IV . Nos choix méthodologiques : quelles productions pour quelles données ?

Nous avons fait l’expérience du mépris que peut parfois manifester l’institution envers ces stagiaires et apprentis auxquels nous étions assimilée, et des difficultés d’enquête puis de restitution qu’elle oppose aux étudiant.e.s, bien qu’ils soient légions à être accueillis. Cela nous a rendu fragile pendant un moment de notre recherche, amplifiant la question du positionnement que nous pouvions occuper dans l’institution, comme celle de la légitimité de notre recherche. Mais en deçà de ces analyses, notre expérience du terrain a aussi influencé la façon dont nous procéderons à son expérimentation.

Compte tenu de notre positionnement difficile et du rôle complémentaire que l’institution voulait nous faire jouer, nous avons opté pour le questionnaire. Cela nous orientait ainsi vers une approche plus quantitative et surtout, élargissait notre échantillon aux non experts du développement durable. Nous n’avons donc pas analysé les représentations sociales produites au cœur stratégique en développement durable de l’institution, mais les représentations sociales des agents, qui, s’ils ne participent pas directement à l’élaboration stratégique du développement durable, sont imprégnés de cette culture générale ou/et d’entreprise, et prennent des décisions au regard de cette nouvelle grille. L’étude des représentations sociales par questionnaires reste une méthode répandue, il s’agit juste de faire en sorte que ce questionnaire ne recueille pas des opinions, mais permette bien d’analyser les représentations sociales des répondant.e.s (Vergès, 2001), ce que nous expliquerons dans les parties suivantes.

Nous ajouterons que cette option méthodologique était cohérente avec le rôle complémentaire que l’institution nous faisait jouer : passer des entretiens avec des cadres et des agents occupants des places importantes n’est possible qu’aux consultant.e.s et formateur.e.s extérieurs, qui n’ont ni notre âge, ni nos objectifs de recherche. D’ailleurs nous avons proposé des entretiens avec des chefs de service ou de direction qui nous ont été tous refusé. Les raisons principales données étaient le manque de temps, et le statut toujours perçu de stagiaire, bien que nous précisions notre statut de doctorante, en plus de celui de chargée d’études dans la collectivité, était aussi évoqué pour débouter nos demandes78. Proposer un questionnaire reste une démarche classique des sciences sociales, et qui, même si elle n’est pas perçue comme inoffensive79, dans notre cas sur le développement durable, était perçue comme une démarche pas tant de recherche que de communication. Notre hiérarchie, qui était tout de même globalement bienveillante sur cette recherche, n’a pas amendé notre questionnaire.

Cela ne nous a pas empêchée de procéder à des entretiens mais de personnes moins impliquées stratégiquement, et sur un échantillonnage de type boule de neige.

La recherche s’est effectuée ensuite autour de deux méthodes principales de recueil de données, des entretiens (N = 17) et un questionnaire (N = 237). Comme nous l’expliquions précédemment, l’analyse des entretiens n’est pas considérée comme un résultat, mais plutôt comme nous permettant d’interpréter et de discuter les résultats du questionnaire. Comme ils nous ont aussi permis d’élaborer mieux la demande, ils font à la fois partie de notre cadre théorique et de l’interprétation des résultats.

Notes
78.

Notre bureau était celui des personnes de passage dans l’institution : les stagiaires, mais aussi les formateurs et consultants. Nous avons pu voir que ce statut de stagiaire, même chez les étudiants impliqués dans des projets opérationnels, rendait leur contact avec les cadres et manageurs difficile. La question type de la personne ou de la secrétaire lors de prise de rendez-vous, étant toujours « Mais est-ce vraiment quelque chose d’important, parce que je vois que vous n’êtes que stagiaire ? ».

79.

Nous avons pu voir lors de notre travail dans cette institution, deux stagiaires de M1 en psychologie sociale négocier leur enquête par questionnaire avec notre direction et notre propre service. Dans les deux cas, les étudiantes ont du faire d’importantes concessions, voire modifier complètement leurs hypothèses de recherche compte tenu de la polémique que soulevait certaines échelles.