradiction avec le recueil étudié.

780.

Paul Valéry – « Tel Quel », in. Œuvres complètes, t. II, p. 739.

781.

Georges Didi-Huberman – La Ressemblance par contact : archéologie, anachronisme et modernité de l’empreinte, p. 35.

782.

Georges Dayez – Graveurs et Lithographes, p. 32.

783.

Georges Dayez, ibidem.

784.

Sigmund Freud – « Notice sur le bloc magique » in. Revue française de psychanalyse, t. XLV, sept-oct. 1981, p. 1110.

785.

Henri Michaux – « En pensant au phénomène de la peinture », in. Peintures et Dessins, p. 187.

786.

Jean Tardieu – « Au Lecteur », in. Le Miroir ébloui, p. 11.

787.

Antoine François Fourcroy – Philosophie chimique, ou vérités fondamentales de la chimie moderne, Levrault, p. 1.

788.

Jean Dubuffet – « Partant de l’informe », in. L’Homme du commun à l’ouvrage, p. 21.

789.

Jean Dubuffet, ibidem.

790.

Elsa Triolet – « La Vie privée… », in. Le Premier accroc coûte deux cents francs, p. 147.

791.

Fulcanelli – Les Demeures philosophales, t. I, p. 296.

792.

Pierre Emmanuel, cité dans La Littérature occupée, p. 185.

793.

Max Loreau – Jean Dubuffet, Délits, déportement, lieux de haut jeu, p. 37.

794.

Jean Dubuffet – « Céline pilote », in. L’Homme du commun à l’ouvrage, p. 216.

795.

Francis Ponge – « Phrases sorties du songe », in. Œuvres complètes, t. I, p. 187.

796.

Francis Ponge – « Tentative orale », in. Œuvres complètes, t. I, p. 664.

797.

Stéphane Mallarmé – « Grands faits divers », in. Igitur, Divagations, Un Coup de dés, p. 310.

798.

Francis Ponge – « Pour un Malherbe », in. Œuvres complètes, t. II, p. 155.

799.

Francis Ponge – Matière et Mémoire…, p. 5.

800.

L’Apocalypse, 2, 17.

801.

Christian Rozencreutz – Les Noces chimique, 1459, réédité aux éditions Project Gutenberg, 2010.

802.

Jean Dubuffet – « Peindre n’est pas teindre » et « Transmuer », in. L’Homme du commun à l’ouvrage, pp. 43 et 61.

803.

Eugène Canseliet – « Préface », in. Les Demeures philosophales.

804.

Jean Hélion – « La Découverte de Francis Ponge », in. L’Herne, p. 263.