b . Les femmes sans droits

Concernant l’accession aux droits civiques, les femmes sont encore loin de jouir d’un accès égal à la sphère politique. Tout d’abord elles n’ont pu s’y faire une place légitime que tardivement au regard de l’histoire de nos démocraties occidentales. Longtemps, elles ont été mises au ban des droits universels, explicitement ou implicitement, qu’ils aient été déclarés à des échelles nationales, régionales ou mondiales. On peut le voir encore autour de la question de la construction de l’Europe politique. Si les droits de l’Homme apparaissent comme peu négociables pour qu’un pays soit accepté en son sein, les droits des femmes eux, le sont, dans la mesure où le droit à l’avortement et à la contraception par exemple, ne sont pas considérés comme non négociables24. Les droits des femmes parce qu’ils leur sont particuliers, tout comme le fait que les femmes sont elles-memes une dérogation au caractère général du masculin neutre, ils sont perpétuellement mises au second plan tout en n'étant pas compris dans les droits dits de l’Homme.

Ainsi est-il important d’aborder les questions du développement économique et social au regard de l’histoire non seulement de l’humanité tout entière, c’est-à-dire hommes et femmes indifférenciés, mais aussi dans leur spécificité. Si le développement durable veut promouvoir une nouvelle donne pour le monde, il faut donc qu’il en tienne compte. Comme le remarque Guérin (Guérin, 2003, p. 16-17) : « Dans certaines situations, un droit neutre et asexué ne peut qu’encourager les processus de différenciation inégalitaire là où comportements et stéréotypes maintiennent des logiques de domination. » Nous verrons justement comment le développement durable prend en compte ces enjeux hommes/femmes.

Nous procéderons en deux temps, tout d’abord nous verrons comment les femmes et le féminisme ont contribué à cette réflexion sur le lien entre développement et rapports sociaux de sexe et comment cet engagement a contribué à construire l’idée de développement durable. Puis nous prendrons le contrepoint, c’est-à-dire que nous examinerons comment les textes dits de développement durable prennent en compte cette question.

Notes
24.

Nous avons pu voir lors du référendum sur l’Europe en Irlande, la cristallisation de cette priorité dans ce pays où l’avortement est interdit : certains groupes de pressions irlandais ont affirmé que voter « oui » au traité de Lisbonne, c’était accepter la légalisation de l’avortement. Si le lobby européen des femmes réclame depuis de nombreuses années une harmonisation à ce sujet, la commission européenne, quant à elle, pour arracher un second vote aux Irlandais, les rassurait que sur les questions de défense du territoire et éthiques, l’Europe ne peut exercer sa souveraineté sur les pays membres : « Bon nombre d’Irlandais s’inquiètent des conséquences du traité sur leur politique fiscale, sur leur neutralité militaire ou sur les questions éthiques, telles que l’avortement. Le Conseil a fourni des garanties juridiques selon lesquelles le traité ne porterait pas atteinte à la souveraineté du gouvernement irlandais sur ces questions » (compte-rendu commission européenne du 12 décembre 2008)