A . Le développement durable et l’institution

a . Les représentations sociales du développement durable

Un objet technique et/ou une philosophie de vie

Certains sujets préfèrent dire que le développement durable est une philosophie, « une philosophie de la complexité » (sujet P), ou alors « C’est une attitude heu… citoyenne. Face aux enjeux de développement, de la vie… Pour moi c’est vraiment quelque chose qui est complètement intégré dans ma façon de pensée et dans ma façon de vivre » (Sujet 0). D’autres en font un objet technique, sans quoi il serait seulement un argument de communication ou un concept : « Non mais faudrait vraiment qu’il soit porté par un service transversal, mais qui sorte du concept pour devenir un service transversal […]. Parce que bon la direction de la prospective c’est pas ça… Bon c’est bien mais ça donne pas les moyens d’agir au quotidien. » (sujet Z).

Le sujet T trouve une position médiane : « En premier lieu, ouais, c’est plus une philosophie. Après pour être réalisé, ça doit être décliné d’un point de vue concret quoi, mais à la base ouais, c’est une philosophie ». En tous cas, dans les deux cas, les participant.e.s déplorent que les missions qui sont en lien avec le développement durable ne soient pas rattachées directement à la Direction Générale ou aux directions, ce qui permettrait pourtant d’asseoir le développement durable comme principe de toutes les autres missions, et donc sa transversalité, mais aussi son côté stratégique (Sujet 0) :

‘« Je trouve ça dommage effectivement qu’on déconnecte le développement durable de l’ensemble des choses. Et euh, à ce titre peut-être qu’on va arriver à en parler, mais euh, le rattachement au niveau de la direction générale du développement durable, devrait être vraiment un bon positionnement. On a du mal à comprendre pourquoi c’est que au niveau des directions urbaines […] ». ’

Les participant.e.s critiquent l’opérationnalisation en service de ces missions qui étaient avant directement rattachées à la stratégie de la collectivité, ce qui non seulement leur fait perdre une légitimité aussi bien vis-à-vis des autres services qu’auprès de la DG. Par ailleurs, cette opérationnalisation du développement durable le réduit aussi à ce dont il est rattaché, ici le sujet 0 déplore que l’on réduise le développement durable à des directions urbaines.

Nous pouvons aussi retenir les propos du sujet D qui dit du développement durable que : « C’est une sorte d’axiome le développement durable. C’est une définition, c’est un axiome, ça ne se démontre pas. On ne peut pas d’opinion contraire. ». Il montre ainsi la légitimité de ce paradigme au-delà du raisonnable.

En tous cas, les participant.e.s se trouvent en adéquation avec cet objet, qu’ils le considèrent comme une philosophie ou comme un objet technique. Ils sont certes amenés à le porter sur le plan professionnel, mais ils portent cette problématique aussi au sein de l’espace privé. Cette participante (sujet T), répond à la question que nous lui posons : « Quelque part, toi-même tu es développement durable ? », elle répond : « Oui oui tout à fait ! ». Nous ne citerons que le sujet Z mais qui est aussi révélateur de l’exemplification qui est faite du développement durable sur le plan privé par quasiment tous les participant.e.s : 

‘« Ah oui, moi je fais mon jardin, je fais mes céréales, j’ai ramassé 140 kilos de kiwi l’autre jour, tout ça dans 680 m2, j’ai fait mes compotes avec des pommes un peu véreuses, mais j’ai fait des conserves pendant trois mois, avant que les pommes soient complètement mures […] du côté disons jardin oui, du côté énergie, j’ai une chaudière à condensation depuis 1978, à l’époque il y en n’avait pas beaucoup, c’était les premières […]. Donc il y a quand même un certain nombre de valeurs quand même que je cultive même si je suis pas complètement exemplaire dans tous les domaines ».’

Il y a donc une forte implication personnelle dans cette problématique et le côté exemplaire, qui passe justement par l’exemplification et l’énumération de ce chacun fait, est prépondérant dans la plupart des entretiens.

L’exemplification du développement durable est même mieux développée sur le plan personnel que professionnel, ce qui laisse tout de même en suspens la question de la pertinence de la collectivité en tant qu’employeur sur cette problématique. Nous devons aussi ajouter que cette exemplification se fait seulement en lien avec le volet environnement, ce qui pose la question de la prépondérance de ce volet environnement sur les autres.