b . Les femmes et le développement durable : un risque de naturalisation

Le développement durable, naturellement !

La naturalisation du lien entre les femmes et le développement durable se fait naturellement, si l’on peut dire, sur la question de la maternité et le rapport des femmes aux enfants, enfants qui sont d’abord les leurs comme le dit le sujet O : « Ah oui parce que c’est elles qui gèrent et qui donnent la vie. Donc elles sont réceptives à tout ce qui est destruction et… c’est peut-être un peu éculé de le dire mais je pense que c’est vrai. ». On retrouve cela aussi : 

‘« […] si une femme a physiologiquement vocation à la transmission Silence Au regard de ce que sont les fonctions euh… de l’homme euh, au sens de mascu, de la masculénéité, de la virilité, elle est d’ailleurs et elle est déjà dans la durée, dans la durabilité, puisqu’elle est programmée pour transmettre une vie qu’elle ne souhaitera pas en principe, voir s’éteindre trop vite. Dans la distinction du du du potentiel féminin maternel et du potentiel masculin poten, paternel, là… Ça me paraît cardinal, cardinal. » (Sujet R)’

Le sujet Z le formule comme suit : « C’est les femmes qui font les gamins, faut quand même pas oublier, donc… L’homme il va mettre des capteurs photovoltaïques sur le toit pendant que la femme elle va avoir le souci des gamins […]. ». Ainsi, pour ces participant.e.s, une femme et deux hommes, les femmes sont d’emblée dans le développement durable étant donné qu’elles donnent la vie et que cette fonction est, non pas considérée comme sociale mais comme naturelle. Les rôles sociaux de sexe sont bien distincts : les hommes ont des activités extérieures au foyer, activités économiques, belliqueuses etc… et ce sont d’abord les femmes qui font des enfants et les élèvent. Cette distribution des rôles est, comme le rôle maternel, naturelle avant d’être sociale.

Ce lien quasiment automatique entre les femmes comme reproductrices de l’espèce humaine et le développement durable montre à quel point ce dernier est fortement ancré dans cette dimension transgénérationnelle, dimension transgénérationnelle qui incombe donc aux femmes, alors que les économies d’énergie passant par l’amélioration du bâti… incombent aux hommes.

Les autres participant.e.s évoquent ce lien pour dire qu’ils le réfutent : il serait éculé dans nos sociétés modernes. Cela dit, le fait qu’ils l’évoquent pour le réfuter montre la force de ce lien :

‘« Non enfin, je pense aujourd’hui quand on me parle de développement durable moi c’est c’est pas sexué enfin je veux dire après c’est les clichés, enfin c’est comme les nourrisses, ou les crèches quand c’est des hommes ça parait moins… Mais je pense qu’aujourd’hui il n’y a rien dans les gènes qui viendrait justifier justifier une quelconque différence dans dans, ouais après on rentre dans le domaine du cliché, c’est-à-dire qu’il y a peut-être plus de rondeur, plus de, plus de calme, mais ça c’est aussi une question de caractère, voilà…» (sujet Q)’

Ici le participant préfère faire référence au caractère des individus plutôt qu’à une différence globale en termes de sexe.

‘« Non mais oui ça influence, je veux dire si vous êtes sur une entrée heu, heu… Sur une entrée comment dire… Encore une fois sans tomber dans le cliché parce qu’à la limite aujourd’hui dans les gens que je côtoie il y a, il y a autant de femmes qui sont branchées bagnole, voire plus, que d’une histoire de dire, les femmes elles s’occupent des enfants donc elles sont plus sensibles à l’avenir de la planète, non c’est des conneries, après la question c’est à titre collectif, non j’y crois pas en fait, j’y crois pas, ça reste le genre humain. Après sur des questions de comportement individuel. Oui parce que le sexe influence forcément votre parcours individuel, et puis après c’est des données macros etc. » (Sujet V)’

Il essaye de faire le lien entre le comportement qui serait individuel et qui découlerait d’un parcours, et qui quand bien même serait influencé par le sexe, serait aussi individuel, et des données macros. En fait, il s’agit ici de dire qu’il y a bien des différences entre le comportement des femmes et celui des hommes, mais que, sans qu’on puisse faire de généralités, celles-ci ne sont pas dues à la nature des sexes mais à l’éducation. Le sujet Y déconstruit cette notion de prédisposition : 

‘« J’ai tendance à penser qu’on peut l’appréhender de la même manière, je pense qu’en fait c’est la diversité des individus, voilà, je ne pense pas qu’il y ait des prédispositions, de sexe qui font que… les femmes seraient plus naturellement ou les hommes seraient plus naturellement soucieux du développement durable ou l’inverse. » (sujet Y)’

Mais nous pouvons remarquer que dans la tournure de l’énoncé, ce sont bien les femmes qui sont supposées être plus enclines au développement durable que les hommes.