C . Le test et la passation du questionnaire

Nous avons procédé au test de ce questionnaire en deux temps. Dans un premier temps nous avons élaboré notre questionnaire en en proposant différents à des agents que nous avions déjà sollicités lors des entretiens, mais aussi des agents « lambda », non impliqués dans le développement durable. Nous avons donc pu procéder à plusieurs modifications notamment des consignes, ainsi qu’au contrôle du temps nécessaire pour remplir ce questionnaire que nous ne voulions pas supérieur à une vingtaine de minutes. Ces ébauches de notre questionnaire ont donc été, après chaque modification, supervisé par une quinzaine d’agents, correspondants développement durable ou non, de catégorie A, B ou C, de filière administrative ou technique.

Le questionnaire dans sa forme que nous jugions définitive a ensuite été testé auprès de personnel d’une mairie faisant partie de la communauté de communes dans laquelle nous étions. Ces répondants (N = 30) ont un profil similaire aux agents auxquels nous comptions adresser ce questionnaire : il s’agit d’agents de la fonction publique, pas forcément familiers du sujet du développement durable.

Ce test nous a permis de voir que le questionnaire était compris de tou.te.s et que le temps de réponse n’excédait pas 20 minutes. Nous avons trouvé un  de 0,85 sur la question 3 ce qui est plus que satisfaisant, et de 0,90 sans les items distracteurs.

Le questionnaire a ensuite été proposé aux agents de deux façons différentes afin que le mode de passation s’adapte à un grand nombre d’entre eux.elles. Nous rappelons la méfiance à laquelle nous avons été très vite confrontée notamment par les nombreux refus d’entretien ou d’enregistrement. Nous avons donc accordé une attention particulière au texte de présentation du questionnaire ainsi qu’à son mode de passation. Le premier qui est aussi le plus simple est l’envoi en pièce jointe du questionnaire via la messagerie de la collectivité, à l’ensemble du personnel. Il était alors proposé aux agents d’y répondre par voie électronique à une adresse mail basée en dehors de la collectivité, que nous avions ouverte pour l’occasion : etude.developpementdurable@gmail.com . L’anonymat n’était pas absolu dans la mesure où nous pouvions lire l’expéditeur du mail, détail qui ne nous avait pas échappé et qui a été relevé par un bon nombre de répondant.e.s (N = 54). Les formules types utilisées étant « C’est pas si anonyme que ça puisque vous voyez mon nom apparaître », « Bien que ce questionnaire ne soit pas anonyme, l’envie d’y répondre prenant le dessus, je prends le risque de vous le renvoyer quand même », ou alors « Afin de garantir un réel anonymat de ma réponse, je n’ai pas rempli la fiche signalétique ». Il y a d’ailleurs sur la partie de la fiche signalétique, beaucoup d’annotations à ce sujet, certains agents ayant choisi de ne pas y répondre ou de donner le minimum d’informations qui les rendait réellement non repérables selon eux. Signalons aussi que le fait que nous demandions le sexe du répondant.e a été interprété comme une atteinte à la vie privée par quelques un.e.s (N = 3), et que deux répondant.e.s nous ont menacé de signaler notre démarche à la CNIL. Cela dit, la garantie d’anonymat ne concerne pas tant le chercheur, que ses comptes-rendus oraux ou écrits, ce qui était bien sûr le cas. Mais le grand nombre de remarques à ce sujet montre bien la méfiance dont font preuve les agents.

Comme nous avions anticipé ce problème lié à l’identification de l’expéditeur, les agents pouvaient se procurer des questionnaires imprimés aux accueils des différents bâtiments de la collectivité, accompagnés d’une enveloppe sur laquelle figurait l’adresse d’une boîte postale que nous avions ouverte pour cette recherche avec le service courrier. Ainsi, l’anonymat était entièrement garanti. Pour autant certains sujets ont joint des écrits sur feuille libre pour nous faire part de leur analyse portant sur notre sujet, et d’autres qui répondaient par le truchement de leur assistante, affichaient très clairement leur identité, la réponse au questionnaire étant devenue par là un outil de communication personnelle !

Voici le mail que nous avons envoyé avec le questionnaire en pièce jointe.

Objet : IMPORTANT : votre avis sur le développement durable
Bonjour à tou-te-s,
Dans le cadre d'une thèse que je prépare actuellement sur le développement durable au sein de la collectivité, je vous sollicite pour répondre à un questionnaire portant sur les représentations du développement durable.
Ce questionnaire s'adresse à toute personne désireuse de participer à cette étude et pas uniquement aux spécialistes. Je précise aussi que cette étude se fait dans le cadre strict du respect de l'anonymat dû à toute personne participant à une étude scientifique. De plus, je serai la seule personne autorisée à traiter ces données. J’ajoute aussi que vous êtes libres de répondre ou de ne pas répondre à ce questionnaire.
Afin que ces deux conditions essentielles soient respectées, je vous propose deux possibilités pour répondre à ce questionnaire:
1. Vous pouvez lire le questionnaire qui est en pièce jointe, le remplir et le renvoyer par mail à l'adresse: etude.developpementdurable@gmail.com.
2. Vous pouvez vous procurer ce questionnaire imprimé ainsi que des enveloppes libellées pour y répondre sur papier:
- À l'accueil du bâtiment principal pour les personnes basées dans ce bâtiment et alentours.
- À l'accueil du bâtiment Y pour les personnes basées dans ce bâtiment.
- Auprès de X pour les personnes basées au bâtiment D.
- Pour les personnes basées dans les subdivisions, si vous voulez répondre par courrier, vous pouvez me solliciter et je vous enverrai le questionnaire imprimé et l'enveloppe.
Le délai de réponse est fixé au 1er juillet afin de tenir compte des ponts et des vacances à venir.
Je vous remercie d'avance de votre participation!
Anne-Line Gandon

Il faut aussi ajouter que ce questionnaire a rencontré un vif succès, bien que le pourcentage de réponses puisse paraître peu élevé (237 sur 4300 agents). En effet, quand nous avons fait part de cette passation en amont à des agents qui sollicitent les agents dans le cadre de l’institution, nous avons été mise en garde contre le faible pourcentage de réponses qu’ils obtiennent (mais dont ils ne nous ont pas fait part) même en mettant en place des interfaces simples et interactives comme Sphinx le permet, et en offrant des cadeaux aux premier.e.s répondant.e.s. L’annonce des 237 réponses les a étonnés, et ce d’autant plus que le questionnaire était long, et le mode de réponse complexe. Nous avons tout de même opéré trois relances entre avril 2009 et septembre 2009.

Nous interprétons ce pourcentage de réponses qui est dit étonnement élevé comme un intérêt vif porté pour la question du développement durable par les agents, mais aussi comme le signe de l’efficacité des personnes que nous avions interviewées et rencontrées au cours de notre travail dans l’institution. Par ailleurs, notre texte de présentation insiste bien sur le côté scientifique de notre recherche. Si l’objectif premier était de lever toute suspicion sur une éventuelle reprise de ses résultats directement par l’institution, il est possible que cela ait joué en notre faveur selon la théorie de la soumission à l’autorité, ici scientifique, de Milgram (Milgram, 1963). Si nous continuons dans la confirmation de l’efficacité des théories psychosociales, nous avons joué de la soumission librement consentie (Joule & Beauvois, 1987) en mentionnant bien que les sujets étaient libres de répondre ou non à ce questionnaire !