c . Les femmes et le pouvoir

Que ce soit dans la sphère politique ou professionnelle, les femmes ont du mal à accéder au pouvoir. Comme le mentionne Aubert (Aubert, 1982), l’exercice du rôle professionnel et électif est d’abord masculin, et selon Enriquez (Enriquez, 1983), le pouvoir est d’essence masculine, donc l’accès au pouvoir dans la sphère professionnelle ou élective pour les femmes est un double défi. Pour Maruani (Maruani, 1992, p. 131) : « Dans un univers très masculin, un plafond de verre défend toujours l’accès des femmes aux premiers cercles de l’égalité aux derniers cercles du pouvoir. ». Les hommes ont le pouvoir de fait, les femmes ne font qu’usurper ce pouvoir qui est encore d’essence masculine. Appuyons cette analyse sur quelques chiffres qui ancrent bien ce constat : les femmes sont absentes des conseils d’administration où elles ne sont que 10,5%17 du CAC 40, mais dans la fonction publique ce n’est guère mieux puisqu’elles ne sont que 21,3% à occuper des emplois de direction18. Cela est valable aussi pour le monde syndical où elles représentent 35,2% des élu.e.s des organisations syndicales des comités d’entreprise19 et 31% des président.e.s d’association (elles occupent le poste de trésorière -42%- ou de secrétaire -57%-)20. Nous pourrions continuer à énumérer des statistiques montrant que l’accès des femmes à l’exercice du pouvoir reste difficile.

La candidature de Ségolène Royal aux élections présidentielles de 2007 a montré que pour une femme la position d’être éligible à la fonction suprême de l’État est moquée voire l’objet d’attaques sexistes21. Le livre de Jospin ne cache en rien ce sexisme sous couvert d’analyse politique (Jospin, 2007). Cet accès plus que difficile au pouvoir peut être opérationnalisé par deux notions : le fameux « plafond de verre » (auquel il faut ajouter « le couloir », ou « les parois de verre ») mais aussi la théorie des rôles sociaux d’Eagly (Eagly, 1987, Eagly et al., 2000, Eagly et al., 2004), développée en France par Doutre (Doutre & Uzel, 2006, Doutre, 2007, 2008b), montrant que l’exercice du pouvoir est éminemment genré, de genre masculin, ce qui exclut de fait le genre féminin. Nous insistons sur le fait que c’est bien le genre et non le sexe qui est discriminé, puisque c’est bien la féminité, qu’elle soit incarnée par un homme ou une femme qui semble pâtir d’une image défavorable, et la masculinité, d’une image favorable. Doutre (Doutre & Uzel, 2006) et Eagly et Karau (Eagly & Karau, 2002) font l’hypothèse que cela proviendrait d’une idéologie sexiste pro homme. En effet, comme le mentionne Doutre (Doutre, 2008b), les femmes qui réussissent à percer le plafond de verre sont de genre masculin : Laurence Parisot, Michèle Alliot-Marie, Anne Lauvergon, ou encore Martine Aubry sont des femmes qui ne mettent pas de robe, qui portent les cheveux courts et qui alignent leur comportement sur celui qui est attendu d’un homme. Dans le cas de Ségolène Royal, ce n’est pas tant le fait qu’elle soit une femme qui lui a porté préjudice, mais sa féminité : les cheveux mi-longs, les robes etc. qui lui ont valu le surnom de « Madone ».

Notes
17.

Chiffre de Capitalcom, étude sur la mixité au sein des organes de gestion et de contrôle.

18.

Chiffre du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Rapport annuel sur l’état de la fonction publique, faits et chiffres, 2008-2009, La documentation française, 2008.

19.

Chiffre Dares, 2005, fichier des élections aux comités d’entreprise et délégations uniques du personnel.

20.

Chiffre de l’enquête CES-Matisse, 2005.

21.

Les médias se sont fait l’écho des nombreuses attaques dont Ségolène Royal avait été l’objet de la part de son propre parti. Les plus emblématiques étant celles de Laurent Fabius : « Mais qui va garder les enfants ? » et « Ce n’est pas un défilé de mode ».