II . Les études féministes et les études sexe et genre

Aucune législation socialiste en faveur des femmes ne saurait accomplir la millionième partie de ce qu'un peu plus de tissu musculaire offert gracieusement par la nature, pourrait faire.
Elizabeth Hardwick (1966)

Ce travail de thèse s’inscrit dans le paradigme des travaux portant sur le sexe et le genre, et les études féministes. En effet, il s’agit de questionner en quoi l’arrivée d’un nouveau paradigme, le développement durable, peut engendrer un changement, un réajustement, des rapports sociaux de sexe, et ce d’autant plus que le développement durable comporte effectivement, textuellement, une démarche d’égalité entre les hommes et les femmes. Pour mieux saisir le lien qu’il y a entre ces deux objets, nous verrons en quoi et comment le développement durable peut s’inscrire dans la logique des revendications des mouvements féministes des 19ème et 20ème siècles. Nous essayerons donc de présenter quels sont les enjeux de pouvoir et de domination entre les sexes pour mieux comprendre en quoi et comment l’arrivée de ce nouveau paradigme peut faire le jeu de ces rapports de pouvoir et/ou entraîner leur possible résolution. Nous verrons que cette inscription du paradigme du sexe et du genre dans celui du développement durable et/ou réciproquement, alors qu’elle est entendue sur le plan politique et pragmatique, l’est beaucoup moins sur le plan théorique.

Bien que les inégalités et les discriminations hommes/femmes ne soient plus à prouver, il convient tout de même de définir quelle en est la nature et comment elles se structurent. Nous verrons successivement ce qu’il en est de la construction de l’identité sexuée et des rapports sociaux de sexe, puis nous verrons comment ces armatures idéologiques sous-tendent la dynamique sociale. Comme Gatens (1996, cité Cassell, 2000, p. 77) le fait remarquer :

‘« Une interaction sociale peut traduire une différence, l’amplifier ou la créer, mais la différence n’est en aucune façon limitée à l’interaction. La race, la classe, le genre sont inhérents à des corps, des corps réels comme des “ corps imaginaires ”, images symboles, croyances qui modèlent la réalité sociale et politique des individus comme des groupes. ». ’

Voyons donc d’abord ce qu’il en est des corps puis des interactions. Nous nous intéresserons ici particulièrement aux discriminations et ségrégations professionnelles et au difficile accès au pouvoir des femmes.