b . La mise en œuvre organisationnelle du développement durable

Une organisation ambiguë

Ainsi, cette approche environnementale qui met de côté le social rend incohérente la politique développement durable de l’institution, qui est engagée sur le plan environnemental mais non sur le plan social : « Oui l’équilibre pour le moment on privilégie l’environnemental. Mais on on on oriente à l’heure actuelle, le regard que sur sur l’environnemental, alors que on voit les réorganisations qu’on fait on voit bien que c’est pas développement durable. Les gens qui se suicident c’est quand même pas très développement durable » (Sujet O). D’ailleurs, l’implantation institutionnelle du développement durable confirme précisément cela, le développement durable n’a fait que prendre la place de l’écologie : « […] l’éducation à l’environnement qui est devenue celle du développement durable, l’observatoire de l’environnement qui est devenu celui du développement durable […] » (Sujet P). L’institution semble donc privilégier largement le volet environnement qui est d’ailleurs en lien non pas avec l’organisation de la collectivité, mais avec le territoire qu’elle administre. Le développement durable est présenté comme un principe d’aménagement du territoire mais pas comme un principe organisationnel, ce qui n’est pas sans laisser un goût amer aux participant.e.s qui perçoivent cela comme une contradiction.

À la question de savoir ce qui est aidant ou non au portage du développement durable dans l’institution, l’organisation elle-même est identifiée comme handicapante (sujet O) : « Ce qui est handicapant maintenant je pense que c’est notre organisation très hiérarchique. Parce que du coup on est beaucoup plus dans l’injonction que dans l’échange. Et que dans l’injonction ben… elle… Par nature elle introduit des résistances. ». Ce poids de la hiérarchie étant ressentie de façon très différente selon le service : les sujets parlent moins de l’organisation hiérarchique, que des personnes qui incarnent leur hiérarchie. Certain.e.s disent qu’elle est très aidante dans la livraison de leur projet (sujet P) : « Alors qui qui nous aide, la hiérarchie. Alors ça c’est très aidant. Les quatre supérieurs hiérarchiques en partant du DG sont très aidants. ».

Par ailleurs, le rôle du politique est aussi ambigu, si certains ne se disent que des techniciens exécutant la parole du politique, d’autres, bien que leur mission ne soit pas moins inscrite dans le plan de mandat, ont la sensation de ne pas être soutenu.e.s, voire d’être obligés de convaincre le politique qui a pourtant souscrit au plan de mandat qu’il est en charge de défendre (Sujet U) : « C’est affiché politiquement, mais il y a un fossé entre les deux. Donc nous on bataille avec notre petit porte monnaie pour faire des choses euh… Pour diffuser… Enfin pour diffuser cette culture de la participation. Mais on est vite limité. » ; mais aussi (sujet Y) : « Les arbitrages ne sont pas de même nature que les discours ». Ce contraste entre la parole politique et les actes est perçu comme tellement fort que la technostructure se présente parfois comme plus engagée que le politique (sujet Y) : « […] je pense qu’il y a un discours, je pense qu’aujourd’hui par rapport à quelques années et c’est mon sentiment, il y avait du discours avec quasiment rien derrière, je pense qu’il y a des actes aujourd’hui, je trouve que souvent ils sont plus imposés par la technostructure, que par les élus. ». Toutefois le sujet T identifie que sa plus grande aide vient du politique : « Ce qui m’aide c’est les impulsions politiques. », mais quand nous lui demandons s’il s’agit de son vice président, elle nous répond qu’il s’agit plutôt de la politique nationale…

Ainsi l’institution dans son ensemble, que ce soit l’organisation politique ou administrative, semble avoir un rapport ambigu au développement durable dans la mesure où rien ne semble faciliter la mission des agents ayant en charge de le porter. Par contre, les participant.e.s évoquent l’aide qu’ils peuvent recevoir de leur hiérarchie en tant que personne. Cela rejoint le constat que nous reformulerons plus tard qui est que la collectivité est handicapante à moins de mettre en place et de faire partie de réseaux personnels.